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En économie, l'élasticité mesure la variation d'une grandeur provoquée par la variation d'une autre grandeur. Ainsi, pour un produit donné, lorsque les volumes demandés augmentent de 15 % quand le prix de vente baisse de 10 %, l'élasticité de la demande par rapport au prix de vente est le quotient de la variation de la demande rapporté à la variation de prix de vente, soit -1,5 = (15 % / -10 %). Ici toute baisse de prix provoque une augmentation plus importante des quantités vendues[1]. En d'autres termes, la baisse du prix de vente est plus que compensée par la hausse de la demande[1].
A contrario, l'inélasticité caractérise l'absence de lien ou l'indépendance des variations des deux variables concernées. Dans cette hypothèse par exemple une variation quelconque du niveau de prix, à la hausse comme à la baisse, est censée n'avoir aucun effet sur le niveau de la demande.
Le terme de « sensibilité » est parfois utilisé car le problème analysé revient le plus souvent à trouver une réponse à la question pratique :
Plusieurs auteurs se sont intéressés à la question de l'interdépendance des données et flux économiques. À la fin du XVIIe siècle, en particulier, Gregory King[2], puis Charles D'Avenant[3] notent qu'une baisse de l'offre de blé conduit à un renchérissement bien plus que proportionnel du prix de cette denrée (et inversement). Les études de ces réactions brutales et inverses des prix face aux variations des quantités produites ont conduit Gregory King à constater que les agriculteurs s'enrichissent lorsque les campagnes agricoles sont mauvaises et s'appauvrissent lorsqu'elles sont bonnes[4]. C'est toutefois au XIXe siècle que l'analyse se précise et devient plus formelle. Des descriptions mathématiques de l'offre et de la demande sont faites par William Whewell[5] et Antoine-Augustin Cournot.
Le terme « élasticité » (elasticity) apparaît pour la première fois dans les Principes d'économie politique, l'ouvrage paru en 1890 d'Alfred Marshall qui restera pendant plusieurs décennies un des manuels de référence en sciences économiques. Au XXe siècle, l'usage de la notion d'élasticité est étendu à de nombreuses autres variables économiques puis financières.
Un coefficient d'élasticité n'a pas d'unité de mesure. L'élasticité est une notion ponctuelle : elle se calcule pour un point précis.
Certains auteurs, dont le Prix Nobel d'économie Joseph Stigler, ont utilisé la notion d'élasticité d'arc, qui mesure l'élasticité non en un point unique, mais sur toute une partie de la courbe. Elle est définie comme : ε ( y , x ) = x ¯ y ¯ . Δ ( y ) Δ ( x ) → {\displaystyle {\vec {\varepsilon (y,x)={\frac {\bar {x}}{\bar {y}}}.{\frac {\Delta (y)}{\Delta (x)}}}}} ( x ¯ {\displaystyle {\bar {x}}} et y ¯ {\displaystyle {\bar {y}}} étant les moyennes de plusieurs x {\displaystyle {x}} et/ou y {\displaystyle {y}} ).
Si ε ( y , x ) = 0 {\displaystyle \varepsilon (y,x)=0} , alors la variable y {\displaystyle y\,\!} est parfaitement inélastique relativement à la variable x {\displaystyle x\,\!} .
L'élasticité de la demande mesure le degré de sensibilité de la demande d'un bien ou d'un service :
L'élasticité-prix est le rapport entre la variation relative de la demande d'un bien et la variation relative du prix de ce bien. Ce rapport est généralement négatif car lorsque le prix augmente, la quantité demandée diminue et réciproquement. (Q = Quantité, P = Prix)
e = Δ Q Q Δ P P = Δ Q Δ P × P Q {\displaystyle e={\frac {\frac {\Delta Q}{Q}}{\frac {\Delta P}{P}}}={\frac {\Delta Q}{\Delta P}}\times {\frac {P}{Q}}} .
On peut distinguer trois cas particuliers :
Cas possibles :
L'élasticité-prix croisée est définie comme le rapport entre le taux de variation de la quantité demandée d'un bien A et le taux de variation du prix d'un autre bien B. Selon le résultat de ce calcul, les biens A et B sont dits « de substitution » ou « complémentaires », voire différenciés.
La notion d'élasticité-prix croisés est particulièrement utile en matière de politique de la concurrence. Pour déterminer le périmètre d'un marché et déterminer si un risque d'abus de position dominante existe sur ce marché, il est en effet nécessaire de voir jusqu'à quel point différents produits sont substituables (ex. Coca et Pepsi). La notion d'élasticité-prix croisés est alors utile pour déterminer si deux biens appartiennent au même marché, et si les autorités de la concurrence doivent déclencher une action.
L'élasticité de la demande par rapport au revenu est définie comme le rapport entre le pourcentage de variation de la demande d'un bien et le pourcentage de variation du revenu. Elle mesure l'impact d'une variation du revenu d'un consommateur sur sa demande pour un bien particulier.
L'élasticité-revenu se calcule comme tel (avec D A {\displaystyle D_{A}} la demande pour un bien A, et R le niveau de revenu, on estime que les prix sont stables) :
e D A / R = Δ ( D A ) D A Δ R R {\displaystyle e_{{D_{A}}/R}={{\Delta {(D_{A})} \over D_{A}} \over {\Delta R \over R}}}
Comme tous les biens n'ont pas la même élasticité-revenu, l'augmentation du revenu change la structure de la consommation. Dans le cas où l'on souhaite visualiser l'effet de la variation du revenu sur un panier constitué de deux biens, on peut construire le Chemin d'expansion du revenu.
Selon la classification définie par le statisticien Ernst Engel, on distingue trois catégories de biens :
L'élasticité-prix de l'offre est définie comme la capacité de la production à augmenter ou à décroître en volume par rapport à la variation des prix.
L'élasticité de l'offre est dite « asymétrique », c'est-à-dire que :
Dans le cadre des prévisions du budget d'un État, il est nécessaire d'évaluer l'effet du taux de croissance économique sur les recettes et dépenses de l'État. En effet, lorsque la croissance est forte, les bases d'imposition (revenus, résultats des entreprises, consommation...) ont tendance à augmenter. Et à diminuer en cas de décroissance. Ces variations du taux de croissance, et donc des bases d'imposition induisent donc une augmentation (ou une diminution) des recettes fiscales. Déterminer le taux de variation des recettes et des dépenses en fonction du taux de croissance est une mesure de l'élasticité budgétaire à la croissance.
En France, la Cour des Comptes a constaté que les écarts entre évaluation de cette élasticité sur les recettes et élasticité réelle avait un effet moyen sur le budget bien plus important (4,5 milliards d'euros sur la période 2003-2012, hors cas exceptionnel de 2009) que les écarts d'appréciation entre croissance anticipée et croissance réelle du PIB (effet moyen de 2,5 milliards d'euros sur la même période)[10].
L'élasticité constatée a varié pour les extrêmes entre -0,1 (en 2012), 0,1 (en 2003) et 4,5 (en 2009), l'élasticité pour les autres années étant comprise entre 1,3 et 2. La forte élasticité de 2009 correspond à une décroissance du PIB de 2,1 %, et à une baisse des « recettes fiscales nettes spontanées »[11] de 9,6 %. L'élasticité prévue était de 0,8. Cet écart entre prévision et réel a occasionné un supplément de déficit imprévu de 21 milliards d'euros[10].
Sur la difficulté d'évaluer correctement cette élasticité, la Cour des Comptes constate que « les recettes sont plutôt surestimées lorsque la croissance du PIB est faible, ce qui peut conduire à prévoir un déficit public trop faible ; elles sont plutôt sous-estimées lorsque la croissance du PIB est relativement forte. »
Ces prévisions sont calculées, toujours en France, par la Direction générale du Trésor, à partir de modèles macro-économiques, avec une application impôt par impôt. Une autre mesure d'élasticité plus détaillée est évaluée pour ce faire : celle du taux de croissance du produit de l'impôt et du taux de croissance de son assiette[10].