Réponse d'une épouse sage, le à Paris, salle des Agriculteurs, avec Maurice Ravel au piano[5].
Analyse
Les Deux poèmes chinois, op. 35 empruntent au même fonds, et sont « ciselés avec autant d'art » que les Deux poèmes chinois, op. 12[8].
Des fleurs font une broderie
Le premier poème, Des fleurs font une broderie…, évoque un jeune homme qui, « dans la vigueur de ses vingt ans, [...] contemple une nature que n'éclaire pas encore l'amour de celle qu'il attend[9] ». La déclamation est simplifiée, « jusqu'à l'interrogation finale — « Va-t-elle me donner l'épingle de ses cheveux ? » —, plus chromatique », et l'accompagnement du piano est « impétueux » avant de « se [faire] plus fluide pour conclure, décomposé »[9].
Pour Gilles Cantagrel, « sans orientalisme facile, la modalité confère un caractère étrange à cette saynète venue d'un lointain ailleurs[9] ».
Réponse d'une épouse sage
Dans le deuxième poème, Réponse d'une épouse sage, une « jeune femme vertueuse se doit d'éconduire le mandarin qui cherche à la séduire et qu'elle aurait pu aimer[9] ».
Gilles Cantagrel souligne la « justesse absolue de l'expression » dans la mélodie, avec sa « ligne vocale d'une plasticité parfaite, allongée sur les mots-clés, retombant en une sensuelle vocalise, cédant par moments au parlando[9] ». Le musicologue met en exergue les moyens musicaux déployés par le compositeur, en particulier l'emprunt aux modes karnatiques de l'Inde et la touche de bimodalité de l'écriture. Aux dissonances provoquées, « le balancement rythmique régulier ajoute son délicat vertige », et à la fin de l’œuvre, « la phrase finale, « pour ne pas t'avoir connu plus tôt », ramène le motif initial pour clore ce paysage intime sur un désespoir inavoué »[10].
Damien Top note que l’œuvre « tire son étrangeté sonore du mode hindou Nettimatti (transposé sur mi, soit : mi, fa, sol, la, si, do, ré) que Roussel avait déjà utilisé dans l'air du brahmane de son opéra-ballet Padmâvatî[11] ».
La réputation de la Réponse d'une épouse sage« ne s'est jamais démentie. Dans ces pages raréfiées, le musicien fait tenir un monde ; la réticence du texte, alliée à l'économie de la matière sonore, n'en a que plus de force » selon Guy Sacre[12].
Un avis partagé par Gilles Cantagrel, qui considère que Réponse d'une épouse sage« est sans doute le chef-d’œuvre mélodique de Roussel[9] ».
Nicole Labelle, Catalogue raisonné de l'œuvre d'Albert Roussel, Louvain-la-Neuve, Département d'archéologie et d'histoire de l'art, Collège Érasme, coll. « Publications d'histoire de l'art et d'archéologie de l'Université catholique de Louvain » (no 78), , 159 p..