Le décasyllabe (en grec, déka = « dix »[1]) est le vers de dix syllabes[1].
D'après les travaux de Michel Burger, il est issu du sénaire iambique à finale en oxymoron, alors que le même mais en finale à paroxyton est à l'origine du vers de onze syllabes. Ce qui fait que le français, langue oxytonale, a adopté le décasyllabe, alors que l'italien, où domine le paroxyton, privilégie l'endecasillabo piano[2].
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer toujours recommencée.
— Paul Valéry, Le Cimetière marin
Structure
Dans sa forme classique, le décasyllabe comporte le plus souvent une césure sur la quatrième syllabe, ce qui lui donne une structure dynamique puisque le nombre de syllabes dans les deux hémistiches va croissant (4 + 6)[5],[3]. Par exemple[6] :
Femme je suis // pauvrette et ancienne,
Qui rien ne sais ; // oncques lettre ne lus.
Au moutier vois // dont suis paroissienne
Paradis peint, // où sont harpes et luths,
Et un enfer // où damnés sont boullus
L’un me fait peur, // l’autre joie et liesse.
La joie avoir // me fais, haute Déesse,
À qui pécheurs // doivent tous recourir,
Comblés de foi, // sans feinte ni paresse :
En cette foi // je veux vivre et mourir.
Le rythme 5 + 5, assez rare au Moyen Âge, est plutôt réservé aux poèmes populaires[3]. Apparu pour la première fois dans les chansons de toile, il reste fréquent dans la chanson[6]. Il est appelé par dérision « tara tantara » par Bonaventure Des Périers[1],[3]. Délaissé au XVIe siècle, raillé par Voltaire, il est de retour au XVIIIe siècle, possiblement sous l'influence de la musique, relève Henri Morier[7].
Au XIXe siècle, il est présent chez Victor Hugo :
La faim fait rêver // les grands loups moroses ;
La rivière court, // le nuage fuit ;
Derrière la vitre // où la lampe luit,
Les petits enfants // ont des têtes roses.
Nous aurons des lits // pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds // comme des tombeaux,
Et d’étranges fleurs // sur des étagères,
Écloses pour nous // sous des cieux plus beaux.
— Charles Baudelaire, La Mort des amants
Verlaine reprend cette organisation interne dans un poème de La Bonne Chanson[6] :
Et votre regard // recherchait le mien
Tandis que courait // toujours l'entretien.
— Paul Verlaine, La Bonne Chanson, XIII
Au XXe siècle, à l'instar de l'alexandrin libéré, le décasyllabe peut être senti comme un ensemble de dix syllabes. Par exemple chez Francis Jammes[4] :
J'écris dans un vieux kiosque si touffu
qu'il en est humide et, comme un Chinois,
j'écoute l’eau du bassin et la voix
d'un oiseau – là, près de la chute (chutt !!)
— Francis Jammes, De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir, « J’écris dans un vieux kiosque... »