Vera Hoffmann, d'origine suisse et autrichienne, a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans en Camargue, à la station de recherche de la Tour du Valat, située à 28 km d'Arles. Cette station qui suivait une idéologie d'origine clairement communiste, et proche du mouvement gauchiste hippie, comprenait à l'époque une activité agricole et l'électricité y était fournie par un groupe électrogène. Cela tient au fait que son père, Luc Hoffmann (1923-2016), docteur en zoologie, consacre une grande partie de sa vie, de ses moyens financiers (il est le petit-fils de Fritz Hoffmann-La Roche, fondateur du groupe pharmaceutique Hoffmann-La Roche) et de ses réflexions à la cause de la nature[1]. Il a été, avec Peter Scott, le fils de l'explorateur du pôle Sud, le fondateur du World Wildlife Fund (WWF) en 1961. Ce lieu, protégé par la fondation familiale MAVA, est devenu un centre international pour l'étude des milieux humides méditerranéens[2].
La fondation, qui possède près de 2 500 hectares, est chargée de la protection de ce lieu[3].
Durant l'enfance de Vera Hoffmann, de ses deux sœurs, dont Maja, et de son frère André[4], leurs parents ont créé une école privée agréée par l'Éducation nationale. L'école regroupait environ 14 enfants, principalement les enfants des collaborateurs de la station ornithologique et de quelques voisins de modeste condition[5].
Du côté de sa mère, Daria Razumovsky, Vera Hoffmann descend d'émigrés autrichiens et russes. Le récit de la jeunesse (de 1914 à 1919) de sa grand-mère, qui a fui la révolution russe, a été publié en 1990[6]. Le journal de sa mère et des deux sœurs de celle-ci a été publié en 2004[7].
Vera Hoffmann étudie à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève[8], où elle se lance dans une thèse sur « Le phénomène des compagnons de route du communisme en France, de 1928 à 1939 »[9]. Elle interrompt cependant ses études pour se consacrer à l'édition[10].
En 1983, elle épouse Jan Michalski (1953-2002), à l'époque du communisme en Pologne, intellectuel polonais qu'elle a rencontré sur les bancs de l'université de Genève[8].
En , elle signe avec 40 personnalités du monde du spectacle et de la culture[11] un appel contre l'interdiction de la corrida aux mineurs que la députée Aurore Bergé voulait introduire dans une proposition de loi sur le bien-être animal[12]
Édition
Vera Michalski crée, en 1986, les Éditions Noir sur Blanc à Montricher avec son mari Jan Michalski[13]. L'idée était de publier des écrivains de culture slave, et d'offrir ce type de littérature (romans, nouvelles, théâtre, poésie), mais également des essais, des documents, des témoignages, des journaux et mémoires traduisant des moments forts de l'Histoire de pays tels que la Pologne, la Lituanie ou la Russie[14].
Cet attrait slavophile est né lors de la rencontre avec son mari. Jan Michalski, qui était né en Pologne dans une famille ayant dû composer avec la terreur stalinienne et qui a toujours été très sensible à cet univers. Il s'agit d'une rencontre entre deux personnes qui ne viennent pas du même milieu social, mais rapprochées par leur parcours. Le coup d'État en Pologne empêche l'étudiant de retourner dans son pays, son passeport ayant été déposé à l'ambassade en signe de non-allégeance au général Jaruzelski. C'est donc seule que Vera Michalski se rend à Varsovie, en 1982. Amoureuse de la Pologne, elle découvre alors la fragilité des ponts culturels en provenance de ce pays : « à part les éditions L'Âge d'Homme, qui publiaient quelques auteurs polonais, aucune maison d'édition n'avait de démarche organisée pour faire connaître cette littérature. Mon mari et moi avons senti que c'était la chose à faire à ce moment-là[15]. »
Effectivement, après les éditions Gallimard, l'Âge d'Homme, en seconde place, publie 7,6 % des traductions du polonais en France[16]. C'est ainsi qu'elle va suivre son mari dans ses idéaux : diffuser cette littérature bloquée au niveau du rideau de fer. À partir de ce moment-là, il s'agira d'établir « une passerelle entre l'Est et l'Ouest [convaincus] qu'une Europe digne de ce nom est celle où les peuples partagent les richesses de leurs cultures. »
Par la suite, le couple a racheté plusieurs maisons d'édition qui ont ensuite été réunies au sein du Groupe Libella dont la holding se situe à Lausanne[13]. Ce groupe réunit, entre autres, les maisons d'édition : Noir sur Blanc (Suisse), les éditions Phébus, Buchet Chastel, Le Temps Apprivoisé.
Bien que Vera Michalski soit l'héritière d'une grande fortune, elle prétend veiller à différencier ses activités d'édition, qui visent la rentabilité, et ses activités de mécénat.
Elle affirme toutefois pouvoir prendre des risques éditoriaux que des maisons moins solides financièrement ne peuvent pas se permettre et ainsi publier des ouvrages pointus. Toutefois, tous les projets éditoriaux visent la rentabilité, même si pour certains, il s'agit de bouées lancées à long terme[20].
Vera Michalski, à travers ses activités d'éditrice, se veut une passeuse entre les cultures de l'Est et de l'Ouest, ses activités, commencées avec son mari, ont débuté en 1986, avant la chute du mur, alors que les échanges étaient difficiles. Elle parle couramment cinq langues, français, allemand, anglais, espagnol et polonais. Elle déclare en outre maîtriser imparfaitement le russe.
Cette fondation a acquis une ancienne colonie de vacances qui a été transformée en lieu d'accueil pour écrivains, il est possible d'y accueillir plusieurs écrivains en même temps. Le séjour pourra varier, mais il sera au maximum d'un an. Il est prévu d'y adjoindre une salle d'exposition, un auditorium qui pourra accueillir des concerts, des colloques, des lectures ou des projections, ainsi qu'une bibliothèque[23].
La fondation offre des bourses à des écrivains, elle soutient ponctuellement des projets d'édition.
Vera Michalski a aussi créé le prix Jan Michalski de littérature qui a pour but de récompenser une œuvre de la littérature mondiale, tous genres confondus (récits, romans, essais, biographies, livres d'art, etc.), ouvert aux écrivains du monde entier quelle que soit leur langue d'écriture et ainsi contribuer à la reconnaissance internationale de son auteur. Le prix est doté de 50 000 francs suisses[24].
↑Gisèle Sapiro (dir.), « Importer en provenance d'espaces périphériques. L’accueil éditorial des littératures d'Europe de l'Est en France (1970-2000) », Les Contradictions de la globalisation éditoriale, Nouveau Monde, 2009.