L’émeute de Gazi, ou massacre de Gazi, est une émeute sévèrement réprimée par la police survenue dans la nuit du à Istanbul en Turquie. Au cours des quatre jours de troubles, 23 personnes ont été tuées et plus de 1 400 émeutiers et policiers ont été blessés[1].
Le , à 21 h, un groupe d’inconnus à bord d’un taxi volé se rend dans le quartier de Gazi et tire sur quatre cafés et une pâtisserie. Un dede, Halil Kaya, est tué durant cette attaque. Les assaillants égorgent ensuite le chauffeur et incendient le taxi avant de prendre la fuite. À la suite de cette fusillade, de nombreux habitants de Gazi sortent dans la rue pour protester contre l’indifférence de la police. Vers minuit, ils décident de se rendre devant le commissariat local et de poursuivre leur protestation. Ils sont alors violemment repoussés par des policiers.
Le , vers 4 h, le gouverneur d’Istanbul, le chef de la police et des représentants du quartier de Gazi se réunissent dans le bureau du gouverneur pour trouver une solution. Alors que la protestation se calme peu à peu, plusieurs policiers commencent à tirer en direction de la masse. Un homme, Mehmet Gündüz, est tué et dix autres personnes sont ainsi blessées. Au matin, ce sont des milliers de gens, de Gazi et des quartiers voisins, qui rejoignent le mouvement. À 11 h, plusieurs policiers tirent à nouveau sur la foule. Fadime Bingöl et Sezgin Engin sont tués. Les tirs recommencent vers 14 h. Zeynep Poyraz, Dilek Sevinç, Ali Yıldırım, Reis Kopal, Mümtaz Kaya, Fevzi Tunç, Hasan Sel, Hasan Gürgen, Dinçer Yılmaz et Hasan Ersürer trouvent aussi la mort. Une autre charge policière est lancée vers 15 h 15 contre les personnes présentes aux funérailles de Halil Kaya et Mehmet Gündüz. À 16 h, un couvre-feu est décidé pour Gazi et ses environs.
Victimes
Halil Kaya
Chauffeur de taxi
Mehmet Gündüz
Zeynep Poyraz
Fadime Bingöl
Ali Yıldırım
Dilek Sevinç
Reis Kopal
Fevzi Tunç
Mümtaz Kaya
Hasan Sel
Sezgin Engin
Dinçer Yılmaz
Hasan Gürgen
Yaşar Aydın
Le cas de Özlem Tunç
Au moment des faits, Özlem Tunç était une jeune femme qui prenait part à ces protestations. Elle est arrêtée par la police et amenée dans un café vide. Le lieu est finalement submergé d'une trentaine de policiers qui commencent à la frapper violemment, à l'agresser sexuellement, et finalement décident de lui tirer une balle dans la tête pour en finir. Mais cette balle ne la tue pas. Elle est laissée pour morte à côté d'un conteneur poubelle en plein milieu de la rue. Ce moment est filmé par des caméras et diffusé plus tard à la télévision en complément de son interview pour l'émission 32. gün sur Show TV en 1996. Elle mettra plusieurs années pour récupérer physiquement[2].
Suite judiciaire
Le , les proches des victimes décident de poursuivre des représentants de l'État et plusieurs policiers. Le procureur lance des investigations, jugées par la suite insuffisantes, et la cour d’assises d’Eyüp est saisie mais celle-ci transfère l’affaire à Trabzon pour des raisons de sécurité. Le procès commence véritablement le et se termine au début des années 2000. Seuls deux policiers seront finalement condamnés, et à des peines légères. L'affaire se poursuit ensuite devant la Cour européenne des droits de l'homme qui condamne la Turquie pour violation des articles 2 (droit à la vie) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en 2005.
Accusés
Issue
Hayri Kozakçıoğlu, gouverneur d'Istanbul
Poursuite rejetée (décision du du procureur)
Necdet Menzir, chef de la police stambouliote
Poursuite rejetée (décision du du procureur)
Nahit Menteşe, ministre de l'Intérieur
Poursuite rejetée (décision du du procureur)
18 officiers de police
Acquittement (jugement du de la cour d'assises de Trabzon)
Adem Albayrak, policier
5 ans d'emprisonnement pour le meurtre de Fevzi Tunç, Reis Kopal et Dilek
Sevinç (jugement du de la cour d'assises de Trabzon)
Mehmet Gündoğan, policier
1 an et 8 mois d'emprisonnement pour le meurtre de Mümtaz Kaya (même jugement)
L'émeute de Ümraniye
Déroulement
Les faits qui se sont déroulés à Gazi se sont propagés dans les quartiers voisins tels que Sarıgazi et Mustafa Kemal, et aussi dans plusieurs autres grandes villes.
Le , dans le quartier de Mustafa Kemal à Ümraniye, de nombreuses personnes se réunissent pour se rendre aux funérailles des victimes de Gazi. Sur la route, ils se confrontent à des policiers qui décident de tirer sur la foule, tuant ainsi plusieurs protestants.
Victimes
Hasan Puyan
İsmihan Yüksel
İsmail Baltacı
Genco Demir
Hakan Çabuk
Suite judiciaire
Le , une plainte commune est déposée. Mais, le , la demande est rejetée par le procureur d'Üsküdar qui estime qu'il n'y a pas assez de preuves. Les proches des victimes font appel à cette décision mais leur appel est également rejeté le par la cour d'assises de Kadıköy. Aucun policier ne sera condamné pour ces faits. La Cour européenne des droits de l'homme condamne la Turquie pour cet incident lors du jugement de Gazi en 2005.
Hypothèses
Les incidents de Gazi et de Ümraniye sont attribués au réseau Ergenekon, un État parallèle de kémalistesfascisants[3]. Les groupes d'extrême gauche et kurdes, très présents dans le quartier de Gazi, ont été accusés d'avoir participé à la montée des tensions entre les alévis et les autorités durant ces événements.
Répercussions
L'émeute de Gazi a traumatisé la communauté alévie dont les liens avec l'État turc se sont fortement dégradés. Cela a entraîné la création de nombreuses associations alévies et une renaissance de l'identité alévie. Le est commémoré chaque année par les alévis. Cet incident a également forgé une véritable identité de résistants chez le « peuple de Gazi » ; de nombreux groupes d'extrême gauche et kurdes sont aujourd'hui actifs dans ce quartier où ils affrontent régulièrement la police.
Notes et références
↑(tr) « Ergenekon zanlısı, Gazi mahallesi provokatörü çıktı - », Star Gazete, (lire en ligne, consulté le )