Une arme anti-émeute est un moyen physique ou technologique utilisé par les forces de l'ordre et de maintien de la paix pour encadrer des évènements de tous types ou réprimer les actes de violence commis durant ces évènements. Une arme anti-émeute est utilisée pour garantir la sécurité des forces de l'ordre et des participants aux évènements et n'a pas vocation première à entrainer la mort. Néanmoins, si certaines de ces armes sont mal utilisées, elles peuvent entrainer des blessures à différents niveaux de gravité ou même la mort de personnes.
Armes de main
Matraques
La matraque est l'arme traditionnelle des policiers. Elle est classifiée comme non-létale. Il s'agit d'un bâton généralement moins long qu'un bras fait en plusieurs matériaux : bois, caoutchouc, métal ou plastique. Elle est utilisée en combat rapproché pour à la fois se protéger d'éventuelles armes blanches ou objets tranchants, immobiliser un individu mais aussi pour frapper sur le corps. Elle est utilisée en France par la police nationale, la gendarmerie et la police municipale[1].
Variantes
Le tonfa et la matraque télescopique sont deux modèles utilisés par les forces de l'ordre en France[2],[3]. Le tonfa est une matraque, à laquelle une poignée latérale perpendiculaire est présente, environ à son quart. Utilisée aussi dans les arts martiaux, la polyvalence de sa prise fait d'elle une arme redoutable. La matraque télescopique, généralement en métal, est rétractable et se déploie d'un coup sec. Prenant peu de place et renforcée parfois d'une boule en métal, elle est tout aussi redoutable et peut entrainer des blessures[4],[2].
Gaz poivre
Le gaz poivre est un aérosol contenant des produits irritants[5]. Il est contenu dans un récipient fermé chapeauté d'un dispositif de type "spray" permettant sa diffusion concentrée. La projection de gaz peut prendre la forme d'un brouillard diffusé en forme de cône ou d'un jet à la trajectoire précise tel un jet de tuyau d'arrosage. Il est utilisé en cas de contact rapproché avec une personne hostile. Son utilisation permet d'aveugler et maitriser une personne[5]. Le spray permet d'éloigner ou maintenir à distance une personne ou un groupe de personnes considéré comme hostile. Il est classifié comme non-létal.
Grenades
Une grenade est une petite bombe dont le contenu varie selon son utilisation. Elle est volontairement déclenchée par un dispositif pyrotechnique. Elles sont considérées comme armes de main lorsqu’elles peuvent être déclenchées et projetées sans équipements. Elle sont classifiées comme non-létales.
Il existe différents types de grenades:
les grenades fumigènes ou simplement fumigènes : ce dispositif permet de diffuser un écran de fumée sur plusieurs mètres de haut et de large et ainsi bloquer la vue des opposants.
les grenades lacrymogènes : elles diffusent un gaz irritant les yeux et les bronches. Elles sont utilisées en général pour calmer ou disperser une foule virulente. Elle peut être utilisée sous forme de "spray" comme le gaz au poivre pour la défense rapprochée.
les grenades assourdissantes : elles produisent un bruit important ("bang") et un flash de lumière. En France, la législation permet de l'utiliser en cas de danger, lorsque les forces de l'ordre sont encerclées et menacées. "Les grenades doivent être envoyées en l'air, pour exploser dans le ciel et ainsi disperser la foule sans risquer de blesser les manifestants" (extrait de la source)[6]. Cette arme, mal employée, peut entrainer des blessures[7],[6] et des pertes d'audition temporaires voire permanentes[7].
les grenades de désencerclement : elles sont utilisées pour repousser des personnes ou s'extraire d'une foule[8]. Elles utilisent le principe des grenades à fragmentation. Lorsqu'elle explose des boules en caoutchouc sont projetées dans diverses directions. Elle blesse gravement ou peut être mortelle[9]. Son emploi est strictement encadré.
les grenades mixtes ou offensives : classées comme armes dangereuses voire armes de guerre (exemple GLI F4), elles combinent plusieurs types de grenades citées précédemment et provoquent un effet de souffle[10]. Un exemple est la grenade GLI-F4. Cette grenade n'est plus utilisée pour le maintien de l'ordre en France depuis 2020[11] et est remplacée par la grenade GM2L[12],[10] censée être moins dangereuse, dépourvue de TNT qui est remplacée par un système pyrotechnique.
Armes à feu
Le lance-grenades
Chaque pays dispose de ses modèles de lance grenades tel que le Milkor MGL utilisé aux États-Unis. Les lance-grenades sont le plus souvent à 1,2 ou 6 coups. En France, les forces de l'ordre possèdent plusieurs modèles de lance-grenades à 1 et 6 coups et bientôt à 2 coups. Le modèle à 2 coups a été l'objet d'un appel d'offres en décembre 2023[13] et remporté par Rivoltier[14]. Un modèle de lance-grenades à 1 coup est le Cougar de 56mm. Pour le 6 coups, les forces de l'ordre sont équipées du PGL-65 depuis 2013[15],[16]. Ces lance-grenades projettent différents types de grenades selon la dimension de leur barillet. Les grenades lacrymogènes et fumigènes semblent être les plus courantes.
Fusils d'assaut
Chaque pays dispose de ses modèles. Un exemple est le Federal Riot Gun qui fût notamment utilisé aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. En France, les fusils d'assaut de type HKG36[17] depuis 2013 [18]ou HK416 sont le dernier recours des forces de l'ordre. La première utilisation est la menace et la mise en joue des individus potentiellement dangereux[19]. Des balles en caoutchouc peuvent être tirées des fusils comme une balle réelle. L'usage de ces balles est classé comme arme à létalité réduite mais peut générer des blessures[20].
Le lanceur de balles de défense
Le lanceur de balles de défense (LBD) est une arme tirant un projectile qui va s'écraser contre un individu avec une puissance conséquente pour le dissuader ou le faire reculer. Elle est classée comme non-létale mais peut engendrer de graves blessures souvent oculaires[21],[22] . L'issue du tir peut donc être mortelle. En France, les forces de l'ordre utilisent le LBD 40. Son utilisation est très réglementée[23] et fait l'objet d'ordres précis comme de ne pas viser la tête, mais les bras ou le torse[24].
Les Bean Bags
Les "Bean Bags" ou projectiles en sachets sont des poches en kevlar remplies de billes d'acier, de sable ou de plastique[25],[26]. Ils sont insérés dans une cartouche d'arme à feu puis tirés. Ces projectiles seraient capable de "stopper net un individu et de l'assommer"[26]. Ils sont classés comme une arme non-létale mais en France seules les unités du Raid seraient autorisées à les utiliser[26]. Sa dangerosité serait supérieure aux LBD. Ce type de projectile est aussi utilisé aux États Unis et au Canada[25] où l'on compte plusieurs blessés[27] et morts[28].
Véhicules
Le canon à eau ou engin lanceur d'eau
Les canons à eau sont des citernes mobiles équipées d'un système permettant la diffusion d'un jet d'eau à haute pression. Leur capacité varie de 3000 à 12000 litres selon les modèles[29],[30]. Ils sont utilisés pour disperser des groupes d'individus, les faire reculer ou empêcher d'approcher le lieu où est stationné le canon à eau. Ils peuvent être utilisés parfois pour éteindre des incendies comme des feux de barricade en ajoutant des émulsifiants[31],[30]. Des gaz lacrymogènes peuvent être utilisés dans le canon à eau. C'est une arme non létale mais peut provoquer des blessures selon la pression du jet diffusé. Il est utilisé dans de nombreux pays comme la Pologne[32], les États-Unis ou le Liban[33].
Le Véhicule blindé à roues
France
Le VRBG ou véhicule blindé à roues de la Gendarmerie est un véhicule blindé à roues utilisé pour le maintien de l'ordre. Il est armée d'une mitrailleuse et d'un lance-grenade Cougar 56mm. Son utilisation première est la protection des gendarmes dans et derrière le blindé. Il peut être employé avec d'autres unités pour bloquer l'accès à des lieux et assister les gendarmes avec son lance-grenade. Une de ses utilisations principales reste le franchissement d'obstacles comme des barricades [34] et établir un accès terrestre pour les gendarmes à pied. Il peut être équipé d'une étrave pour faciliter le déblaiement des barricades.
Autres pays
Un modèle similaire au VRBG était utilisé dans les années 2000 en Allemagne. Aux États-Unis, les blindés à roues sont principalement utilisés par les forces d'intervention comme le SWAT qui utilise le Lenco BearCat. Il existe des versions du Lenco dédiées au maintien de l'ordre. Les polices de certains pays, tel que l'Italie ou le Royaume-Uni, utilisent des modèles de Land Rover, Defender principalement et Pangolin (Royaume-Uni) pour le maintien de l'ordre.
Dispositifs technologiques (non exhaustif)
Il existe de nombreux dispositifs variant de nom selon les pays. Cependant, ils tournent autour des mêmes principes : utilisation d'ondes, de fréquences / ultrasons , de gaz, de lumière... pour impacter les sens et le corps des individus afin de les déstabiliser. En voici deux exemples :
Active denial system (ADS)
L'ADS est un système d'arme non-létale développée par les États-Unis[35]. Sa portée serait d'1km[36]. Il ne semble pas avoir été utilisé dans un cadre opérationnel. Ce système produit un faisceau d'ondes électromagnétiques. L'énergie contenue dans les ondes se transforme en chaleur au contact de la peau d'individus[35]. Les individus échappent à l'ADS en s'écartant du faisceau. L'ADS crée donc une distance entre les forces de l'ordre et le groupe d'individus. Une exposition au faisceau peut entrainer des brulures sur la peau à des degrés inconnus. Le ministère de la Défense des États-Unis a évalué que l'utilisation du système a moins de 0,1% de chances d'engendrer des brulures[35]. Néanmoins, aucune autre étude peut corroborer ce chiffre.
Canon à sons
Surnommé LRAD pour Long-range acoustic device, le canon à son a été développé par la Chine[37] et par les États-Unis[38] à plus grande échelle. Il aurait été utilisé par les militaires américains en Irak[39]. Il serait installé d'abord installé sur des navires[39] puis sur une tourelle pivotante[40] sur des blindés américains[37]. Ce système produit un son désagréable sur de basses fréquences que l'on pourrait qualifier de "tonalité extrêmement stridente"[40]. Les personnes exposées doivent reculer pour échapper à la diffusion ou se placer du côté des forces de l'ordre. Ce système semble engendrer à minima une perte d'audition temporaire. La version chinoise aurait des conséquences plus importantes : "vertige, des troubles intestinaux, des vomissements ou des douleurs intolérables"[37]. Il a aussi été utilisé pour diffuser de la musique ou une voix à un volume élevé[39]. Des exemplaires auraient été exportés en Espagne, Pologne, Thaïlande et Géorgie.
Armes utilisées dans le passé (non exhaustif)
Anciens modèles
Matraques
Le bâton blanc est le premier modèle de matraque. Il fût instauré par le préfet Lépine en 1896 puis disparaît en 1966 suite à une modernisation des équipements de la police[41]. Il était l'un des éléments emblématiques de la tenue du policier. Les matraques en bois dites "bidules" étaient utilisées par les compagnies d'intervention de Paris dans les années 1950. Les deux modèles ont disparu au profit des matraques en caoutchouc.
Balles
Les premières balles non-létales furent composées de bois puis de gomme et enfin de plastique. Par exemple, des balles en bois auraient été tirées par l'armée britannique en 1966 et 1967 dans le cadre de maintien de l'ordre dans des manifestations à Hong Kong[42]. Aujourd'hui, les balles non létales utilisées sont faites en caoutchouc.
Le maintien de l'ordre était à l'origine attribué aux soldats puis à des groupes de maintien de l'ordre furent créés pour assurer cette fonction. Les baïonnettes étaient utilisées pour maintenir à distance un groupe de personnes mais aussi pour des charges sur des groupes. Elles sont parfois encore utilisées durant des représailles[43].
Grenades offensives
En France, les modèles de grenades offensives les plus connus sont les grenades OF37, OFF1 et GLI F4. Elles furent utilisées de 1937 à 2020 avec le retrait de la grenade GLI F4. Ces grenades ont pour particularité un détonateur fait de TNT. La grenade OF37 en contient le plus avec 90g d'explosif. Elles ont été la source de blessures graves et de morts[44], ce qui a précipité leur retraite[45].
La Squawk Box
La Squawk Box est une boite qui émet deux hyperfréquences différentes. Lorsqu’elles sont mixées par l’oreille, cela deviendrait insupportable. Cela cause des étourdissements, des nausées et des évanouissements[39],[46]. Cette arme fut développée par le Royaume-Uni et testée lors des manifestations de l'IRA dans les années 1970 en Irlande du Nord[39],[46]. Elle était classée comme une arme non-létale.
Notes et références
↑Décret n° 2013-550 du 26 juin 2013 relatif à l'armement des agents de police municipale et portant extension et adaptation à la Polynésie française de ces dispositions, (lire en ligne)
↑ a et bPhilippe Teisceira-Lessard, « Grenades assourdissantes: une vidéo soulève des questions », La Presse, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et b(en) Jessica G. Swallow, Emily A. Fedele et Felicia D. Sallis-Peterson, « Risk of Auditory Injury Caused by Area-Effect Flashbangs: Multiple Area-Distributed Impulses and the Role of the Acoustic Reflex », Institute for defense analyses, (lire en ligne [PDF])
↑(en-GB) Angelique Chrisafis, « French police weapons under scrutiny after gilets jaunes injuries », The Guardian, (ISSN0261-3077, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Alan Smart et Fung Chi Keung Charles, Hong Kong Public and Squatter Housing: Geopolitics and Informality, 1963–1985 (Hong Kong Public and Squatter Housing: Geopolitics and Informality, 1963–1985)
↑ a et bNicolas Ballet, « Psychic Driving : Les techniques de contrôle mental et leur détournement dans les musiques industrielles », dans Mind Control : Art et conditionnement psychologique (XIXe - XXIe siècles), Éditions de la Sorbonne, coll. « Histo.art », , 131–149 p. (ISBN979-10-351-0828-1, lire en ligne)