Les Whole Earth Catalogs proposaient toutes sortes de produits à la vente (vêtements, livres, outils, machines, graines — des choses utiles à un style de vie créatif et autosuffisant), mais ne vendaient directement aucun de ces produits. Il pronaît le Do it yourself. Les noms des vendeurs et les prix étaient listés à côté des produits proposés, le tout étant accompagné d'une recommandation de ne pas harceler ces sociétés, souvent de taille modeste, par des questions de simple curiosité si on n'envisageait pas vraiment l'achat de ce qu'elles proposaient.
Origines
Le titre Whole Earth Catalog provient d'un projet antérieur de Stewart Brand. En 1966, il lança une campagne publique pour que la NASA dévoile la photo satellite de la sphère terrestre vue de l'espace : la première image de la Terre en son entier (Whole Earth). Il pensait que cette image pouvait être un puissant symbole, évoquant chez les gens un sentiment de destin partagé et de stratégie adaptative. Brand, biologiste fortement intéressé par les arts et la société, pensait qu'il existait à son époque une vague d'engagement pour la rénovation de la société industrielle américaine avec des préoccupations écologiques et sociales justes.
Andrew Kirk, dans son ouvrage Counterculture Green, nota que le Whole Earth Catalog fut précédé par le Whole Earth Truck Store. Le projet de Brand était de conduire un camion autour des États-Unis dans l'espoir d'y faire des foires éducatives. Le camion faisait guise de boutique mais aussi de bibliothèque alternative et de service de micro-éducation mobile[1]. Le « camion-magasin » s'installa finalement de façon permanente à Menlo Park en Californie[2]. Au lieu d'amener le magasin vers le public, Brand décida de créer un catalogue pour que les gens puissent contacter directement les vendeurs.
Utilisant la police de caractères et les outils de mise en page les plus prosaïques, Stewart Brand et ses collègues créèrent le premier numéro du Whole Earth Catalog en 1968. Dans les numéros suivants, la qualité de la production s'améliora graduellement. Les pages surdimensionnées mesuraient 28 cm sur 36 cm. L'épaisseur des éditions les plus tardives dépassait les deux centimètres. Les premières éditions furent publiées par le Portola Institute, dirigé par Richard Raymond. En 1971, le catalogue remporta le National Book Award. L'intention de Stewart Brand était de fournir des « outils d'accès » et d'éducation pour que les lecteurs puissent « trouver leur propre inspiration, former leur propre environnement et partager leurs aventures avec quiconque était intéressé pour le faire[3] ».
Le premier numéro du Whole Earth Catalog en 1968 comptait 61 pages, le numéro de 1971, 448, et fut diffusé à plus d'un million d'exemplaires.
Organisation
D'après la première page du catalogue de 1969, le Whole Earth Catalog fonctionne comme un outil d'évaluation et d'accès. Grâce à lui, l'utilisateur saura mieux ce qui mérite d'être acquis et où et quand faire cette acquisition. Un article est listé dans le catalogue s'il est considéré comme :
Un outil utile,
propice à l'éducation indépendante,
étant de haute qualité ou à bas prix,
n'étant pas encore un savoir commun,
facilement disponible par courrier.
L'index du catalogue est continuellement révisé selon l'expérience et les suggestions des utilisateurs et de l'équipe du Catalogue.
Le Catalogue de 1968 était divisé en sept sections générales :
Comprendre les systèmes d'ensemble
Abris et utilisation du terrain
Industrie et artisanat
Communications
Communauté
Nomades
Apprentissage
Dans chaque section, les meilleurs outils et les meilleurs livres choisis par les éditeurs étaient listés accompagnés d'images, de commentaires, de prix et des noms des distributeurs. Il était aussi possible que le lecteur commande des articles directement au Catalogue.
Les titres des sections changèrent légèrement dans les éditions ultérieures, mais ils gardèrent de manière générale la même structure.
Le Catalogue faisait une définition large du mot « outil ». Ce pouvait être des outils informatifs — livres, cartes, journaux professionnels, cours et leçons —, des ustensiles spécifiques — outils de jardinage, de charpenterie, de maçonnerie, de soudure, des tronçonneuses, des matériaux en fibre de verre, des tentes, des chaussures de randonnée et des tours de potier — mais aussi les premiers synthétiseurs et ordinateurs à usage personnel.
La publication du Catalogue coïncida avec une grande vague d'expérimentalisme anti-conformiste et une attitude do-it-yourself (« fais-le toi-même ») associés à la « contre-culture », et tenta d'attirer aussi bien l'intelligentsia du mouvement que les personnes créatives, impliquées et aimant le grand air, de différents acabits.
Avec le catalogue ouvert à plat, le lecteur trouvera peut-être la grande page de gauche remplie de textes et d’illustrations intrigantes tirées d’un volume de Science and Civilisation in China(en) de Joseph Needham, montrant et expliquant une tour d’horloge astronomique ou un moulin à vent. Alors que sur la page de droite, vous trouverez une excellente revue d’un guide de débutant sur la technologie moderne (Comment ça marche ?) et une revue de The Engineers’ Illustrated Thesaurus, sur une autre paire de pages, la gauche passe en revue des livres sur la comptabilité et les emplois au noir, tandis que celle de droite comporte un article dans lequel certaines personnes racontent l’histoire de la coopérative du crédit communautaire qu’ils ont fondée. Une autre paire dépeint et discute de différentes formes de kayaks, canots pneumatiques, et bateaux habitables.
« Dans ma jeunesse, il y avait une publication incroyable intitulée Whole Earth Catalog, qui était une des bibles de ma génération… C'était un peu comme Google en format papier, 35 ans avant l'existence de Google. C'était une revue idéaliste débordant d'outils épatants et de notions géniales[4]. »
Au cours de ce discours d'ouverture, Steve Jobs a également cité le message d'adieu inscrit sur la quatrième de couverture de l'édition 1974 du catalogue :
Kevin Kelly fit une comparaison similaire en 2008 :
« Pour ce nouveau mouvement de la contre-culture, l'information est une denrée précieuse. Dans les années 60, il n'y avait pas d'Internet, pas 500 chaînes sur le câble. Le World Earth Catalog était un excellent exemple de contenu généré par les utilisateurs, sans publicité, avant Internet. Fondamentalement, Stewart Brand a inventé la blogosphère, bien avant les blog. [...] Aucun sujet n'était trop ésotérique, aucun degré de l'enthousiasme trop ardent, aucune expertise d'amateur trop peu sûre pour y être inclus. [...] Ce dont je suis sûr : ce n'est pas un hasard si le Whole Earth Catalog a disparu dès que le web et les blogs sont arrivés. Tout ce que le Whole Earth Catalog a fait, le web le surpasse[5]. »
Parutions après 1972
Après 1972, le catalogue est publié ponctuellement. Des rééditions du Last Whole Earth Catalog paraissent périodiquement entre 1971 et 1975, mais très peu de catalogues complets sont publiés. En 1974 le Whole Earth Epilog, attendu comme le volume 2 du Last Whole Earth Catalog, paraît. En 1980 c'est au tour du The Next Whole Earth Catalog (ISBN0-394-70776-1) d'être publié. Il a été si bien accueilli qu'une édition réactualisée paraît l'année suivante.
Il y eut deux éditions dans les années 1980 du Whole Earth Software Catalog, un recueil pour lequel Doubleday avait soumissionné 1,4 million de dollars pour les droits commerciaux de poche.
En 1986, est édité le The Essential Whole Earth Catalog (ISBN0-385-23641-7) et en 1988, le Whole Earth Catalog est sur CD-ROM, usant une des premières versions de l'hypertexte.
Successivement le Whole Earth Catalog se consacrera aux outils de communication (1988), puis à l'écologie et à la problématique environnementale, deux ans plus tard (ISBN0-517-57658-9).
Le dernier catalogue complet à avoir été publié, The Millennium Whole Earth Catalog (ISBN0-06-251059-2), parut en 1994.
Pour célébrer le 30e anniversaire du WEC, un hors-série est publié (ISBN1-892907-05-4) dans le cadre de la revue du catalogue. Il reproduit le WEC original et ajoute de nouveaux contenus.
Appel aux abonnés à écrire au Président des États-Unis Nixon exhortant l'établissement de la terre entière comme un parc national. Mise en place d'un soutien précoce pour les ordinateurs avec une photo d'un club informatique montrant deux calculatrices Commodore
De 1974 à 2003, les directeurs du Whole Earth Catalog ont publié un magazine, connu sous le nom de CoEvolution Quarterly. Lorsque l'éphémère Whole Earth Software Review (un supplément du Whole Earth Software Catalog) a échoué, il a fusionné au précédent Whole Earth Review, plus tard appelé Whole Earth Magazine, et, finalement Whole Earth. Le dernier numéro, le 111, édité par Alex Steffen, était destiné à être publié au printemps 2003, mais les fonds s'épuisaient. La société Point Foundation, qui possédait le Whole Earth, a fermé ses portes plus tard dans l'année. [réf. nécessaire]
Le site internet du Whole Earth[6] s'inscrit dans la lignée des concepts WEC dans le discours populaire, soins médicaux auto-administrés, développement communautaire, bio-régionalisme, restauration de l'environnement, la nanotechnologie, et le cyberespace. Face au discours originel dominant très « pays développé » du WEC, des groupes de plusieurs pays en développement ont créé des « catalogues » de leur propre chef, plus pertinents pour leur pays. Un tel effort est une adaptation du WEC (appelée « Liklik Buk ») écrit et publié dans les années 1970 en Papouasie-Nouvelle-Guinée ; en 1982, il avait été enrichi, mis à jour et traduit (comme « Economie Na Mekem" ) dans la langue Pidgin, utilisée dans toute la Mélanésie et des mises à jour du Liklik Buk ont été publiées en anglais, entre 1986 et 2003.
Aux États-Unis, le livre Domebook One était directement inspiré du WEC. Lloyd Kahn, rédacteur du WEC, emprunta des équipements de production pendant une semaine en 1970 et a produit le premier livre sur la construction de dômes géodésiques. Un an plus tard, en 1971, Kahn a, une nouvelle fois, emprunté des équipements du WEC (une machine IBM Selectric Compositor et un Polaroid MP-5 caméra sur un trépied), et a passé un mois dans les montagnes de Santa Barbara produisant Domebook 2, qui s'est vendu à 165 000 exemplaires. Avec la production du Domebook 2, Kahn et sa société suivirent le mouvement de Stewart Brand à l'échelle nationale de distribution par Random House[7].
À la fin 2006, le Worldchanging a publié son recueil de 600 pages de solutions, Worldchanging: A User's Guide to the 21st Century, que, Bill McKibben, dans un article paru dans le New York Review of Books appelale The Whole Earth Catalog rééquipé pour la génération IPod[8]. L'éditeur du Worldchanging a reconnu depuis le catalogue en tant que source d'inspiration primordiale[9],[10].
En 1969, un magasin inspiré par le WEC appelé Access Whole Earth, ouvrit ses portes à Berkeley, en Californie. Non financièrement lié au WEC, il fut fermé en 1998. En 1970, un magasin appelé le Whole Earth Provision Co., inspiré par le catalogue, a ouvert à Austin, au Texas[11]. Il existe maintenant[Quand ?] huit magasins à Austin, Houston, Dallas et San Antonio.
Successeurs
En France, l'ouvrage créé par Stewart Brand a eu son équivalent dans les sept volumes successifs du Catalogue des ressources, créé pour l'Europe francophone (France, Suisse, Belgique...) par Philippe Bone. Éditée à partir de 1974[12], cette encyclopédie permit de fonder les Éditions Alternatives. D'après les auteurs de L'Aventure hippie, livre qui retrace la saga de la culture underground en France, la publication du Catalogue des ressources a marqué un tournant majeur dans les milieux alternatifs de ce pays[13].
En 1973, Kirsten Grimstad et Susan Rennie sont mandatées par l’université de Berkeley[14] et publient un catalogue féministe inspiré du Whole Earth Catalog, le New Woman’s Survival Catalog[15], qui répertorie des initiatives féministes dans différents domaines (art, communication, travail, argent, self-help, auto-défense…) aux États-Unis.