On connaît une soixantaine d'espèces de frênes, qui vivent essentiellement dans les forêts tempérées. Fraxinus excelsior peut atteindre 40 mètres de hauteur à l'âge adulte et vivre 250 ans. En France, on en trouve jusqu'à 1 400 mètres d'altitude.
Les frênes peuvent porter indifféremment des fleurs hermaphrodites, des fleurs mâles et des fleurs femelles, mais on rencontre aussi des arbres exclusivement mâles ou exclusivement femelles. La pollinisation est anémophile. Les grains de pollen, d'un diamètre de l'ordre de 25 µm, sont produits en abondance et ont un fort potentiel allergisant[1].
Étymologie
Le mot frêne est issu du latin fraxinus, de même sens.
Le nom latin semble apparenté à celui qui désigne le « bouleau » dans d'autres langues indo-européennes (sanskrit bhūrjáḥ, russe берёза/berjóza, anglais birch), ce qui peut s'expliquer par la couleur claire de l'écorce. Le suffixe *-sen- du mot latin pourrait être dû à l'influence du nom indo-européen du frêne (*ōs-, dialectal *ōsen-, cf. russe я́сень/jáseń, lituanien úosis), qui a donné en latin celui de l'orne (ornus), une variété de frêne[2].
Le nom du frêne est à l'origine de nombreux patronymes (Fresnay, Frenoy, Fresnoy, Dufrêne, Fressonnet, Fressinnet, Dufraisse, Frassati, etc.)[3] et toponymes : Fresne[s] (21 communes), Fresnay (8 communes), Fresney (3 communes), Fresnoy (12 communes) ; dans le Midi Fraisse[s] (5 communes), Fraissinet (2 communes), Frayssinet (2 communes), etc.[4]. En Gascogne, les noms Réchou ou Rachou proviennent du nom de l'arbre lo hreisho, le f passant à h en gascon.
Le frêne est un bois dur. Il est employé pour fabriquer un parquet solide mais un peu trop uniforme de couleur pour le goût du jour. Exploité en trogne (poitevin-saintongeais : têtard), c'est le bois des manches : pelles, haches, pioches, etc., ainsi que des arcs, car flexible et résistant aux vibrations. Ce bois est également utilisé pour la fabrication des cercles à fromage, pouvant prendre une forme arrondie et la garder même après plusieurs utilisations car il est très « nerveux ». En carrosserie automobile, et jusque dans les années 1950, il était utilisé pour construire les structures de carrosserie avant l’avènement des carrosseries tout acier.
Là aussi, exploité en trogne dans le Massif central et dans l'Ouest de la France, lors des étés secs, les paysans récoltent le feuillage pour nourrir les ruminants. Comme c'était aussi un arbre de haie ou d'ombre près des points d'eau, il suffisait souvent d'abattre des branches pour que les animaux se servent.
De la frênette, boisson fraîche et pétillante, était fabriquée dans des familles angevines, jusque dans les années 1960. Les feuilles étaient séchées puis mises en tisane. On ajoutait sucre et levure de boulanger. On laissait le tout quelque temps en barrique, puis on le mettait en bouteilles.
Les samares de frênes sont parfois consommées, la plupart du temps marinées, en Amérique du Nord, en Asie et en Europe[6].
Maladies
Plusieurs maladies se développent chez le frêne, probablement du fait des échanges commerciaux internationaux, et peut-être en raison d'une tendance au réchauffement climatique et à la culture de clones à diversité génétique plus faible.
L'agrile du frêne (Agrilus planipennis), un coléoptère asiatique de la famille des Buprestidae, accomplit une partie de son cycle vital dans le frêne. La larve vit sous l'écorce et se nourrit du phloème de l'arbre. La première mention en Amérique du Nord remonte à 2002. Depuis, il s'est répandu aux États-Unis, en Ontario et a atteint le Québec en 2008. Cet insecte ravageur et envahissant donne du fil à retordre aux gestionnaires des ressources naturelles et oblige à des abattages sanitaires.
Acariens envahisseurs
Des acariens tels que Aceria fraxinivora envahissent les rameaux florifères (fleurs mâles du frêne) ou parfois d'autres organes (bourgeons) qui réagissent par la formation d'excroissances induites par la piqûre de ces animaux gallicoles. Les galles « en chou-fleur » offrent ainsi des tissus végétaux nourriciers et protecteurs (le gîte et le couvert) à ce parasite. Cet acarien est « peu néfaste pour l'arbre, bien qu'il puisse entraîner une certaine mortalité des jeunes pousses et des déformations de la branche ; il est surtout jugé inesthétique par les paysagistes et fait alors parfois l'objet de traitements phytosanitaires[8]. »
Traitement préventif
Si le frêne ne montre aucun signe de dépérissement dû à l'agrile du frêne, il est possible de le traiter contre cet acarien avec un biopesticide. La ville de Montréal utilise le TreeAzin[9], un produit a faible toxicité pour les mammifères,
les oiseaux et autres espèces sauvages[10] dont la matière active est dérivée du margousier, un arbre poussant naturellement en Inde et en Afrique de l'Est et utilisé depuis longtemps[Quand ?] pour ses propriétés insecticides.
La chalarose
Description
Une autre maladie, émergente, est provoquée par un champignon exotique et invasif ; Chalara fraxinea, ascomycète isolé sur des brindilles et branches malades mais aussi au collet des arbres et sur la partie supérieure des racines maîtresses, responsable de la chalarose du frêne[11]. Cette maladie létale semble avoir émergé au début des années 1990 en Europe de l’Est et du Nord (d'abord repérée au début des années 1990 en Pologne). Le téléomorphe de cette espèce est Hymenoscyphus pseudoalbidus[12],[13]. Puis il a été montré que cet agent pathogène est très probablement d'origine asiatique où il a été détecté sur des frênes indigènes, F. mandshurica, et où la diversité génétique du pathogène est beaucoup plus élevée qu'en Europe[14].
De 1990 à 2008, la maladie est repérée en Autriche[15],[16], Finlande, Allemagne[17], Hongrie[18], Lituanie, Norvège[19], Pologne[20], Suède et sur la base des symptômes, au Danemark[21], en Estonie, Lettonie et Suisse[22] et elle progresse vers l'Europe de l'Ouest, puisque détectée par l'Office national des forêts (ONF) de Vesoul en France à l’automne 2008 chez des peuplements malades dans plus de 80 communes de Haute-Saône[23].
En Belgique, le Département de la nature et des forêts (DNF) et le laboratoire de mycologie du Centre de recherches agronomiques (CRA) de Gembloux assurent une veille sanitaire. Des experts craignent que ce champignon puisse aussi s’attaquer ensuite à d’autres essences. Il infecte l'arbre et provoque notamment le dessèchement puis la mort des rameaux de un ou deux ans (juste avant le débourrement ou durant les sécheresses estivales). La base des rameaux morts ou latéraux présente généralement d'abord des nécroses corticales (sans exsudats) qui s’étendent ensuite aux branches des couronnes (avec descente de cime). Des nécroses apparaissent aussi sur le tronc à l'intersection des gourmands infectés par C. fraxinea et à leur base pour former des faciès chancreux[24]. Le bois attaqué devient gris[25]. Un développement anarchique de pousses épicormiques est parfois constaté (à partir de bourgeons dormants).
Dans les zones touchées par la maladie, les experts recommandent de ne transporter que du frêne bien sec[26]. On manque encore de données précises sur la pathogénicité de ce champignon, des causes qui facilitent l'infection du frêne (le gel et/ou les sécheresses pourraient le favoriser). En 2007, le frêne européen (Fraxinus excelsior) était touché, mais aucune donnée n'était disponible sur la sensibilité à ce parasite pour d'autres espèces de Fraxinus. Selon l'OEPP, les plants de pépinières et le transport de bois contaminé semblent expliquer la propagation de la maladie sur de longues distances[27]. La maladie est souvent chronique, et parfois mortelle pour l'arbre. Ces dépérissements ont été observés en forêt et sur leurs lisière notamment, mais aussi dans les haies, et en ville (parcs urbains et jardins) ou en pépinières.
Résistance génétique chez certains frênes
Une étude danoise (2007 à 2009, publiée en 2012[28]) a montré que selon les souches génétiques, le frêne est plus ou moins sensible à la chalarose; le degré de vulnérabilité des clones testés (une trentaine) lors de l'étude était fortement corrélé à la sénescence des feuilles en automne (plus précoce chez les clones plus sains). De façon générale, plusieurs études confirment qu'il existe de la variabilité génétique héritable dans la résistance à la maladie dans les populations de F. excelsior, allant des plus résistants (moins de 5 % de la population de frênes) aux très sensibles qui disparaitront rapidement[29],[30],[31]. La chalarose aura un impact économique majeur ainsi qu'un fort impact écologique sans toutefois remettre en cause la préservation de l'espèce.
Voir des photos illustrant les symptômes visibles de cette maladie
↑Michiel de Vaan, Etymological Dictionary of Latin and the other Italic Languages, Leiden: Brill, 2008, p. 240-241. — Remarques : 1° fraxinus a été aussi employé par Stace pour désigner un javelot. Loin d’éclairer l’étymologie, cet usage n’est qu’une métonymie poétique (nom du frêne employé pour désigner un objet en bois de frêne). – 2° La ressemblance entre fraxinus « frêne » et le grec phráxis « haie » est fortuite et trompeuse. Premièrement, il existe une quinzaine d’espèces d’arbres qui conviennent bien pour des haies : cette propriété n’est donc pas apte à fournir la désignation spécifique d’une seule d’entre elles. Secondementt, les mots grecs phrágma, phragmós, phráxis ne désignent pas une haie vive (qui est haimasía), mais une clôture.
↑plantesauvage_aemp6h, « Les frênes », sur Plantescomestiblesblog, (consulté le )
↑ a et bElizabeth S. A. Sollars, Andrea L. Harper, Laura J. Kelly, Christine M. Sambles, Ricardo H. Ramirez-Gonzalez + et al (2016) Genome sequence and genetic diversity of European ash trees ; doi:10.1038/nature20786, publié en ligne le 26 décembre 2016 (CC-BY-SA 3.0)
↑Patrick Dauphin, Guide des galles de France et d'Europe, Humensis, , p. 168.
↑Queloz et al. 2011 Cryptic species in Hymenoscyphus albidus. Forest Pathology Forest Pathology 41:133-142.
↑Zhao et al. 2012. Hymenoscyphus pseudoalbidus, the correct name of Lambertella albida reported from Japan. Mycotaxon 122:25-41.
↑Halmschlager E, Kirisits T (2008) First report of the ash dieback pathogen Chalara fraxinea on Fraxinus excelsior in Austria. New Disease Reports, Volume 17, February 2008 - July 2008. (Lire).
↑Schumacher J, Wulf A, Leonhard S (2007) First record of Chalara fraxinea T. Kowalski sp. nov. in Germany – a new agent of ash decline. Nachrichtenblatt des Deutschen Pflanzenchutzdienstes 59(6), 121-123 (in German).
↑Szabó I (2008) Dieback of common ash (Fraxinus excelsior) caused by Chalara fraxinea. Növényvédelem 44(9), 444-446 (en Hongrois).
↑Ash dieback (Norwegian Institute of Forestry and landscape. , en norvégien).
↑Kowalski T (2006) Chalara fraxinea sp. nov. associated with dieback of ash (Fraxinus excelsior) in Poland. Forest Pathology 36(4), 264-270.
↑Kjær et al. 2012. Adaptive potential of ash (Fraxinus excelsior) populations against the novel emerging pathogen Hymenoscyphus pseudoalbidus. Evol. Appl. 5: 219–228.
↑Mc Kinney et al. 2011. Presence of natural genetic resistance in Fraxinus excelsior (Oleraceae) to Chalara fraxinea (Ascomycota): an emerging infectious disease. Heredity 106: 788-797
↑Pliura A. et al. 2011. Performance of twenty four European Fraxinus excelsior populations in three Lithuanian progeny trials with a special emphasis on resistance to Chalara fraxinea. Baltic For. 17: 17–34