Jusqu'à la première révolution industrielle, les ingénieurs étaient bien souvent issus d'écoles d'origine militaire et étaient chargés principalement du génie militaire qui englobait alors bien souvent toutes les tâches associées comme la construction, les fortifications, les routes et ponts, les voies navigables, etc.[1],[2],[3],[4]. Une exception notable est la création de l’École Royale des Ponts et Chaussées en 1747 en France, plus ancienne école d'ingénieurs du monde encore existante, et qui fournit des architectes et ingénieurs « civils », non militaires mais constituant un Corps d’État de la fonction publique d'administration des routes et chemins, des ponts, des canaux, des ports, etc.
La terminologie « ingénieur civil » provient de la traduction française de l'appellation anglaise « civil engineer » qui a été introduite par l'ingénieur anglais John Smeaton, fondateur de la « Society of Civil Engineers » (aussi appelée la « Smeatonian Society of Civil Engineers » ou la « Smeatonian Society ») créée en 1771. Cette association professionnelle voulait regrouper les acteurs du domaine des grands travaux à vocation non militaire et, notamment, des praticiens des métiers de la construction, des ingénieurs, des financiers et des juristes en vue de mener à bien des projets d'envergure d'intérêt public tels que des canaux, phares, zones portuaires, voies et, plus tard, des lignes ferroviaires[5],[6]. La dénomination « génie civil » est donc créée dans le but de reconnaître l'ingénieur acteur des travaux de la société civile à vocation non militaire par opposition au génie militaire. Là aussi, à l'époque, nombre de travaux de l'ingénieur étaient liés à la construction au sens large.
Le développement industriel fulgurant[1],[7],[8],[9] du début du XIXe siècle en Europe a conduit à la nécessité de former ces ingénieurs dont les missions sont issues de et dédiées à la société civile en plein développement. et qui se distinguent ainsi de ceux issus de la société « militaire ».
Sur le continent, c'est l'École Centrale des Arts et Manufactures de Paris qui, par sa création en 1829, a lancé les prémices de la dénomination « ingénieur civil ». Sa création visait, en effet, à fournir des ingénieurs issus de la société civile, non membres d'un Corps d’État, destinés à répondre aux nombreux défis industriels, sociétaux et de progrès humain de la société de l'époque au sens large[10]. Le cercle des industriels et des ingénieurs « civils » (soit de la « société civile ») ainsi formés et issus de l'École Centrale les années suivant sa création n'a pas tardé à se constituer en réseau par la création, dès 1848, de la « Société (centrale) des Ingénieurs Civils ».
Entretemps, tout comme le modèle militaire de l'École Polytechnique[1],[11], son pendant civil, le modèle de l'École Centrale de Paris avait lui aussi fait des émules, notamment :
D'autres nombreuses créations d'écoles d'ingénieurs en Europe et même plus loin, basées sur ces deux modèles (école polytechnique et école centrale), verront le jour très tôt après 1850[1].
En France, à partir de 1851, l’École Nationale des Ponts et Chaussées fournit également des ingénieurs civils non issus de l’École Polytechnique et n'appartenant donc pas à la fonction publique.
Au fur et à mesure du déroulement de la première révolution industrielle (après 1800 et avec le développement de l'activité industrielle autour du ferroviaire, de la métallurgie et de l'automobile après 1880), le génie civil s'est spécialisé et diverses branches de l'ingénierie en sont devenues distinctes[1], comme le génie des procédés, le génie mécanique, le génie électrique, le génie informatique (et même le génie dit « clinique » à l'heure actuelle) alors qu'une bonne part du génie militaire (à l'exception de l'artillerie) fait maintenant partie du génie civil.
Titre et formation associée
En Belgique
En Belgique, on peut faire des études d'Ingénieur Civil soit à l'École Royale Militaire (Section polytechnique — Niveau Master) soit dans une Université (Niveau Master), d'où, dans ce dernier cas, le titre ingénieur civil. Ce titre est protégé par la loi (et partagé avec les ingénieurs agronomes — bioingénieurs)[16]. À ne pas confondre, donc, avec le génie civil qui est la branche de l'art de l'ingénieur consacrée à la construction de bâtiments, routes, ponts. En Belgique, l'accès aux études d'ingénieur civil est subordonné à la réussite d'un examen d'admission dans les universités francophones. Cet examen d'admission est axé sur les mathématiques. En Flandre, depuis l'année académique 2004-2005, cet examen est obligatoire mais le résultat, quel qu'il soit, ne peut pas interdire l'élève à commencer l'étude d'Ingénieur Civil.
Le diplôme d'ingénieur civil est défendu et promu par la Fédération royale d'associations belges d'ingénieurs civils et d'ingénieurs agronomes (FABI)[17],[18].
Le titre d'ingénieur (dont l'abréviation est Ir[19],[20], distincte de Ing.[21] pour l'ingénieur industriel) est protégé par la loi belge. Le diplôme de bio-ingénieur bénéficie de la même reconnaissance de la part de la FABI et de la loi belge.
Ce diplôme est délivré par les universités suivantes :
École royale militaire (ERM) - Koninklijke Militaire School (KMS) ou encore Royal Military Academy (RMA)[22] ;
Ingénieur civil polytechnicien (à l'École royale militaire — spécialisé soit en télécommunication, en balistique, en construction ou en mécanique) ;
Bioingénieur : Sciences et Technologies de l’environnement ;
Bioingénieur : Gestion des Forêts et des Espaces naturels ;
Bioingénieur : Sciences Agronomiques ;
Bioingénieur : Chimie et Bio-industries.
La formation d'ingénieur civil comporte 5 années d'études : 3 années de bachelier (Bachelor) et 2 années de maîtrise (Master). Les trois années de bachelier constituent le 1er cycle, les 2 années de maîtrise, le 2e cycle. La réussite des études de base de premier cycle confère le grade académique de bachelier. La réussite des études de base du 2e cycle confère le grade académique de master ingénieur civil. Selon la spécialité choisie, une qualification peut être associée à ce grade académique (par exemple : master ingénieur civil électricien, mécanicien, en sciences des matériaux, etc.).
Au Canada
Au Canada, le terme ingénieur civil a aussi la même signification que le terme anglais civil engineer, c'est-à-dire un ingénieur qui pratique le génie civil.
En Suisse, le terme d'« ingénieur civil » fait référence à un ingénieur qui pratique le génie civil. Le titre en Suisse n'est pas protégé par la loi, bien qu'il existe un registre des ingénieurs (aux côtés des architectes et techniciens), le REG[32]. On distingue en Suisse deux catégories d'ingénieurs civils (les titres actuels sont conformes au processus de Bologne) :
ceux issus des écoles polytechniques fédérales (EPF) de Lausanne ou de Zurich sont possesseurs d'un Master of Science et peuvent s'inscrire au REG A ; leur formation, de niveau universitaire, est orientée vers la recherche, l'encadrement mais aussi la pratique ;
ceux issus des hautes écoles spécialisées suisses (HES) possèdent un Bachelor of science et peuvent s'inscrire au REG B (dès la fin des études) ou bien au REG A (après 3 ans de pratique professionnelle) ; leur formation, plus courte, est principalement orientée vers la pratique, de ce fait, ils sont très appréciés par les entreprises et bureaux d'études. Ils peuvent par la suite poursuivre leurs études pour obtenir un master HES ou EPF. Ils sont appelés dans le monde professionnel « ingénieurs civils HES ».
Le terme d'ingénieur civil prête aussi à confusion en anglais. En effet, civil engineer signifie ingénieur en construction ou en génie civil bien que le qualificatif civil vienne lui aussi du génie civil par opposition au génie militaire.
Notes
↑ abcd et e(en) Stephen P. TIMOSCHENKO, History of Strength of Materials, NEW-YORK, Ed. DOVER Publishing Inc., , 468 p. (ISBN978-0-486-61187-7, lire en ligne)
↑(en) PEARSON K., TODHUNTER I., A History of the Theory of Elasticity and of The Strength of Materials : From GALILEI to the Present Time : Part I : From SAINT-VENANT to Lord KELVIN, CAMBRIDGE, UK, CAMBRIDGE UNIVERSITY PRESS, , 558 p.
↑(en) PEARSON K., TODHUNTER I., A History of the Theory of Elasticity and of The Strength of Materials : From GALILEI to the Present Time : Part II : From SAINT-VENANT to Lord KELVIN, CAMBRIDGE, UK, CAMBRIDGE UNIVERSITY PRESS, , 762 p.
↑(en) TODHUNTER I., A History of the Theory of Elasticity and of The Strength of Materials : GALILEI to SAINT-VENANT - 1639-1850, CAMBRIDGE, UK, CAMBRIDGE UNIVERSITY PRESS, , 926 p.
↑Loi belge sur la protection des titres d'enseignement supérieur de 1933
↑ a et bFABI, Annuaire 2015 : Edition Avril 2016, BRUXELLES, Belgique, Fédération Royale d'Associations belges d'Ingénieurs Civils, d'Ingénieurs Agronomes & de Bio-Ingénieurs, , 310 p.
↑FABI, Vade-Mecum de l'Ingénieur, BRUXELLES, Belgique, Fédération Royale d'Associations Belges d'Ingénieurs Civils, d'Ingénieurs Agronomes & de Bio-Ingénieurs, , 143 p.
↑Note sur l'abréviation Ir : en français correct, l’abréviation du mot « ingénieur » ne comporte pas de point final vu que la dernière lettre de l'abréviation est la dernière lettre du mot (tout comme pour le titre de Docteur - « Dr »).
↑Note sur l'abréviation Ir. : La Loi belge sur la protection des titres d'enseignement supérieur de 1933 modifié en 1955, article 1 V, indique que: L'abréviation « Ir. » pour le titre d'ingénieur est réservée aux personnes autorisées à porter le titre d'ingénieur civil(...). C'est donc l'abréviation avec un point qui est légale et de fait, l'abréviation sans le point n'est donc pas protégée.
↑Note sur l'abréviation Ing. : vu que la dernière lettre de l'abréviation n'est pas la dernière lettre du mot, un point termine l'abréviation.
↑La dénomination a été modifiée en Master d'Ingénieur civil d… par l'arrêté 2004/201999 publié le
↑Cette nouvelle formation (déjà dispensée notamment à l'ULB) ne possède pas encore de page de description détaillée mais est listée sur http://fabi.be/ing2/homepage.htm