Arthur Schnitzler naît à Leopoldstadt, 2e arrondissement de Vienne, dans une famille juive : sa mère Luise, née Markbreiter (1838–1911), est la fille d’un médecin localement réputé qui dirigeait une revue médicale et son père Johann Schnitzler(de) (1835–1893), d'origine hongroise, est un laryngologue renommé, dont la patientèle, principalement constituée de comédiens et de cantatrices, donne au jeune Arthur le goût du théâtre. À treize ans, il a déjà écrit près de vingt pièces de théâtre dans différents genres mais il poursuit la vocation familiale en devenant médecin à 23 ans puis laryngologue ; son frère Julius devient chirurgien, et sa sœur Gisela épouse un médecin du nom de Markus Hajek. Seul le grand-père paternel, Josef Schnitzler « était un bon menuisier-charpentier, mais ivrogne notoire, quelque part en Hongrie »[2].
De 1879 à 1882, il étudie à la Faculté de médecine, tout en accomplissant un travail éditorial (rémunéré 20 gulden par mois) dans la revue médicale de son père[3]. En 1882-1883, il accomplit un « service militaire d'un an comme “volontaire” à Vienne (Hôpital militaire no 1) »[3]. Il obtient son doctorat de médecine en 1885. En 1886, « déclaré tuberculeux, il est envoyé à Meran » où il rencontre Olga Waissnix qui l'encourage dans ses débuts littéraires[3]. Il commence de publier dans des revues des poèmes et de brefs textes en prose[3].
Après plusieurs emplois (1887-1888) dans différents services (neurologie, psychiatrie, dermatologie et maladies vénériennes, chirurgie) et un stage de laryngoscopie à Berlin, il entre « à la Polyclinique générale comme assistant de son père » en . « Il expérimente l'hypnose »[3].
Durant son emploi comme assistant en psychiatrie (service du Professeur Meynert) en , il a rendu compte « des Leçons sur les maladies du système nerveux, de Charcot, ouvrage traduit par Sigmund Freud »[3].
À la mort de son père, qui survient le , à l'âge de cinquante-huit ans, « il quitte la Polyclinique et ouvre un cabinet médical », il achète une bicyclette qui va représenter une nouvelle liberté pour lui. Il voyage (pour des randonnées à pied ou à bicyclette) en Autriche, en Allemagne, en Suisse et Italie du Nord, souvent en compagnie d'amis comme Beer-Hofmann et Hofmannsthal[4].
Dans sa vie, plusieurs femmes ont été ses compagnes : Olga Waissnix (1862-1897), Marie Reinhard (1871-1899), Olga Gussmann (1882-1970) [qu'il épouse en 1903]. Les vingt années qui suivent sa consécration sociale (achat, le 26 août 1903, d'une « très belle maison de la Sternwartestrasse où il habitera jusqu'à sa mort » et création, le 14 septembre 1911, de Das Weite Land, Terre étrangère, joué dans neuf théâtres de langue allemande) sont « assombries par la guerre, l'évolution politique, mais aussi son divorce (26 juin 1926) et le suicide de sa fille Lili, à dix-neuf ans (26 juillet 1928) »[2],[5].
Arthur Schnitzler est l'auteur de pièces de théâtre, de nouvelles, de romans ainsi que d'importants journaux personnels.
Le groupe « Jeune Vienne »
Jacques Le Rider le situe dans « le groupe Jeune Vienne » dont font également partie Hugo von Hofmannsthal et Stefan Zweig. Il estime que « l'œuvre considérable du romancier et dramaturge Arthur Schnitzler », qui « fut aussi l'auteur d'un des journaux personnels les plus considérables du XXe siècle », fut « dans toutes les phases de sa production, un moraliste sans indulgence et analyste pessimiste de la dégradation des valeurs individuelles et culturelles »[7].
Schnitzler et la psychanalyse
Parmi les premiers psychanalystes, Theodor Reik consacra l'un de ses ouvrages à « Arthur Schnitzler psychologue » (Arthur Schnitzler als Psycholog, 1913)[8].
En tant que médecin assistant à l'hôpital général et à la policlinique de Vienne à partir de septembre 1885, Schnitzler avait travaillé dans le service du psychiatre Theodor Meynert, qui était un « familier des techniques psychothérapeutiques de l'hypnose et de la suggestion » : son œuvre est ainsi parsemée « d'études de cas qui semblent sorties des annales de la clinique », de sorte qu'il a souvent été considéré comme le « double » de Sigmund Freud[7]. En fait, précise Jacques Le Rider, « c'est le fondateur de la psychanalyse en personne qui rendait hommage à l'auteur Schnitzler en saluant en lui son Doppelgänger »[7],[9],[10]. Sur cette « métaphore du double » qu'il emploie dans la lettre du 14.5.1922 adressée à Schnitzler pour son 60e anniversaire, Susanne Hartung relève que trois ans auparavant, en 1919, Sigmund Freud s'était déjà longuement occupé du motif du double dans son essai L'Inquiétante Étrangeté[10].
De son côté, Arthur Schnitzler a lu attentivement les principaux ouvrages de Freud, mais il porte « sur la psychanalyse le même regard de moraliste que sur la vie psychologique de ses personnages »[7]. Pour Schnitzler en effet, l'inconscient et le « destin des pulsions » sont « une construction théorique susceptible de servir de disculpation » et même de justification à « l'amoralité du désir »[7].
Arthur Schnitzler et la censure
Certaines de ses pièces et de ses nouvelles le firent avoir affaire à la censure en raison de thèmes abordés comme la sexualité, l'antisémitisme ou la critique de l'armée (Le Sous-lieutenant Gustel). Sa pièce La Ronde (Der Reigen), écrite en 1896, déclencha un scandale à sa première représentation en 1921 à Berlin et donna lieu à un procès[6].
Réception
Selon Isa Schwentner, professeur de germanistique à l'université de Vienne, « Arthur Schnitzler est très populaire en Autriche, car la trame historique de son œuvre s'appuie sur la monarchie des Habsbourgs et la Première République, avec des récits et des drames qui se réfèrent à l'histoire du pays »[11].
En France, l'œuvre théâtrale d'Arthur Schnitzler est moins connue — mis à part La Ronde — que les nouvelles de l'écrivain : « Sur la quarantaine de pièces qu’il a écrites, combien en connaît-on, en France ? Sur son rapport à l’écriture dramatique, à la représentation théâtrale, que sait-on ? », interroge Heinz Schwarzinger en 1989[12].
L'étude de Karl Zieger « centrée sur une première période de la réception de Schnitzler en France, de 1894 à 1938 » montre que la reconnaissance de l'auteur Arthur Schnitzler en France « ne fut pas immédiate ». C'est à partir des années 1980 que Schnitzler commence d'être abondamment traduit, estime Jacques Le Rider dans un compte-rendu de l'ouvrage de Zieger qui, selon lui, est destiné à devenir non seulement « un ouvrage de référence de la Schnitzler-Forschung [la “recherche sur Schnitzler”] », mais également un ouvrage « incontournable pour tous les travaux consacrés à l’histoire interculturelle du voisinage européen France-Autriche ». Le Rider considère que la découverte par le public français de l'importance de l'œuvre d'Arthur Schnitzler depuis les années 1980 coïncide avec celle de la « modernité viennoise », à l'occasion par exemple de l’exposition « L’Apocalypse joyeuse » du Centre Pompidou. Parmi les auteurs autrichiens les plus connus, Arthur Schnitzler ne serait plus à présent « surpassé dans la faveur du public français que par Stefan Zweig »[13].
Tome I. 1885-1908: Traductions de M. Rémon, W. Bauer et S. Clauser, D. Auclères R. Dumont, P. Forget et P. Gallissaires
Tome II. 1909-1931: Traductions de D. Auclères, H. Christophe, P. Forget, P. Gallissaires, A. Hella et O. Bournac, P. Hofer-Butry, M. Rémon, B. Vergne-Cain et G. Rudent
Contenu du tome I 1885-1908
La Ronde
Ah, quelle mélodie!
En attendant le dieu vaquant
L'Amérique
Un héritage
Mon ami Upsilon
Le Prince est dans la salle
L'Autre
La Fortune
Le Fils
Les Trois Élixirs
La Fiancée
Mourir
La Petite Comédie
Les Comédiennes
Fleurs
Le Veuf
Le Dernier Adieu
Un jeune homme sensible
La Femme d'un sage
L'Apothéose
Les Morts se taisent
Pour une heure
La Suivante
La Dernière Lettre d'Andreas Thameyer
Frau Berta Garlan
Un succès
Le Sous-Lieutenant Gustel
Geronimo l'aveugle et son frère
Légende
Un bienfait n'est jamais perdu
La Cravate verte
L'Étrangère
Music-hall
La Danseuse grecque
La Prédiction
Le Destin du baron de Leisenbohg
La Nouvelle Chanson
L'Ombre de Gabriel
Histoire d'un génie
La Mort du vieux garçon
Vienne au crépuscule
Contenu du tome II 1909-1931
La Flûte de Pan
Le Triple Avertissement
L'Assassin
Le Journal de Redegonda
Frau Beate et son fils
Docteur Graesler, médecin thermaliste
Le Retour de Casanova
L'Appel des ténèbres
La Dernière Lettre d'un homme de lettres
Mademoiselle Else
La Femme du Juge
La Nouvelle rêvée
Les Dernières Cartes
La Révolte des Boxers
L'Aventurier
Thérèse. Chronique d'une vie de femme
Le Second
Les Dernières Cartes, suivi de Rien qu'un rêve (trad. Dominique Auclères), Paris, Calmann-Lévy, , 279 p.
Le Sous-Lieutenant Gustel, traduction Maël Renouard, Sillage, 2009
Les Dernières Cartes, traduction Brice Germain, Sillage, 2009
Gloire tardive (Später Ruhm), traduit de l’allemand par Bernard Kreiss, Albin Michel, inédit, 2016, (ISBN2226317333)
Carnets, journal, correspondance
Relations et Solitudes. Aphorismes (Beziehungen und Einsamkeiten, Fischer, 1987) , « Rivages Poche », traduction Pierre Deshusses, 1991 (ISBN2-86930-190-1)
La Transparence impossible, « Rivages Poche », traduction Pierre Deshusses, 1992
Journal (1923-1926), Rivages Poche, traduction Philippe Ivernel, 2012
Avec Stefan Zweig, Correspondance, « Rivages Poche », traduction Gisella Hauer et Didier Plassard, 2001
Derniers masques (Les derniers masques et La grande scène) Adaptation française Gabrielle Brennen et Henri Christophe - Mise en scène Gilles Gleizes - Théâtre 13 - 1987[14]
↑ a et bBrigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent, « Pour sortir de la ronde !?... », préface à Arthur Schnitzler, Romans et nouvelles (éd. B. Vergne-Cain et G. Rudent), tome 1, 1994, p. 3-40.
↑ abcde et fBrigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent, « Repères biographiques » dans: Arthur Schnitzler, Romans et nouvelles, t. 2, Le Livre de poche « La Pochothèque », coll. « Classiques modernes », édition préfacée, établie et annotée par B. Vergne-Cain et G. Rudent, 1996, LGF (pour la préface, les notices et les notes), p. 1125-1126.
↑« Repères biographiques » dans : Arthur Schnitzler, Romans et nouvelles, tome 2, p. 1126 et suiv..
↑ a et b« Repères biographiques » dans : Arthur Schnitzler, Romans et nouvelles, tome 2, p. 1125-1134.
↑ abcd et eJacques Le Rider, entrée « Jeune Vienne (Bahr, Schnitzler)», dans Dictionnaire du monde germanique, sous la direction de É. Décultot, M. Espagne et J. Le Rider, Paris, Bayard, p. 559-560.
« Une question me tourmente : pourquoi, en vérité, durant toutes ces années, n’ai-je jamais cherché à vous fréquenter et à avoir avec vous une véritable conversation ? [...] La réponse à cette question implique un aveu qui me semble trop intime. Je pense que je vous ai évité par une sorte de crainte de rencontrer mon double »
↑L'Express, « 150 ans d'humanité », publié le 14 mai 2012. Site consulté le 25 septembre 2017 : [1].
↑H. Schwarzinger, Arthur Schnitzler, auteur dramatique 1862-1931, 1989, Quatrième de couverture. Site d'Actes Sud consulté le 25 septembre 2017: [2].
↑Jacques Le Rider, « Karl Zieger, Enquête sur une réception. Arthur Schnitzler et la France, 1894-1938 », Germanica [En ligne], 52 | 2013, mis en ligne le 24 juin 2013, consulté le 25 septembre 2017. URL : [3].
Roseline Bonnellier, « Déplacements meurtriers. Étude sur la nouvelle Le fils d’A. Schnitzler par rapport à l’ouvrage de Theodor Reik Arthur Schnitzler als Psycholog », Topique 2017/1, no 138, p. 109-122, DOI10.3917/top.138.0109
Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent, Préface et « Repères biographiques » dans : Arthur Schnitzler, Romans et nouvelles, t. 1 et t. 2, Le Livre de poche « La Pochothèque », coll. « Classiques modernes », édition préfacée, établie et annotée par B. Vergne-Cain et G. Rudent, 1994 et 1996, LGF (pour la préface, les notices et les notes)
Karl Zieger, « Enquête sur une réception. Arthur Schnitzler et la France, 1894-1938 », Germanica, 52 | 2013, p. 161-163.