Avant même l'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir, une majorité de scientifiques et une large partie de la classe politique allemande étaient favorables à l'eugénisme[1]. Le concept pseudoscientifique d'hygiène raciale avait été inventé bien avant le nazisme.
Hitler s'est notamment inspiré de l'eugénisme américain, notamment de The International Jew. The world's Foremost Problem de Henry Ford dans lequel étaient présentées de manière très explicite et radicale ses propres conceptions antisémites et eugénistes dans la mouvance d'un courant eugéniste américain illustré entre autres par Madison Grant. Hitler considérait ainsi en 1924 à propos des États-Unis qu'« il y a aujourd'hui un pays où l'on peut voir les débuts d'une meilleure conception de la citoyenneté »[2].
Objectifs
La politique eugéniste propre à l'Allemagne nazie, qui s’insère dans un programme plus vaste que l’on peut qualifier d’ « eugénico-raciste »[3] s'inscrit dans un ensemble de lois, circulaires et décrets.
Les objectifs essentiels sont :
d'une part un « eugénisme positif », dit d'amélioration de la « race », destiné à favoriser la fécondité des humains considérés comme supérieurs (politique nataliste, soutien familial, pouponnières, lebensborn…) ;
La première étape est la loi de stérilisation eugénique du : Gesetz zur Verhütung erbkranken Nachwuchses « loi de prévention d'une descendance atteinte de maladie héréditaire ».
Programme de stérilisations contraintes
Cette loi du est rédigée avec la participation active du docteur Arthur Gütt (médecin et haut fonctionnaire)[4], de Falk Ruttke(de) (juriste) et Ernst Rüdin (psychiatre suisse)[5].
Cette loi qui entre en vigueur le impose la stérilisation obligatoire pour les malades atteints de neuf maladies considérées comme héréditaires ou congénitales[6] (entre parenthèses, la dénomination plus moderne s'en rapprochant) :
Ces stérilisations ont fait l'objet d'un quasi-consensus dans la communauté médicale allemande. Gisela Bock conclut qu’environ 400 000 personnes ont été stérilisées entre 1934 et 1945, en incluant les territoires annexés par l’Allemagne après 1937 où la loi fut aussi appliquée[7].
La plupart des personnes stérilisées d'après cette loi entre 1934 et 1939 étaient considérées comme « malades mentales »[8].
L'Allemagne a ainsi durci la législation contre l'avortement pour les femmes considérées comme supérieures, alors que dans le même temps la circulaire secrète de 1934 aux Offices de la santé du peuple autorisait l'avortement pour les femmes si une « descendance héréditairement malade » était considérée comme prévisible[9]. Le décret secret du a été plus loin en rendant obligatoire l'avortement pour les femmes « inférieures »[9].
↑(en) Ulf Schmidt, Medical Ethics and Nazism, New York, Cambridge University Press, , 876 p. (ISBN978-0-521-88879-0), p. 598
dans The Cambridge World History of Medical Ethics, R.B. Baker (dir.).
↑D’après l’étude de Bock 1986. Cité dans Massin 2000, p. 75. Des chiffres officiels ont été publiés jusqu’en 1937. L’estimation du nombre de stérilisations pour les années postérieures est une extrapolation réalisée à partir de données parcellaires.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Bibliographie
Christoph Beck, Sozialdarwinismus, Rassenhygiene, Zwangssterilisation und Vernichtung "lebensunwerten" Lebens : eine Bibliographie zum Umgang mit behinderten Menschen im "Dritten Reich" – und heute, Psychiatrie-Verl., Bonn, 1995
Peter Emil Becker, Zur Geschichte der Rassenhygiene : Wege ins Dritte Reich, G. Thieme, Stuttgart, 1988
(de) Gisela Bock, Zwangssterilisation im Nationalsozialismus : Studien zur Rassenpolitik und Frauenpolitik, Opladen, Westdeutscher Verlag, .
Heather Anne Pringle (trad. de l'anglais par Jacques Martinache), Opération Ahnenerbe : comment Himmler mit la pseudo-science au service de la Solution finale [« The master plan : Himmler's scholars and the Holocaust. »] (Biographie), Paris, Presses de la Cité, coll. « Document », , 427 p. (ISBN978-2-258-07322-7, OCLC192079817)
Benoît Massin, « Stérilisation eugénique et contrôle médico-étatique des naissances en Allemagne nazie : la mise en pratique de l’Utopie médicale », dans Alain Giami, Henri Leridon, Les enjeux de la stérilisation, INED,
Ingrid Richter, Katholizismus und Eugenik in der Weimarer Republik und im Dritten Reich : zwischen Sittlichkeitsreform und Rassenhygiene, F. Schöning, Paderborn ; München ; Wien, 2001
Paul Weindling (préf. Benoît Massin), Hygiène raciale et eugénisme médical en Allemagne, 1870-1932, Paris, La Découverte, .
Peter Weingart, Jürgen Kroll, Kurt Bayertz, Rasse, Blut und Gene. Geschichte der Eugenik und Rassenhygiene in Deutschland, Francfort, 2001, (ISBN3-518-28622-6).
Silvain Reiner, Et la terre sera pure, les expériences médicales du IIIe Reich, Paris, Archipel, , 347 p. (ISBN978-2-84187-085-1, OCLC39912850).