Grandselve est fondée en 1114 par Géraud de Salles qui place ce nouvel ermitage sous la règle de saint Benoît et l’autorité de l'abbaye de Cadouin. Cette fondation est reconnue en 1117 par Amelius, évêque de Toulouse qui l’autorise à construire une église en l’honneur de Dieu, de la Vierge et de sainte Marie-Madeleine ainsi que les maisons nécessaires aux habitations des moines. Il leur cède des terres dépendant de son évêché en échange de leur rattachement à Cîteaux. En 1145 l’abbé Bertrand I consacre celui-ci lors d'une entrevue à Clairvaux avec Saint Bernard à qui il remet son abbayé[3].
L’expansion et la puissance
À partir de cette date l’abbaye qui bénéficie de nombreuses donations devient une les plus florissantes du midi avec une église de plus de cent mètres de long sur vingt de large. Probablement commencée à la fin du XIIe siècle, elle est dédicacée le 30 avril 1253 en présence de plusieurs évêques et abbés. Des moulins sont établis sur les rivières, des tuileries créées, des vignes plantées. Ses possessions sont estimées à plus de 20000 hectares répartis en 25 granges. Elle détient des immeubles à Paris, Toulouse, possède une grande partie du port de Verdun-sur-Garonne et au XIVe siècle deux chais à Bordeaux où elle expédie, en toutes franchise, 300 barriques de vin.
Dès le XIVe siècle, son influence est contrebalancée par celle des nouveaux ordres mendiants. Pendant la guerre de Cent Ans elle demeure fidèle à la France, ce qui lui vaut des représailles. Alors que les bâtiments souffrent des incursions anglaises et des ravages des grandes compagnies les moines doivent se réfugier à Grenade et ses maisons de Bordeaux sont ruinées. En revanche Grandselve pâtit peu des guerres de religion : certaines granges sont pillées et dévastées mais l’abbaye elle-même est préservée. Mais dès 1476, le régime de la commende pèse sur le monastère. Toujours propriétaire d'un important patrimoine foncier dans le midi de la France[4], l'abbaye peut verser environ 16 000 livres de rente à ses abbés commendataires. Mais l’abbé, tenu de pourvoir aux réparations des bâtiments, s’en acquitte plus ou moins.
Le nombre des religieux chute progressivement et ils ne sont plus que 16 en 1790. Après avoir résisté ils se séparent et abandonnent l’abbaye en mars 1791. Le district prend aussitôt possession des lieux et le 21 août 1791, le monastère et deux métairies voisines sont vendus comme bien national. En 1793, les premiers bâtiments commencent à être démolis: cloître, salle capitulaire, aile des moines. En 1803, l’église abbatiale succombe à son tour. L’hôtellerie est définitivement rasée peu après 1815. Seule la porterie subsiste encore[3]
Vestiges
De cette ancienne abbaye détruite à partir de 1793 il ne reste que :
un ensemble de chapiteaux, dont un chapiteau jumelé (XII-XIIIe siècle), déposés au Musée Ingres-Bourdeller à Montauban[5]
sept reliquaires conservés en l'église de Bouillac avec le trésor de Grandselve.
Plusieurs tableaux et pièces de mobilier sont conservés dans l'église Notre-Dame de l’Assomption à Grenade-sur-Garonne, bastide créée au XIIIe siècle par l'Abbaye de Grandselve.
↑(la) Leopold Janauschek, Originum Cisterciensium : in quo, praemissis congregationum domiciliis adjectisque tabulis chronologico-genealogicis, veterum abbatiarum a monachis habitatarum fundationes ad fidem antiquissimorum fontium primus descripsit, t. I, Vienne, Puthod, , 491 p. (lire en ligne), p. 174-175.
↑Jean-Michel Garric, L'archéologie au musée Ingres-Bourdelle à Montauban, dans Archéologia, n°582, décembre 2019, p.63.
Voir aussi
Bibliographie
Par ordre chronologique de publication :
Gallia Christiana, tome 13, provinces de Toulouse et de Trêves, Paris, 1785 (lire en ligne)
Bertrand-Adolphe Jouglar (1809-1873), Monographie de l'abbaye de Grandselve, p. 179-243, dans Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, 1853-1860, tome 7 (texte), (planches I à VII)
Abbé J.-A.-Firmin Galabert, L'église abbatiale de Grandselve et ses reliques, p. 212-218, Bulletin archéologique de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, 1887, tome 15 (lire en ligne)
Chanoine Gayne, L'abbaye de Grand-Selve, p. 103-127, Bulletin archéologique, historique et artistique de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, 1949, tome LXXVI (lire en ligne)
Chanoine Gayne, À propos de l'abbaye de Grand-Selve, p. 95-97, Bulletin archéologique, historique et artistique de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, 1956, tome LXXXII (lire en ligne)
Mathieu Méras, L'abbaye de Grandselve à la fin du XVIIe siècle, p. 95-108, dans Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, 1965, tome 31 (lire en ligne)
Mireille Mousnier, « Grandselve et la société de son temps », dans Les cisterciens de Languedoc (XIIIe-XIVe s.), coll. « Cahiers de Fanjeaux » (no 21), (lire en ligne), p. 107-126
Mireille Mousnier, L'abbaye cistercienne de Grandselve, Toulouse, Presses universitaires du Midi, coll. « Méridiennes », , 498 p. (ISBN978-2-912025-27-2, lire en ligne)
Groupe de Recherches Historiques et Généalogiques de Verdun-sur-Garonne, Grandselve, L'abbaye retrouvée, p. 35-44, Bulletin de la Société archéologique et historique de Tarn-et-Garonne, 2007, tome 132 (lire en ligne)
Daniel Cazes, Nicolas Portet, Bouillac, abbaye cistercienne de Grandselve, p. 95-110, Congrès archéologique de France. 170e session. Monuments de Tarn-et-Garonne, Société française d'archéologie, Paris, 2014 (ISBN978-2-901837-53-4)
Marie-Anne Sire, Bouillac, trésor de l'abbaye cistercienne de Grandselve, p. 111-116, Congrès archéologique de France. 170e session. Monuments de Tarn-et-Garonne, Société française d'archéologie, Paris, 2014 (ISBN978-2-901837-53-4)