Issu d'une famille noble, fils de Florent Carton, écuyer, et de Louise de Londé (par laquelle il descendait des Budé), qui l'éleva, Dancourt fit ses études à Paris dans le Collège des Jésuites. Le père La Rue, qui fut son maître, voulut en vain l’engager dans la Société de Jésus. Il étudia le droit, se fit recevoir avocat à l'âge de 17 ans et exerça quelque temps au Parlement de Paris.
Il quitta la profession d’avocat à 24 ans pour épouser[2]Thérèse Le Noir de La Thorillière, fille du comédien La Thorillière. Puis, malgré les résistances de sa famille, entra avec elle, en 1685, dans la troupe de la Comédie-Française, dont il devint sociétaire jusqu’à sa retraite le . La facilité avec laquelle il s’exprimait le fit choisir pour orateur de la troupe dans les circonstances d’apparat. Sa physionomie était expressive, son jeu plein de verve ; il jouait fort bien le haut comique et excellait dans l’interprétation du Misanthrope.
L’année même où il entra au théâtre comme acteur, Dancourt fit jouer sa première comédie, Le Notaire obligeant ou les Fonds perdus. Elle réussit et, dès lors, l’auteur produisit avec une fécondité extrême, entre 1683 et l’année de sa mort, plus de 80 comédies. Il collabore notamment avec Marc-Antoine Charpentier pour son Dialogue d'Angélique et Médor d'après « Orlando Furioso » de L'Arioste, donné le 1er août 1685 au théâtre de l'hôtel Guénégaud (la Comédie Française). Le succès, malgré la bienveillance du public à son égard, fut loin d’être toujours le même, et dont la plus célèbre est Le Chevalier à la mode, en cinq actes, en prose (1687).
La plupart de ses œuvres seront jouées tout au long du XVIIIe siècle. Celles qui eurent le plus de succès sont : Le Notaire obligeant, Les Bourgeoises de qualité, Les Vendanges de Suresnes, Les Vacances, Le Mari retrouvé, Les Trois Cousines[3], Le Galant Jardinier, La Maison de campagne, La Foire de Bezons.
Dancourt exploitant habilement à la scène les aventures piquantes de l’époque, la chronique scandaleuse de la ville et de la cour, plus d’un spectateur pouvait craindre de se reconnaître sur la scène. Cette préoccupation ne fut probablement pas étrangère à la fâcheuse aventure qui lui arriva un jour que le marquis de Sablé, à moitié ivre à la représentation de L'Opéra de village jouée en 1691. Comme on chantait :
« En parterre il bout’ra nos prés ;
Choux et poireaux seront sablés »
Le marquis s’imagina que Dancourt avait voulu l’offenser ; il se leva et alla le souffleter.
Suivant Voltaire, « ce que Regnard était à l’égard de Molière dans la haute comédie, le comédien Dancourt l’était dans la farce »[4]. La plupart de ses pièces sont en prose ; le dialogue en est très vif et très enjoué ; mais l’auteur s’écarte souvent de l’objet de son œuvre, pour montrer de l’esprit et courir après un bon mot. « Par le caractère de vérité qu’il a su donner à ses personnages, dit Palissot, Dancourt peut être regardé en quelque sorte comme le Téniers[Lequel ?] de la comédie ».
On peut dire que Dancourt a créé le genre villageois : il a su retracer avec une grande fidélité la malice et la naïveté des paysans. Il a pareillement peint d’une manière vraie les chevaliers d’industrie et les femmes d’intrigue. Son chef-d’œuvre est le Chevalier à la mode, en cinq actes, en prose (1687). Les autres pièces de Dancourt les plus populaires sont Le Mari retrouvé (1698) ; Les Bourgeoises de qualité (1700) ; Les Trois cousines (1700) ; Le Galant jardinier (1704).
On cite encore : La Désolation des Joueuses (1687) ; Les Vendanges de Suresnes (1694) ; Le Divertissement de Sceaux (1705) ; Le Diable boiteux (1707) ; La Comédie des comédiens (1710), etc. La Folle enchère (1690) lui a été attribuée : elle fut jouée sous son nom et il en perçut les droits, puis elle fut reproduite dans ses Œuvres Complètes en 1760. Néanmoins, elle est l'œuvre de Madame Ulrich, dont il était l'amant[5].
L’édition la plus complète des Œuvres de Dancourt est celle de 1760 (12 vol. in-12). On a aussi publié ses Œuvres choisies (1810, 5 vol, in-18).
Retraité, il alla s’enfermer dans un château qu’il possédait en Berry, où il acheva sa vie dans les pratiques de la dévotion, traduisant les Psaumes en vers, et composant une tragédie sacrée. Ses deux filles, Marie-Anne-Armande, dite Manon, et Marie-Anne-Michelle, dite Mimi, furent aussi comédiennes au même théâtre. Sa petite fille Thérèse Boutinon des Hayes tint un important salon à Paris. Son beau-frère, Pierre Le Noir (1659-1731), fut sociétaire de la Comédie-Française en reprenant le nom de scène de son père, La Thorillière.
Œuvre
Jugé par certains comme un auteur de « troisième ordre », Dancourt n’en est pas moins, selon d’autres, le père du vaudeville moderne : ses comédies de mœurs sont légères et alertes, peu morales sans jamais être indécentes, pleines de verve et de naturel. Dancourt rend avec réalisme la société de son temps et met en scène les travers de l’homme, caricaturant les bourgeois vaniteux et ridicules, les ingénues fort peu innocentes ou encore les magistrats véreux. Son univers est proche d’un Molière, même si les personnages sont différents ; son langage est celui d’un Lesage en moins cru, ses soubrettes annoncent Marivaux.
Cet auteur prolifique touche aux genres les plus variés, puisqu'on trouve dans son œuvre des intermèdes, des parodies d'opéras, des divertissements de cour, des fantaisies mythologiques, des comédies en cinq actes et surtout de courtes pièces en prose, les « dancourades », écrites en langage parlé. Leur nouveauté pique la curiosité du public, car elles font allusion à l'actualité ou à la mode. La satire des mœurs y est en général superficielle, car la comédie se fait plus amorale : Dancourt montre sans condamner, si bien que sa lucidité a pu passer pour du cynisme. L’intrigue, on ne peut plus simple, est prétexte à une revue de personnages ridicules, souvent pittoresques et individualisés dans leur appartenance sociale (notaires, procureurs, commerçants, financiers, militaires, chevaliers d'industrie).
Ces courtes œuvres prennent parfois de grandes libertés avec la convention théâtrale en montrant leur invraisemblance même ; dans Les Vendanges de Suresnes (1659), les paysans et les vendanges disparaissent derrière les danses, les déguisements et les mascarades, comme si la comédie abandonnait son souci mimétique pour jouer un peu avec lui-même et rechercher d'autres façons de séduire le public en dévoilant les ficelles de ses mécanismes.
Héraldique, distinctions, décorations et hommages
Florent Carton dit Dancourt possédait un blason[6]. En 1868, les édiles parisiens décident de donner le nom de rue Dancourt à la rue du Théâtre dans le 18e arrondissement[7]. De cette rue, est née au XXe siècle la villa Dancourt, voie privée jouxtant la rue Dancourt[8].
Il existe aussi une rue Florent-Dancourt à Suresnes (Hauts-de-Seine), la commune souhaitant rendre hommage à l'auteur de la pièce Les Vendanges de Suresnes.
De même, une rue Dancourt se trouve à Fontainebleau, sa ville natale.
Pour approfondir
Bibliographie
Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 572
André Blanc, F.-C. Dancourt (1661-1725). La Comédie-Française à l'heure du Soleil couchant, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1984.
Dancourt, La Maison de campagne 1688 ; La Foire Saint-Germain 1696 ; Les Eaux de Bourbon : 1696 . Comédies. Texte établi, présenté et annoté par André Blanc. Titre d'ensemble : Comédies . Nizet, 1985.
Dancourt, La Fête de village, 1700 ; Le Vert-Galant, 1714 ; Le Prix de l'arquebuse, 1717. Texte établi, présenté et annoté par André Blanc Titre d'ensemble : Comédies, 2, S.T.F.M., 1989