Il s'installa d'abord à Rio de Janeiro, où il fut reconnu par des Juifs survivants du ghetto de Riga[1]. En , le Brésil entreprit des démarches auprès des États-Unis et du Royaume-Uni afin de confirmer l'identité de Cukurs[1]. Ces derniers pays, toutefois, jouèrent la montre et se montrèrent très passifs[1]. Des Juifs détruisirent alors le chantier naval de Cukurs à Rio[1]. Celui-ci s'établit alors, en 1960, dans l'État de São Paulo[1]. Il y mit sur pied une petite entreprise de vol d'hydravion sur un lac artificiel, avec laquelle il arrivait à vivoter[1].
La même année, en , il donna une interview au journaliste Jack Anderson, du magazine américain Parade[1], dans laquelle il niait avoir commis ces massacres[1]. Il était alors armé et protégé par deux policiers[1]. Son nom fut ensuite mentionné par le survivant Eleazar Kashat lors du procès d'Adolf Eichmann[1].
À partir de , un officier du Mossad, Yaakov Meidad[5], s'approcha de lui sous le nom d'Anton Kuenzle, tentant de gagner son amitié en lui proposant de participer à ses affaires d'hydravion touristique[1]. Le Mossad ayant décidé de l'assassiner en raison de l'impossibilité de le traîner en justice[1], Kuenzle attira le criminel de guerre à Montevideo en 1965, où il fut exécuté par une équipe de quatre agents israéliens, dans la Casa Cubertini[1]. Les agents laissèrent sur son corps le dossier énumérant ses crimes contre les Juifs de Lettonie[6] et la note:
« VERDICT
Attendu la gravité des crimes dont HERBERT CUKURS est accusé, en particulier sa responsabilité personnelle dans l'assassinat de 30 000 hommes, femmes et enfants, et attendu l'épouvantable cruauté dont a fait preuve HERBERT CUKURS lors de l'exécution de ses crimes, nous condamnons ledit CUKURS à mort.
Il a été exécuté le 23 février 1965.
Par “Ceux qui n'oublieront jamais”. »
Son corps fut découvert dans une malle le par l'inspecteur José Braga[1]. Tout comme lors de l'enlèvement d'Eichmann en Argentine, des manifestations d'antisémitisme accueillirent la nouvelle : à Montevideo, une synagogue fut la cible d'un attentat à la bombe[1], tandis qu'à São Paulo une croix gammée et les mots « Viva Cukurs » étaient peints sur la maison du reporter juif Jacob Rosemblat[1]. Un mandat d'arrêt fut lancé par Interpol contre Anton Kuenzle[1], dont les photos furent publiées dans la presse internationale (Cukurs, très méfiant, avait filmé son « associé » et avait remis le film à son épouse avant son départ pour Montevideo au cas où sa vie aurait été menacée), la femme de Cukurs l'accusant du meurtre[1]. L'agent, qui avait entretemps changé d'apparence, ne fut jamais découvert et il fallut attendre vingt ans pour que le Mossad reconnaisse son implication dans l'assassinat[1].
Postérité
Surnommé le « bourreau de Riga », Cukurs fait l'objet de tentatives de réhabilitation parmi l'extrême-droite lettonne[1], avec notamment l'exposition « Herberts Cukurs : la présomption d'innocence », à Liepāja en [1], qui tentait de l'innocenter de ses crimes recensés par les historiens[1]. À la suite de l'émission de timbres postaux à l'effigie de l'aviateur, le ministre des Affaires étrangères letton dut reconnaître officiellement en 2004 qu'il était également « coupable de crimes de guerre » [7].
↑Guy Walters (trad. de l'anglais), La traque du mal [« Hunting evil »], Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l'histoire », , 509 p. (ISBN978-2-08-123133-7, OCLC642300986), pp. 241-246.
↑Déclaration de Zeev Slutzky, membre du commando, citée dans Uri Dan, Mossad : 50 ans de guerre secrète, Paris, Presses de la Cite, coll. « Focus », , 386 p. (ISBN978-2-258-03745-8, OCLC225803745X), p. 139
Angrick, Angrej, et Klein, Peter, The "Final Solution" in Riga: Exploitation and Annihilation, 1941-1944, Berghahn Books, 2009 (ISBN978-1-84545-608-5); originellement publié sous le titre Die „Endlösung“ in Riga., Darmstadt 2006, (ISBN3-534-19149-8).
Ezergailis, Andrew, The Holocaust in Latvia 1941-1944 — The Missing Center, Historical Institute of Latvia (in association with the United States Holocaust Memorial Museum) Riga 1996 (ISBN9984-9054-3-8).
Künzle, Anton, Shimron, Gad, et Massad, Uriel, The Execution of the Hangman of Riga: the Only Execution of a Nazi War by the Mossad, Mitchell, Valentine & Co., 2004 (ISBN0-85303-525-3).
(en) Max Michelson, City of life, city of death : memories of Riga, Boulder, University Press of Colorado, , 171 p. (ISBN978-0-87081-642-0, OCLC634179325)