Là, en liaison avec les communistes du Var, il commence un travail de propagande à l'arsenal de Toulon et distribue des tracts invitant les marins à réclamer la cessation des hostilités en Indochine[1]. Il est arrêté par la police militaire le .
Le procès s’ouvre à Toulon le . Il est accusé, avec un autre marin, de complicité de sabotage et de participation à une entreprise de démoralisation de l’armée par distribution de tracts. Ses défenseurs sont l’avocat communiste toulonnais, Dominique Scarbonchi, et l’avocat communiste du Secours populaire, Paul Vienney.
Il est reconnu coupable du dernier chef d'inculpation mais non du sabotage (il était pourtant jugé par un tribunal militaire)[2]. Il est condamné par le tribunal maritime de Brest, le , à cinq ans de réclusion pour propagande hostile à la guerre d'Indochine[3].
L'appartenance d'Henri Martin au mouvement communiste, bien que non publique, ne fait guère de doute aux yeux des enquêteurs. À cette époque, un certain nombre de jeunes militants sont emprisonnés pour des actions illégales contre la guerre d'Indochine, telle la jeune Raymonde Dien, mais l'affaire Henri Martin sort du lot en raison de la disproportion entre une simple activité politique, certes contraire au règlement militaire, et la condamnation à cinq années de réclusion[1].
Henri Martin devient alors le symbole de la « lutte du peuple français contre la sale guerre d'Indochine ». Des comités de défense se forment, à l'initiative du Parti communiste français et de personnalités du monde politique ou intellectuel : Jean-Marie Domenach et la revue Esprit, Jean Cocteau, Jean-Paul Sartre qui publie, fin 1953, le livre L'Affaire Henri Martin. Hélène Parmelin écrit une chronique quotidienne dans L'Humanité pour demander sa libération[4]. La campagne contre sa condamnation est d'une grande ampleur : meetings, débrayages, brochures à grand tirage. Le jugement est cassé le puis confirmé le suivant[5],[6]. Incarcéré à la prison de Melun, Henri Martin se marie à la fin de l'année et n'est libéré que le [7].
La pièce Drame à Toulon - Henri Martin de Claude Martin (sans lien de parenté avec le marin) et Henri Delmas relate la vie et le procès du militant. Charles Denner, René-Louis Lafforgue, José Valverde, Paul Préboist et Antoine Vitez sont quelques-uns des nombreux comédiens de la troupe Les Pavés de Paris qui l'interprètent[8]. Le Secours populaire français, qui soutient la campagne pour la libération d’Henri Martin, finance les frais des déplacements et la rémunération des acteurs[9]. Les représentations sont interdites par plusieurs préfets[10] et maires. Mais la censure est souvent déjouée et la pièce est jouée plus de trois cents fois. En novembre 1951, le préfet de police donne l'ordre de décrocher au Salon d'automne sept tableaux dont un baptisé Henri Martin. Ces œuvres sont jugées offensantes pour le sentiment national et indignes d'être exposées dans un bâtiment appartenant à l'État[11].
Philippe Robrieux a écrit que les proportions qu'avait prise l'affaire Henri Martin au sein du Parti évoquent l'affaire Dreyfus[7]. Un documentaire de 48 min sur DVD réalisé par Raymond Mourlon en 2007 retrace cette affaire[12].
↑Philippe Roger, « La guerre froide sur le littoral du Pas-de-Calais : l'interdiction des représentations de « Drame à Toulon » à Calais en décembre 1951 », Revue du Nord, no 394, , p. 187-197 (lire en ligne).
↑« Le retrait de toiles jugées subversives au Salon d'automne provoque un incident », Le Monde, .
Jacques Doyon, Les Soldats Blancs d'Hô Chî Minh, Fayard, .
Philippe Meunier, « L'Affaire Henri Martin », L'Humanité, (lire en ligne, consulté le ).
Interview d’un militant de Pantin, documentaire DVD 48 min de 2008 (interview janvier/), rėalisė par Raymond Mourlon.
Philippe Roger, « La guerre froide sur le littoral du Pas-de-Calais : l'interdiction des représentations de « Drame à Toulon » à Calais en décembre 1951 », Revue du Nord, vol. 2012/1, no 394, , p. 187-197 (lire en ligne, consulté le ).
François Dosse, « L'affaire Henri Martin », dans La saga des intellectuels français : à La l'épreuve de l'histoire (1944-1968), Paris, Éditions Gallimard, coll. « La Suite des Temps » (no 1), , 624 p. (ISBN9782072671845, lire en ligne).
Louis de Villefosse, « Note sur l'affaire Henri Martin », Esprit, n°1, janvier 1952, p. 58-63.
Jean-Marie Domenach, « Refus de conscience et sabotage », Esprit, n°1, janvier 1952, p. 63-65.