Fille de Pierre et Marie Curie, née Skłodowska, sœur cadette d'Irène Joliot-Curie, elle étudie au collège Sévigné, où elle obtient son baccalauréat en 1925. Comme elle aime à le rappeler, elle est la seule de la famille à ne pas avoir choisi une carrière scientifique, contrairement à ses parents, sa sœur, ses neveux, son oncle et ses cousins. Encouragée par sa mère, elle préfère les études littéraires et artistiques. Formée par Ignacy Paderewski à la fin de la Première Guerre mondiale, elle commence sa carrière en tant que pianiste et se produit pour la première fois à Paris en 1925.
En mars ou avril 1932, elle rencontre Henri Bernstein, directeur du théâtre du Gymnase, pour lequel elle écrit 145, Wall Street, adaptation de Spread Eagle de George S. Brooks et Walter B. Lister, créée le 25 octobre suivant. Elle entretient avec lui une liaison de 1932 à 1940[1].
Après le décès de sa mère en 1934, elle écrit la biographie de celle-ci, Madame Curie, qui est en 1938 un succès de librairie mondial, adapté au cinéma, également sous le titre de Madame Curie, par la MGM en 1943, avec Greer Garson dans le rôle-titre et Walter Pidgeon dans celui de son époux.
En Angleterre, déterminée à continuer la lutte, elle s'engage dans la France libre et en faveur des Alliés, jusqu'à la fin de la guerre. Elle propose sa plume et sa voix dans la presse, à la radio, dans des conférences et intervient à deux reprises à Radio Londres[5]. En réaction, le gouvernement de Vichy lui retire par décret, au début de , la nationalité française en même temps qu'à Henri Bernstein, René Cassin et Georges Thierry d'Argenlieu[6].
Elle rejoint les États-Unis pour y faire connaître les combats de la France libre et est engagée en comme correspondante de guerre par l’Herald Tribune Syndicate de New York, ainsi que dans l’Allied Newspaper de Londres, elle se rend sur les fronts de Libye, de Russie, de Birmanie et de Chine. Le , elle s'entretient avec Gandhi[7]. Selon elle, Gandhi se dérobait (« slipped away ») constamment[8]. En 1943, elle publie Journey among warriors (Voyage parmi les guerriers, 1946), une chronique de ses voyages sur les fronts de la Seconde Guerre mondiale.
Revenue en Angleterre, elle s'engage dans le corps des volontaires féminines de la France combattante et devient ambulancière sur le front d'Italie. En 1943, le général Diego Brosset l'engage avec le grade de lieutenant à l'état-major de la 1re DFL. Débarquée avec les troupes françaises en Provence en , elle participe à la jonction de cette unité avec la 2e DB le . Le général de Gaulle lui rend hommage dans le discours qu'il prononce le à Alger et le suivant, lui écrit : « Je n'oublie pas combien votre attitude, dès le début, a été courageuse et je vous félicite de ce que vous continuez à faire en ce moment ».
En 1945, elle assiste avec sa sœur Irène au procès de María Teresa Toral, pour soutenir la chimiste républicaine espagnole, au cours duquel les franquistes demanderont la peine de mort[10].
En 1952, elle devient conseillère spéciale du secrétaire général de l'OTAN. Deux ans plus tard, en 1954, elle épouse Henry Labouisse, ambassadeur des États-Unis en Grèce, qui fut pendant quinze ans directeur exécutif de l'UNICEF. Dans le cadre de leurs fonctions, Ève et son époux voyageront dans plus d'une centaine de pays.
Ève Curie est administratrice de la Fondation Curie[11] de 1957 à 1967, au titre de représentant de Marie Curie, fondatrice de la fondation.
Elle acquiert la nationalité américaine en 1958. Veuve depuis 1987, domiciliée à New York au 1, Sutton Place South[12], elle y meurt le , à l'âge de 102 ans et 320 jours, dans sa 103ème année.
Ève Curie est nommée au grade de chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur le [13]. Le , âgée de 100 ans, elle est promue au grade d'officier dans l'ordre au titre de « membre du conseil d'administration d'une association caritative (Etats-Unis) »[13]. Elle est faite officier de l'ordre le au cours d'une cérémonie dans les locaux de l'UNICEF pour sa contribution à la cause humanitaire.
En 2006, elle est promue au grade de commandeur dans l'ordre Polonia Restituta, ordre dans lequel elle était entrée avec le grade de chevalier en 1939[14]. Elle est faite commandeur de l'ordre à New York par le président polonais Lech Kaczyński, Ève Curie crie alors : Vive la Pologne !.
↑Voir Bernstein Gruber 1988, p. 379 ; George de Lovinfosse, Au service de Leurs Majestés : histoire secrète des Belges à Londres, Byblos, , 278 p., p.49 ; (en) Geoffrey Cox, Countdown to war : a personal memoir of Europe 1938-40, Londres, W. Kimber, , 216 p. (ISBN0-7183-0674-0) ; (en) Alexander Werth,, The last days of Paris: a journalist's diary, H. Hamilton, , 274 p., p.205.
↑Robert Belot, La Résistance sans de Gaulle : politique et gaullisme de guerre, Paris, Fayard, , 668 p. (ISBN978-2-213-62954-4), indique à tort, p. 25-26, le 17 juin et la présence de Philippe Barrès, qui indique lui-même dans son Charles de Gaulle, paru en 1941, avoir quitté la France après la signature des armistices franco-allemand et franco-italien, p. 162.
↑« Appel au bon sens » () et « la deuxième réélection de Roosevelt » (), dans Jean-Louis Crémieux-Brilhac (dir.), Les Voix de la liberté : Ici Londres, 1940-1944, tome 1, La Documentation française, 1975, p. 40 et 138.
↑Georges Bernstein Gruber, Gilbert Maurin, op. cit., p. 393.
↑(en) Ananda M. Pandiri, A comprehensive, annotated bibliography on Mahatma Gandhi : Biographies, works by Gandhi, and bibliographical sources, Westport, Conn, Greenwood Press, , 401 p., 30 (ISBN0-313-25337-4).
↑Ève Curie, Journey among warriors, New York, 1943, p. 454. Cité par G.B. Singh, Gandhi : Behind the Mask of Divinity, New York, 2004, p. 296 et p. 299, note 5.
↑Claude Bellanger, Histoire générale de la presse française, universitaires de France, 1969, t. IV, p. 286.
↑(en) Anne Commire, Thomson Gale et Donna Olendorf, Something about the author : facts and pictures about contemporary authors and illustrators of books for young people, vol. 1, Detroit MI, Gale Research Book Tower, , 317 p. (ISBN0-8103-0050-8), p. 73.
↑Dictionnaire biographique français contemporain, Pharos, 1950, vol. 2, p. 196.
Pour approfondir
Bibliographie
Georges Bernstein Gruber et Gilbert Maurin, Bernstein, le magnifique : cinquante ans de théâtre, de passions et de vie parisienne, J.-C. Lattès, , 485 p.
Hélène Langevin-Joliot et Monique Bordry, Marie Curie et ses filles. Lettres, Paris, Pygmalion, 2011, 417 pages.
Natacha Henry, Les Sœurs savantes, Marie Curie et Bronia Dluska, La Librairie Vuibert, Paris, 2015.
Claudine Monteil, Ève Curie, L'autre fille de Pierre et Marie Curie, Paris, Odile Jacob, 2016, 346 pages, (ISBN978-2-73813-355-7) (première biographie sur Ève Curie)