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Subdivisions
3 phases
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La culture des Vases à Bouche carrée a été caractérisée en 1946 par Luigi Bernabò Brea à partir du mobilier archéologique du site des Arene Candide en Ligurie[1],[2]. Elle correspond aux phases médianes du Néolithique du nord de l'Italie[3]. Elle se développe d'abord en Ligurie et dans l'ouest de l'Émilie[4] avant de s'étendre à la majeure partie de l'Italie du Nord.
On dispose de très nombreuses datations radiocarbones pour situer cette culture. Elle apparaît autour de 5100 av. J.-C. et ses derniers aspects sont présents jusque vers 3800 av. J.-C. Lawrence Barfield a identifié trois phases distinctes, perceptibles dans la forme et les décors de la poterie[4] :
Ces phases sont donc au moins en partie contemporaines. Il existe toutefois des différences importantes dans leur répartition géographique.
La culture des Vases à Bouche carrée est présente dans la majeure partie de l'Italie du Nord et ponctuellement au-delà[3].
La céramique des Vases à Bouche carrée est attestée ponctuellement au-delà de ces régions, par exemple sur l'île de Lipari[6] et en Sardaigne[7].
Durant la culture des Vases à Bouche carrée, l'agriculture est pleinement développée[4]. Les principales espèces cultivées sont l'orge, le blé et les légumineuses. Des espèces sauvages sont néanmoins également exploitées, par exemple les noisetiers, les cornouillers, la vigne et les châtaignes d'eau. Il existe des différences régionales assez importantes dans les espèces cultivées qui s'expliquent sans doute par les différents environnements dans lesquels se développent les villages[4]. Les principales espèces animales domestiquées sont les bovidés, les moutons, les chèvres et les porcs. La fréquence de ces différentes espèces diffère selon les sites. La chasse, notamment du cerf et du chevreuil, est encore assez bien attestée[4]. Le lait des bovins, des chèvres et des moutons est déjà exploité[4]. Outre ces activités de subsistance, des activités artisanales sont bien développées, par exemple la production textile dont témoignent des fusaïoles et des pesons[3]. La réalisation de l'outillage en roche taillée et en roche polie implique également en partie des activités artisanales spécialisées. Ces biens sont parfois échangés sur de longues distances. D'autres éléments, comme les coquillages marins, témoignent également d'échanges assez lointains.
Différents milieux écologiques sont occupés. Les zones de piémont et la montagne sont de plus en plus fréquentées au cours du temps, sans doute en raison de l'accroissement de la population et en raison du développement du pastoralisme[4]. Des grottes et des abris sous roche sont occupés au moins de manière temporaire, mais la population vit avant tout dans des villages. Certains sont très vastes, comme La Razza di Campegine en Émilie-Romagne. Ce dernier, à l'image de plusieurs d'entre eux, est entouré d'une palissade[8]. Au sein de ces villages, on trouve différentes structures, notamment des habitations et des structures de stockage. Des fours pour la production de la céramique sont également connus[9]. L'architecture est essentiellement réalisée à base de bois. Dans certains sites en zones humides sont même connus des pavements en bois.
Comme son nom l'indique, la culture des Vases à Bouche carrée est définie d'abord par la présence de vases dont l'embouchure affecte la forme d'un carré. Le fond des vases est plat. Les vases ont des parois d'épaisseur très variable. Parmi les poteries produites durant cette culture, sont présents dans plusieurs sites des exemplaires en argile figuline, c'est-à-dire épurée, qui témoignent d'un investissement technique important[9]. Une telle céramique apparaît dans les différentes phases[3]. Les formes et les décors sont relativement variés et permettent de différencier les trois phases reconnues par L. H. Barfield.
Durant la culture des Vases à Bouche carrée plusieurs matières premières sont exploitées assez intensément, notamment le silex des gisements des Monts Lessins (it)[10],[11],[12]. Ce dernier est distribué au moins jusqu'à la Ligurie[13]. Cette matière circulait au moins en partie sous la forme de blocs dont la qualité avait été testée préalablement et sous la forme de prénucléus[14]. Outre ce silex, on trouve également dans certains sites, notamment dans les régions les plus occidentales, du silex issu des gisements bédouliens du Vaucluse. Une telle matière première est attestée par exemple dans des tombes dans l'ouest de l'Émilie[15]. L'obsidienne issue des gisements du Monte Arci en Sardaigne, de Palmarola et de Lipari demeure très rare[16],[17],[18] mais est distribuée jusque dans les Alpes. Ainsi, à La Vela dans la région de Trente a été découvert un élément en obsidienne de Lipari[19]. D'autres matières premières sont attestées de manière exceptionnelle, comme le cristal de roche. Certains sites ont visiblement eu un rôle particulier dans ces échanges. Ainsi à Gaione, en Émilie ont été découverts dans le même site des éléments en silex des Monts Lessins, en quartz, en stéatite, en jadéite et en obsidienne provenant des trois gisements évoqués plus haut[20]. Le site de la Rocca de Rivoli dans la région de Vérone a également sans doute eu un rôle important dans l'exploitation et la distribution du silex des Monts Lessins[4]. Il est certain que la circulation de ces matières premières a favorisé la circulation des idées sur l'ensemble de l'Italie du nord[4].
Les lames semblent plus fréquentes dans les premières phases de cette culture[3]. Elles sont réalisées par percussion indirecte, et peut-être par pression pour certains éléments[14]. Les éclats sont les supports privilégiés pour la réalisation des outils.
Les types d'outils varient selon les sites et les activités auxquelles ils sont dévolus. Certains sont toutefois assez généralisés. On trouve ainsi de longs grattoirs, des perçoirs, des troncatures, des rhombes, des éléments de faucille et des lames retouchées. Il existe des variations selon les phases considérées.
L'outillage en os et en bois de cervidé est dominé par les sagaies à pédoncule, les pointes et les poinçons. On note également la présence de grandes spatules en bois de cerf et de petites spatules triangulaires. Des éléments de parure sont également réalisés dans les mêmes matériaux[3].
Dans les marges géographiques de la culture des Vases à Bouche carrée, les gisements de jadéitite du Mont Viso et d'éclogite du Mont Beigua (it) sont exploités de manière importante durant cette période[21]. La roche extraite est employée pour la réalisation de haches polies, dont certaines de grandes dimensions qui sont distribuées sur toute l'Europe de l'Ouest jusqu'au nord de l'Écosse[22]. Des haches de dimensions plus limitées dans les mêmes matériaux ont été réalisées dans plusieurs sites de la culture des Vases à Bouche carrée[23].
Des objets en cuivre ont été découverts dans plusieurs sites. Il s'agit pour l'essentiel de poinçons et d'alênes. Ainsi, à Bannia-Palazine di Sopra dans la région de Pordenone (Frioul-Vénétie Julienne), une pointe de métal a été retrouvée dans une structure datée entre 4490 et 3390 av. J.-C.[4]. Plusieurs haches dans le même matériau sont supposés provenir des mêmes contextes[24],[25], bien que certains chercheurs remettent en doute leur attribution à cette période[26]. Ces haches ne seraient pas antérieure à la seconde phase, c'est-à-dire le style à méandre et spirales[27]. Les éléments attestant de la réalisation de ces objets sur place sont rares. Toutefois, à Neto Via Verga près de Sesto Fiorentino en Toscane, la présence d'un creuset et d'une petite lame en cuivre montre la pratique de la métallurgie sur place[28].
Durant toute la culture des Vases à Bouche carrée sont attestés des figurines féminines et des tampons, appelés aussi pintaderas[29]. Durant les deux premières phases, la tête de ces figurines est de forme cylindrique et leur torse est en forme de cintre. Durant la seconde phase, apparaissent des tampons en forme de rouleau. La dernière phase voit le développement de figurines avec les cheveux sur les épaules et les bras repliés sur la poitrine. Les tampons sont alors rectangulaire ou en rouleaux. Ces éléments, notamment les figurines, montrent des similarités fortes avec des exemplaires contemporains des Balkans[3]. Les éléments de parure, c'est-à-dire les colliers et les bracelets, ont essentiellement été découverts dans des sépultures[30] . Certains pendentifs et des éléments de colliers ou de bracelets ont été réalisés à partir de dents humaines et animales perforées et à partir de coquillage marin, dont des spondyles. Des éléments en stéatite sont également documentés. On connaît en outre de rares anneaux réalisés dans des roches dures[31],[32].
Les pratiques funéraires et rituelles sont bien documentées. De vastes cimetières ont été découverts, notamment en Émilie-Romagne[33]. Des nécropoles en grotte sont également connues, par exemple aux Arene Candide en Ligurie où une trentaine de tombes ont été exhumées[3]. Les sépultures sont généralement liées à l'habitat, bien que dans certains cas, comme à Le Mose en Émilie-Romagne, elles en soient clairement séparées[33],[34]. Dans les cimetières de plein air, les tombes sont la plupart du temps des fosses creusées en pleine terre dans lesquelles sont placées un seul individu[15]. Dans certains cas, de l'ocre est déposé à l'intérieur. La présence d'objets dans les sépultures est fréquente sans être systématique. En Émilie-Romagne, plus les tombes sont récentes, plus le mobilier est abondant[33]. Il s'agit de vases, de haches polies dont certaines brûlées[23], de lames de silex[35], d'outils en os. On trouve également des éléments d'origine lointaine ou inspirés d'éléments exogènes. Ainsi, des vases de type Serra d'Alto et des herminettes de type haches en forme de bottier (de) d'Europe centrale sont attestés dans plusieurs sites[15],[36],[3].
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