Atahualpa

Atahualpa
Illustration.
Portrait d'Atahualpa, conservé au Musée du Quai Branly.
Titre
5e empereur inca et 13e Sapa Inca

(environ 1 an)
Prédécesseur Huascar
Successeur Chute de l'Empire
Topa Hualpa (sous contrôle espagnol)
Biographie
Titre complet Sapa Inca XIII
Dynastie Hanan Cuzco
Date de naissance vers 1500
Lieu de naissance Quito, Cuzco ou Caranqui
Date de décès
Lieu de décès Cajamarca
Père Huayna Capac
Mère Débattue:
Tocto Coca
Paccha Duchicela
Túpac Palla

Atahualpa
Sapa Inca
Atabalipa Roy Du Peru, huile sur toil du XVIIe siècle. MuNa, Quito.

Atahualpa (ou Atabalipa — prononciation espagnole ancienne — Atabalica[1],[2] ou Atawallpa — en quechua, le mot vient d’Ataw-wallpa, ce qui signifie « l’oiseau de la fortune »[3],[4]), né vers 1500 et mort le , est le dernier empereur de l'Empire inca indépendant. D'abord implanté dans la partie nord du royaume, une région dont les principales villes sont à l'époque Quito et Tomebamba, il s'empare du trône impérial de Cuzco après sa victoire lors de la guerre fratricide qui l'oppose à son demi-frère Huascar pour le pouvoir après la mort de leur père, l'empereur Huayna Capac. Sa victoire coïncide toutefois avec l'arrivée au Pérou des conquistadors espagnols[5].

En route pour Cuzco pour être couronné, Atahualpa reçoit la visite d'une expédition espagnole sous le commandement de Francisco Pizarro[6]. Par la suite, Pizarro le capture au moyen d'une ruse le [7]. Atahualpa offre de payer une énorme rançon en échange de sa liberté. Pizarro accepte son offre mais les Espagnols, craignant une attaque indigène, décident de se débarrasser de l'empereur. Après avoir reçu la rançon, les Espagnols l'accusent de trahison, de complot contre la couronne espagnole et d'être à l'origine de l'assassinat de son frère Huascar. L'empereur est condamné à mort et exécuté par étranglement.

Naissance

Il y a des incertitudes concernant le lieu de naissance et la mère d’Atahualpa. Il est probablement né au début du XVIe siècle, vers 1502[8],[9]. Il y a désaccord sur son lieu de naissance et sur son origine.

Le chroniqueur espagnol Pedro Cieza de León affirme, à la suite de ses enquêtes auprès de la noblesse inca, qu’Atahualpa est né à Cuzco et que sa mère est Tuto Palla, également appelée Túpac Palla, une « indienne Quilaco ». Ce gentilé pourrait faire référence à un groupe ethnique dans la province de Quito et indiquerait qu’elle est une concubine appartenant à la noblesse régionale. Cependant plus tard Cieza de León réfute la version qui dit qu’Atahualpa est né à Quito ou Caranqui et que sa mère est une femme de Quito, puisque Quito est une province de l’Empire inca quand Atahualpa est né. Ainsi leur seul rois et seigneurs sont les incas[10].

D’après Juan de Betanzos, Atahualpa est né à Cuzco et sa mère est une ñusta (princesse inca) de Cuzco venant du lignage « d’Inga Yupangue », c’est-à-dire de Pachacutec[11].

Au XVIIIe siècle le prêtre Juan de Velasco, se basant sur une œuvre perdue de Marcos de Niza dont l’existence n’est pas confirmée, compile des informations sur le royaume de Quito, dont l’existence n’est pas confirmée non plus. D’après de Velasco le royaume de Quito est composé du peuple Shyris ou Scyris et est détruit au moment de la conquête inca. Son œuvre contient une liste des rois de Quito, le dernier desquels, Cacha Duchicela, aurait été le kuraka (seigneur) vaincu par Huayna Capac. Paccha, la fille de Cacha Duchicela, aurait alors épousé Huayna Capac, et de cette union serait né Atahualpa[12]. Plusieurs historiens, tel que Raúl Porras Barrenechea et Jacinto Jijón y Caamaño, rejettent cette version à cause du manque de preuves historiques et archéologiques[13],[14].

La majorité des historiens au Pérou maintiennent que, du moins si l’on suit les chroniques les plus fiables (Cieza de León, Sarmiento de Gamboa[15] et Juan de Betanzos; dont les informations sont basées sur les témoignages de la noblesse inca), Atahualpa est né à Cuzco et sa mère est une princesse inca. Ces historiens considèrent que le camp de Huascar inventent l’origine Quiténienne d’Atahualpa pour le montrer comme un bâtard auprès des espagnols. Ils estiment également que les chroniqueurs interprètent la division de l’Empire entre les deux fils de Huayna Capac (Huascar, le fils aîné et l’héritier légitime, Atahualpa, le bâtard et l’usurpateur) selon leur conception européenne et médiévale des mœurs. D’après María Rostworowski, cette conception ne correspond pas à la réalité[16] puisque le droit au trône inca ne dépend pas de la primogéniture ou de l’ascendance paternelle (le fils de la sœur du souverain peut également être héritier) mais dépend des capacités militaires et administratives[17].

Les historiens équatoriens ont des opinions contradictoires :

  • D’après Hugo Burgos Guevara, le fait que Túpac Yupanqui soit né à Vilcashuaman et que son fils Huayna Capac soit né à Tomebamba semble indiqué qu’Atahualpa est né à Quito dans le cadre d’une politique expansionniste.
  • D’autres historiens équatoriens comme Enrique Ayala Mora considèrent qu’Atahualpa est né à Caranqui, dans l’actuel province d’Imbabura en Équateur. Il se basent sur les chroniques de Fernando de Montesinos et de Pedro Cieza de León, même si ce dernier mentionne cette version pour la réfuter en faveur de celle de Cuzco[18].
  • Tamara Estupiñan Viteri, une historienne qui publie des œuvres sur Atahualpa et son entourage, maintient qu’il est né à Cuzco[19].

Un avènement difficile

Huayna Capac passe dix années de son règne à conquérir et stabiliser les régions d'Équateur, en révolte contre l'Inca, accompagné d'un large appareil militaire et administratif, dont font partie ses fils Atahualpa et Ninan Cuyochi, tandis que Cuzco est sous la gouvernance de quatre officier, dont Huascar, à l'époque encore Topa Cusi Hualpa.

Vers la fin du règne de Huayna Capac une épidémie fait rage dans les terres du nord et réduit fortement la population. Huayna Capac, touché par la maladie, nomme, depuis sa retraite à Tomebamba, son fils Ninan Cuyochi successeur. Un groupe de nobles incas est alors envoyé à Cuzco pour informer Ninan Cuyochi. D'après le chroniqueur espagnol Pedro Sarmiento de Gamboa, il change son choix peu après en faveur de Huascar. Mais les augures pour ce dernier sont négatives et le prêtre en charge retourne à Tomebamba pour que le souverain puisse faire un nouveau choix. Cependant le Huayna Capac est déjà mort à l’arrivée du prêtre[15]. Dans le même temps le groupe de nobles incas apprend la mort de Ninan Cuyochi[20].

Huascar est alors élu Sapa Inca en l’absence du souverain et de son successeur. Cependant au nord Atahualpa jouit d’une grande réputation auprès des peuples des environs de Quito et de l’armée stationnée à Quito. De plus Huascar se fait impopulaire auprès des panacas (lignages) incas[21]. Selon l'historien français Henri Favre, directeur de recherche émérite du CNRS, le fait que Huascar appartient au panaca (lignage) de Tupac Yupanqui, lequel se situe selon lui dans la moitié Hurin, c’est-à-dire basse, de Cuzco, et qu’Atahualpa appartient au panaca de Pachacutec, situé dans la moitié Hanan, ou haute, de la ville, semble indiquer un conflit non seulement entre les deux frères mais entre les deux moitiés de Cuzco[17].

Après de longs mois durant lesquels les deux frères se sont consolidés dans leurs positions, c'est Huascar qui débute les hostilités en faisant exécuter des parents d'Atahualpa, et en envoyant une armée vers le nord. Malgré le succès initial des armées de Huascar - les cuzquéniens parvinrent jusqu’aux abords de Quito - l'armée d'Atahualpa, dirigée par les sinchi (chefs de guerres) Quizquiz, Rumiñahui, et Chalcuchimac, organise une contre-attaque en reprenant Tomebamba et en conquérant Cajamarca, et s'apprête à fondre sur Jauja, depuis le plateau de Bombon. Atahualpa semble pouvoir devenir le 13e empereur inca du Tahuantinsuyu (l'Empire inca). Il reçoit alors la nouvelle de l'arrivée d'étranges individus blancs et barbus sur les côtes de Tumbes. Cependant les incas savent déjà de l’arrivée des espagnols, puisque, quelques années auparavant, Francisco Pizarro est arrivé au même endroit, Tumbes, pour connaître les lieux. Ils étaient alors étroitement surveillés par les autorités impériales incas. La faction de Huascar voit favorablement le débarquement espagnol dans la zone d'influence de leurs ennemis, certains l’interprétant comme une intervention divine en leur faveur[22].

L'arrivée des conquistadors

Capture d'Atahualpa par Francisco Pizarro.

Le , après quelques pourparlers, Atahualpa est invité par le conquistador espagnol Francisco Pizarro, dans le village de Cajamarca, au nord de l'actuel Pérou qui le fait prisonnier, afin de réclamer une rançon.

Pendant sa détention, Atahualpa reçoit des nouvelles de ses armées : son frère Huascar est fait prisonnier et est enfermé au Sacsahuaman. Atahualpa, qui semble croire que les Espagnols vont le libérer, ordonne de faire exécuter son rival.

Exécution d'Atahualpa par le feu (illustration du XIXe siècle).
Mise à mort d'Atahualpa, 1533, Dessin de Waman Puma de Ayala.

Après versement de la rançon, les Espagnols, ayant pris la mesure de la puissance du prince en son royaume, commencent à penser que cet homme qui a tant de prestige et d'autorité sur son peuple finira tôt ou tard par reprendre le dessus sur eux. Les Espagnols les plus radicaux proposent d'exécuter le prince et de placer un empereur fantoche à sa place, lequel sera plus manipulable. Pizarro condamne Atahualpa à la suite d'un procès truqué. Le prince est donc condamné à être brûlé sur un bûcher. Horrifié, il se convertit au christianisme, qu'on lui avait présenté assorti d'une vie après la mort, pour être exécuté au garrot[23]; ce qui eut lieu dans sa cellule le [24].

L'Empire inca est anéanti. Les Espagnols poursuivront leur plan en plaçant sur le trône Manco Inca, aussi appelé Manco Capac II, qui, par la suite, mènera une grande rébellion.

Conséquences de l’exécution

Funérailles d'Atahualpa.

Après l’exécution de l’empereur Atahualpa, l’Empire Inca est anéanti. Les Espagnols le remplacent par Manco Capac II (ou Manco Inca), demi-frère d'Atahualpa et d’Huascar. Initialement, le plan des Espagnols était de renverser l’empereur Atahualpa afin d’instaurer un monarque plutôt fantoche et plus facilement manipulable. Malgré cela, le nouvel empereur Manco Capac II s’est rebellé contre les conquistadors et réussit à renverser pendant quelque temps la puissance des Espagnols. Après la guerre de résistance, les conquistadors amplifient leur puissance militaire au Pérou et Manco Capac II sera finalement assassiné par le fils de Diego de Almagro.

Le tombeau

L'historienne Tamara Estupiñán Viteri, chercheuse à l’Institut français d'études andines, est convaincue que la dépouille d'Atahualpa se trouve sur un site archéologique qui a été découvert dans la région de Sigchos, dans l’actuelle province de Cotopaxi en Équateur[25]. Entre 2004 et 2010, Tamara Estupiñán Viteri y découvre les premiers vestiges, et à proximité, un lieu-dit appelé Machay qui signifie l’« endroit où repose le malqui » (« empereur » en quechua). Les ruines apparentes sont constituées d’un bassin, alimenté par des canaux, surmonté d’une plateforme ou d’un ushnu, une sorte d’oratoire solaire où pouvait s’asseoir l’Inca, et d’une place en forme de trapèze. Une campagne de fouilles a débuté en [26],[27].

Représentations

Portraits et Vies des Hommes Illustres, 1584.

Aux yeux de nombreux habitants des pays andins, le prince Atahualpa reste une figure historique très estimée en raison de l'aspect tragique de sa capture par les Espagnols.

Il est également souvent considéré comme le XIIIe et dernier empereur inca annoncé par la prophétie faite à l'époque de Tupac Yupanqui.

Par ailleurs la capture de l'empereur Atahualpa à Cajamarca fut l'objet d'un poème de Pablo Neruda : Las Agonías.

Atahualpa est le personnage principal du roman Civilizations (2019) écrit par l'auteur français Laurent Binet. Dans cette uchronie, où Portugais et Espagnols n'ont jamais débarqué sur les continents américains et où les Amérindiens ont appris des vikings la maîtrise du fer et développé des anticorps contre les maladies européennes, le chef inca traverse l'océan Atlantique pour débarquer avec ses soldats et sa cour en 1531 à Lisbonne[28]. Il est aussi le personnage central du roman de Jacob Wissermann, L'or de Cajamalca.

Descendance

Yma Sumac, née le et décédée le (à 86 ans), est une chanteuse péruvienne qui est une descendante reconnue de l'empereur Atahualpa[réf. nécessaire].

Notes et références

  1. (en) Pascual de Andagoya (trad. Clements R. Markham), Narrative of the Proceedings of Pedrarias Davila : in the provinces of Tierra Firme oe Castilla de Oro, and of the Discovery of the South Sea and the coasts of Peru and Nicaragua, Londres, The Hakluyt Society, (lire sur Wikisource).
  2. (en) Viages menores, y los de Vespucio : Poblaciones en el Darien, suplemento al tomo II, (lire en ligne), p. 426–.
  3. Selon l’anthropologue et archéologue suédois Erland Nordenskiöld, en 1922, cette périphrase désignait en quechua le coq : il fait remarquer que ce volatile était inconnu en Amérique du Sud précolombienne, mais, introduit par les européens au Brésil vers 1500, celui-ci s’est répandu jusqu’à la côte ouest en peu de temps. Mais il ajoute qu’on ignore la raison pour laquelle on a donné le nom de cet « oiseau exotique » comme surnom au dernier Sapa Inca.
  4. (es) Gary J. Parker, Trabajos de lingüística histórica quechua [« Travaux de linguistique historique quechua »], , 269 p. (ISBN 978-612-41-4653-4), p. 136. Pour cet auteur, le sens donné au mot « huallpa » est d’origine coloniale, post-incaïque (voir entrée « waλpa »).
  5. « L’Empire des trois quartiers : Chinchaysuyu (Chinchay Suyu) au sud, Collasuyu (Qulla Suyu) au nord, Antisuyu à l’Est, Cuntisuyu (Kunti Suyu) à l’Ouest » (Wachtel 1971, p. 122).
  6. Pascual de Andagoya, Narrative of the Proceedings of Pedrarias Davila (lire en ligne)
  7. « Francisco Pizarro et la capture de l'Inca Atahualpa », sur histoire-pour-tous.fr (consulté le )
  8. (en) « Atahuallpa | Biography & Facts | Britannica », sur britannica.com (consulté le )
  9. Selon Burr Cartwright Brundage, (Empire of the Inca, p. 373), à sa mort, Atahualpa avait un peu plus de trente ans car les sources indiquent soit qu'il avait trente ans (Francisco de Jérez, Verdadera relación de la conquista del Perú y provincia del Cuzco, 1853), soit plus de trente ans, soit « trente ou trente-deux ».
  10. (es) Pedro Cieza de León, El Señorio de los Incas
  11. (es) Juan de Betanzos, Suma y Narración de los Incas
  12. (es) Juan de Velasco y Pérez Petroche, Historia del Reino de Quito en la América Meridional
  13. Raúl Porras Barrenechea, Los cronistas del Perú
  14. Federico González Suárez, Historia General del Ecuador
  15. a et b (es) Pedro Sarmiento de Gamboa, Historia de los Incas [« Histoire des Incas »]
  16. María Rostworowski Tovar de Diez Canseco (trad. Simon Duran), Le Grand Inca Pachacútec Inca Yupanqui, Paris, Tallandier (ISBN 978-2-84734-462-2)
  17. a et b Henri Favre, Les Incas, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? »
  18. Manuel Enrique Alejandro Ayala Mora, Historia del Ecuador
  19. Tamara Estupiñan Viteri, La Última Morada de Atahualpa
  20. (en) María Rostworowski Tovar de Diez Canseco (trad. Harry B. Iceland), History of the Inca Realm [« Historia del Tahuantinsuyo »] [« Histoire du Tahuantinsuyo »], Cambridge University Press, , p. 110–111
  21. (en) María Rostworowski Tovar de Diez Canseco (trad. Harry B. Iceland), History of the Inca Realm [« Historia del Tahuantinsuyo »] [« Histoire du Tahuantinsuyo »], Cambridge University Press
  22. Henri Favre, Les Incas, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », , 10e éd. (1re éd. 1972), p. 104–107
  23. (en) Royal Geographical Society (Great Britain), « Francisco Pizarro », dans Explorers : tales of endurance and exploration, Dorling Kindersley, (ISBN 978-1-4053-9353-9, 1-4053-9353-X et 978-1-4053-4690-0, OCLC 751719605, lire en ligne).
  24. Roberte Manceau, Atawallpa ou la dérision du destin, Paris, Éditions Peuples du Monde, , 318 p. (ISBN 2-907629-20-4), p. 267
  25. Judith Blanes, « En Équateur, des ruines pourraient abriter la momie du dernier Inca », sur Scienceshumaines.com, (consulté le ).
  26. (es) Tamara Estupiñán Viteri, « Los Sigchos, el último refugio de los incas quiteños. Una propuesta preliminar », Bulletin de l’Institut français d’études andines, t. XL, no 1, 2011.
  27. « Le mystère du tombeau du dernier empereur inca enfin élucidé ? », sur Yahoo! Actualités, (consulté le ).
  28. « Civilizations », sur Éditions Grasset, (consulté le ).

Annexes

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Articles connexes

Liens externes

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