La source d'une fonction L p-adique est généralement de deux types. La première — à partir de laquelle Tomio Kubota(en) et Heinrich-Wolfgang Leopoldt ont donné la première construction d'une fonction L p-adique (Kubota et Leopoldt 1964) — est via l'interpolation p-adique des valeurs spéciales des fonctions L(en). Par exemple, Kubota-Leopoldt ont utilisé les congruences de Kummer sur les nombres de Bernoulli pour construire une fonction L p-adique, la fonction zêta de Riemann p-adique ζp(s), dont les valeurs aux entiers impairs négatifs sont celles de la fonction zêta de Riemann (à un facteur de correction explicite près). Ces fonctions L p-adiques sont généralement dites fonctions L p-adiques analytiques. L'autre source de fonctions L p-adiques — découverte pour la première fois par Kenkichi Iwasawa — provient de la théorie des corps cyclotomiques, et plus généralement de certains représentation de Galois sur des tours de corps cyclotomiques. Une fonction L p-adique obtenue de cette manière est dite fonction L arithmétique p-adique car elle contient des informations sur le module de Galois donné. La conjecture principale de la théorie d'Iwasawa (devenu un théorème dû à Barry Mazur et Andrew Wiles) est l'affirmation que la fonction L p-adique de Kubota-Leopoldt et un analogue arithmétique construit via la théorie d'Iwasawa sont essentiellement les mêmes.
Fonctions L de Dirichlet
Une fonction L de Dirichlet est donnée par le prolongement analytique de
.
La fonction L de Dirichlet aux entiers négatifs vaut
La fonction L p-adique de Kubota–Leopoldt Lp(s, χ) interpole la fonction L de Dirichlet à l'exception du le facteur d'Euler en p. Plus précisément, Lp(s, χ) est l'unique fonction continue du nombre p-adique s telle que
pour n positif divisible par p − 1. Le terme de droite est la fonction L de Dirichlet usuelle, sans le terme d'ordre p sans quoi le terme de gauche n'aurait pas été continu au sens p-adique. La continuité de ce dernier est étroitement lié aux congruences de Kummer.
Lorsque n n'est pas divisible par p − 1, on pose plutôt
Les fonctions L p-adique peuvent aussi être vues comme des mesures p-adiques (ou distributions p-adiques) sur des groupes de Galois p-profinis. La transition entre ce point de vue et celui de Kubota-Leopoldt (en tant que fonctions de Zp dans Qp) s'effectue par la transformée de Mazur-Mellin (et la théorie des corps de classes).
Corps totalement réels
Deligne & Ribet (1980), s'appuyant sur le travail de Jean-Pierre Serre (1973), ont construit des fonctions L p-adiques sur des corps totalement réels. Indépendamment, Barsky (1978) et Cassou-Noguès (1979) ont fait la même chose, en suivant l'approche de Takuro Shintani concernant l'étude des valeurs L.
Daniel Barsky, Groupe d'Etude d'Analyse Ultramétrique (5e année: 1977/78), vol. 16, Paris, Secrétariat Math., (ISBN978-2-85926-266-2, MR525346, lire en ligne), « Fonctions zeta p-adiques d'une classe de rayon des corps de nombres totalement réels »
Nicholas M. Katz, Algebraic geometry, vol. 29, Providence, R.I., American Mathematical Society, coll. « Proc. Sympos. Pure Math. », (MR0432649), « p-adic L-functions via moduli of elliptic curves », p. 479–506