La Compagnie des mers orientales – plus précisément Compagnie française des mers orientales – est une compagnie commerciale créée par une compagnie de marchands des villes de Laval, Saint-Malo, et Vitré en 1601 dont l'objet était de naviguer et négocier dans toutes les Indes et mers orientales. Cette compagnie peut être considérée comme précurseur de la Compagnie française des Indes orientales.
Sa création visait à donner aux villes de Laval, Saint-Malo, et Vitré un outil de commerce international avec l'Asie et à concurrencer les puissantes Compagnies européennes fondées au XVIIe siècle, comme la Compagnie néerlandaise des Indes orientales.
Voyager vers les Indes orientales via la route maritime des épices apparaît comme une entreprise lucrative ne nécessitant pas de colonisations. Le but pour les marchands est un aller-retour de marchands qui veulent arriver sur les lieux mêmes du négoce.
Ainsi François Ier en 1537 et en 1543, et Henri III, dans un texte du 15 septembre 1578 veulent encourager les entreprises lointaines. Malheureusement, à l'époque, la France est épuisée par les guerres de Religion, et ne possède pas les moyens de ses ambitions.
Dès le milieu du XVIe siècle, suivant la trace des Portugais — premiers à ouvrir les routes de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est —, quelques explorateurs français, des corsaires et des aventuriers arment des navires pour rejoindre « Cathay » et « les Indes » et en rapporter des épices. Ils ne rencontreront pratiquement aucun succès commercial.
À partir de 1600, les premières expéditions commerciales de commerçants malouins ou dieppois sont régulièrement lancées vers l'Asie.
Cette compagnie fait partie d'une série d'éphémères compagnies de commerce qui bénéficieront plus tard par lettres patentes d'un monopole commercial (Compagnie Le Roy et Godefroy en 1604 devenue Compagnie des Moluques en 1615, Compagnie de Montmorency pour les Indes orientales, créée en 1611 par Charles de Montmorency-Damville, Amiral de France).
Laval et Vitré sont à la fin du XVe siècle des villes avec une économie parmi les plus florissantes du duché de Bretagne, et de France. Les deux villes ont continué leur extension dans la ville close autour de leurs remparts et dans ses faubourgs. Elles possèdent la particularité d'avoir le même seigneur : le comte de Laval est aussi Baron de Vitré.
L'apogée se situe au XVIe siècle lorsque la Confrérie des Marchands d'Outre-Mer de Vitré vend ses toiles de chanvre et ses canevas dans toute l’Europe. Il en est de même avec le commerce des toiles de lin de Laval.
Ce marché se faisait via le port de Saint-Malo qui commerçait avec les comptoirs d’Amérique du Sud et de toute l’Europe notamment avec la Hanse (grande et puissante association commerciale de l’Europe septentrionale au cours du Moyen Âge).
On retrouve dans les deux villes :
Le 13 novembre 1600, la compagnie de Saint-Malo, Laval et Vitré, dite des mers orientales est fondée. Est formée une société au capital de 80 000 écus pour négocier aux Moluques, voire au Japon[1]. L'enjeu pour elle est de propager la foi catholique, et d'augmenter la puissance politique et économique de la France. Il s'agit d'une compagnie de découverte, d'occupation et de commerce. L'intention est de briser le monopole exercé dans cette région par les Portugais et les Espagnols.
Avertis des énormes bénéfices effectués par des compagnies hollandaises aux Moluques, comme la Compagnie de Moucheron, en 1601, la compagnie qui rêve des Moluques arme deux navires, le Corbin[2] et le Croissant[3] pour sonder le guay et chercher le chemin des Indes.
L'objectif de cette mission était de sonder le gué, chercher un chemin des Indes et le montrer aux Français. On retrouve aussi dans cette expédition des Hollandais, qui seront des compagnons d'infortune de François Pyrard. Il n'y a pas plus de 180 hommes à bord, ils sont originaires de Saint-Malo, Vitré, Laval, Rennes, Dinan et Fougères. Ils sont des gens capables, sur toutes les autres nations, des plus hautes entreprises du monde.
Balthasar de Moucheron[4] est de connivence avec cette expédition : l'équipage du bateau retrouvera plusieurs fois des navires hollandais, avec notamment Guyon Lefort, son neveu. Un document daté de 1600 montre que Moucheron avait mis son expérience au service de sa patrie La France[5]. Il est possible que la disgrâce de Guyon Lefort soit liée à cette connivence, mal vue par certains Hollandais. Sa famille avait depuis 40 ans les plus étroites relations avec les négociants de Saint-Malo, Vitré et Laval, particulièrement avec les Gravé[6].
« Ces messieurs les Français de Saint-Malo s'imaginaient être là en grande sûreté, parce qu'ils étaient catholiques romains, surtout en descendant à terre pour aller ouïr la messe. Mais la messe leur coûta bien plus cher que s'ils en eussent payé la façon aux prêtres, car les Portugais en massacrèrent quelques-uns et en retinrent d'autres prisonniers, pour qui il fallut payer de grosses rançons, jusqu'à mille écus en argent, avec différentes marchandises ».
Il reste néanmoins que l'équipage des navires français est lié à la Ligue, et est aussi proche des Jésuites, comme François Pyrard. Les navires hollandais sont protestants, avec les familles Lefort et Moucheron émigrés de France. Ce point est souligné dans la relation de Joris van Spielberg.
Il est possible que cette compagnie soit aussi liée à Pierre Malherbe, qui conseillera au roi Henri IV de fonder la fortune de la France sur l'exploitation des pays d'outre-mer, et qui va narrer ses aventures à son géographe Pierre Bergeron (1585-1638), tout comme François Pyrard.
On trouve aussi entre autres de Vitré[15] :
La Bardeliére monte le Croissant, qui était le navire amiral. François Grout commandait le plus petit navire le Corbin, avec le titre de lieutenant ou de vice-amiral.
Cette expédition en 1601 sera relaté par un double témoignage dans des ouvrages de :
Ils partirent ensemble le 18 mai 1601 de Saint-Malo pour rejoindre les Indes sur les navires le Croissant et le Corbin. Sur les deux navires initialement partis, seul le Croissant, possédant un plus fort tonnage peut aller jusqu'à Sumatra et revenir en 1603.
Pyrard indique dans sa relation le caractère de l'expédition :
« Et néantmoins à dire vray, la France négligeant ce trafic, se prive d'une richesse que la nature lui offre - l'ayant après tant d'autres biens, baignée de deux riches mers, accommodées de plusieurs bons ports et havres, par le moyen de quoy elle peut avoir communication, traicter et négocier avec plusieurs peuples lointains d'un costé et d'autre, comme si elle était proche et voisine du Levant et du Couchant et de toutes les contrées les plus esloignées. Joint qu'il faut avouer que c'est la plus noble et la plus excellente navigation, que celle de la mer, qui va parmy tant de hazards enlever les richesses et singularitez des autres terres, pour en enrichir son pays, et porter ce dont il affluë à ceux qui en ont besoin. [...] Les Français [...] sont maintenant contraints de prendre d'eux[17] en destail, l'or, les épiceries et singularitez de l'Orient, au lieu qu'ils les eussent peu aller quérir eux-mesmes et les départir aux autres. Ainsi jusqu'à présent les Espagnols et Portugais essayent d'asservir à eux seuls, les éléments communs à tous, fermer la mer, et chasser par toutes sortes de mauvais traitements les Français et autres nations qui voudraient voyager et trafiquer sur les lieux. Cela meut principalement une Compagnie de marchands de S. Malo, Laval et Vitré, en l'an 1601 de fonder le guay, chercher le chemin des Indes, le montrer aux Français, bref puiser à la source. »
Martin indique dans sa relation la curiosité et la fierté de son choix pour :
« II n'y a point de meilleure escholle pour former nostre vie que de voir incessamment la diversité de plusieurs autres vies et apprendre dans la variété de mœurs et des coustumes des nations estrangères, principalement de celles qui sont les plus esloignées de ceste partie du monde en laquelle nous habitons, le moyen de nous inciter à la vertu et de nous retirer du vice. »
« Ce qui me faict déplorer le défaut de la nation Françoise, laquelle estant plus que toute autre, naturellement pourvue de vivacité d'esprit et de valeur redoutable, a néanmoins languy si longtemps dans le sommeil d'oysiveté, mesprisant ces enseignements et outre cela les trésors des Indes Orientales, desquelles les Portugais et Espagnols se sont enrichis (si je l'ose dire aucunement à nostre préjudice)... »
« Une compagnie de marchans de sainct Malo, Vitré et l'Aval se sont réveillez les premiers pour effacer ceste honte et enrichir le public des singularitez de l'Orient, se sont résolus, exposant leurs moyens et leurs vies au hasard de mille morts dont la mer est remplie, de mettre les voiles au vent pour y faire un voyage... »
Le 27 décembre 1601, les deux vaisseaux français sont rejoints au Cap de Bonne-Espérance[18] par les bateaux hollandais de Joris van Spilbergen missionnés par Balthasar de Moucheron. À ce moment-là, van Splibergen a perdu de vue son Vice-Amiral[19] depuis le 24 décembre. Le Vice-Amiral de la flotte hollandaise est Guyon Lefort, commandant du Ram', un des bateaux hollandais. C'est le fils du marchand, originaire de Vitré François Lefort, et le neveu de Balthasar de Moucheron.
Après des visites respectives[20], les Français et Hollandais se séparent le 1er janvier 1602 en bons amis[21].
Plus tard, Guyon Lefort, commandant du Ram' de la même flotte hollandaise (et en péril à la suite d'une tempête) trouve le 19 février, le long des côtes malgaches les deux vaisseaux français. Les trois commandants s'accommodent d'une terre commune pour un lieu de défense, et que les Français utilisent pour soigner leurs marins atteints du scorbut. Après une pause de plusieurs jours, le Ram repartit. Lefort meurt à Atjeh le 7 mars 1603 après avoir été accusé par Joris van Spilbergen de tentative de conspiration, et relevé de ses charges.
L'entreprise se termine sur un échec :
D'après Édouard Frain de la Gaulayrie[22], il ne rentre que 14 hommes sut 160 ou 180 partants[23].
L'intérêt puissant attaché par Henri IV à cette compagnie :
Une mention portée dans le registre des décès de l'Église Notre-Dame de Vitré en 1603, montre que la compagnie comptait dès le début organiser un service régulier avec l'Océanie. En relevant le nom des 8 habitants qui avaient pris part au voyage, le greffier ajoute que l'un d'eux André Burel, est demeuré aux Moluques pour y fonder sans doute un comptoir. En 1604, Henri IV cherche à fonder une Compagnie française des Indes Orientales, avec Brest, comme port d'armement, dotée pour 15 ans du privilège exclusif de commercer dans les mers orientales.