Réseaux autonomes d'Hydro-Québec

La centrale de Cap-aux-Meules

Les réseaux autonomes d'Hydro-Québec désignent une vingtaine de petits réseaux électriques de communautés isolées au Québec sous la responsabilité d'Hydro-Québec qui ne sont pas reliées au réseau de transport d'électricité nord-américain. Situés au Nunavik, dans le secteur de Schefferville, sur la basse Côte-Nord à Anticosti, en Haute-Mauricie et aux Îles de la Madeleine, ces réseaux sont généralement alimentés par des génératrices au diesel. Les réseaux et les centrales sont exploités par la société d'État dans le cadre de ses activités de distributeur d'électricité.

Depuis la fermeture de la centrale de Tracy en 2011, les réseaux autonomes d'Hydro-Québec constituent la principale source d'émissions de gaz à effet de serre du réseau électrique québécois, soit environ 240 000 tonnes de équivalent CO2 en 2018. L'électricité distribuée dans les réseaux autonomes est principalement produite avec des moteurs alimentés au carburant diesel, contrairement au réseau principal, qui est décarbonisé à plus de 99 pour cent depuis les années 2010. Les coûts d'exploitation et de carburants sont en conséquence beaucoup plus chers que dans le réseau principal. Alors que le kilowatt-heure d'électricité produit dans le réseau intégré coûte 3 cents, le coût de revient du même kilowatt-heure peut varier de 30 à 50 cents en réseau autonome.

Historique

Hydro-Québec gère des réseaux autonomes depuis la deuxième nationalisation de l'électricité. Lors de la nationalisation, toutes les coopératives d'électricité, sauf celle de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville ont été acquises par la société d'État, qui devient responsable de la distribution d'électricité sur certains territoires, dont les Îles de la Madeleine. Le rôle d'Hydro-Québec dans la distribution d'électricité dans les communautés les plus isolées du territoire québécois allait prendre de l'ampleur en 1981 avec le transfert de responsabilité de la plupart des réseaux électriques exploités par Affaires indiennes et du Nord canadien.

Réseaux

Hydro-Québec exploite une série de petites centrales au diesel afin d'alimenter en électricité les communautés les plus isolées du territoire. En bas à droite sur la photo, la centrale de 1 100 kW à Umiujaq, au Nunavik.
La centrale de l'Île d'Entrée

Depuis 2006, la gestion et l'exploitation des réseaux autonomes est sous la responsabilité de la Direction régionale Est et Nord-du-Québec[1]. En 2009, cette direction dessert environ 16 581 clients répartis dans 36 communautés aux Îles de la Madeleine, sur la basse Côte-Nord, à Anticosti, en Haute-Mauricie, dans la région de Schefferville et au Nunavik. La consommation globale de l'ensemble de ces réseaux s'est chiffrée à 404,1 GWh en 2009, soit environ 0,2 % de la demande totale d'électricité au Québec. La somme des pointes annuelles s'établissait à 86,7 MW[2].

À l'exception des réseaux de Lac-Robertson et de Schefferville, qui sont alimentés par des centrales hydroélectriques, et de celui des Îles de la Madeleine, où une centrale au mazout lourd a été construite en 1991[3], les réseaux autonomes sont alimentés par des génératrices au diesel, généralement des moteurs Caterpillar 3400 et 3500[1] — deux modèles répandus qui équipent également des locomotives[4] et des navires[5]. La puissance totale des 25 centrales des réseaux autonomes à la fin de 2009 était de 164,2 MW[2].

Aux fins de planification, l'exploitant applique un critère de puissance garantie aux centrales en réseau autonome. La puissance garantie de chaque réseau est calculée à l'aide de la formule (n − 1) × 90 %, où n − 1 représente le nombre de groupes installés moins le groupe le plus puissant. Un critère de stabilité correspondant à 90 % de la capacité de (n − 1) est aussi appliqué afin de garantir la stabilité du réseau et de se prémunir contre les variations brusques de la charge. Compte tenu de la capacité importante des six groupes installés à la centrale de Cap-aux-Meules (11,2 MW) et du temps requis pour l'entretien de chaque groupe, le critère de planification à cette centrale est fixé à (n − 2) × 90 %[6].

Énergies renouvelables

Depuis le début des années 2000, Hydro-Québec envisage de réduire sa dépendance aux combustibles fossiles en réseaux autonomes en introduisant des sources d'énergie renouvelable adaptées au contexte et aux ressources disponibles localement. Hydro-Québec a déposé un inventaire du potentiel éolien des communautés du Nunavik en 2004 et engagé des discussions avec plusieurs communautés au fil des ans. La communauté de Wemotaci a été reliée au réseau principal en 2010, les résidents de Schefferville et des communautés environnantes, qui se sont ajoutées aux clients après le départ de l'Iron Ore du Canada, sont alimentées par la centrale de Menihek au Labrador, propriété de Newfoundland and Labrador Hydro.

Dans son plan stratégique 2016-2020, la direction d'Hydro-Québec qu'elle s'engage à convertir les réseaux autonomes «à des sources d’énergie plus propres et moins chères»[7]. Depuis cette annonce, la société d'État a annoncé

  • la signature d'un contrat pour la construction de trois éoliennes aux Iles-de-la-Madeleine
  • l'installation de panneaux solaires et d'une unité de stockage d'énergie de 600 kWh dans la communauté de Quaqtaq,
  • la signature d'une entente d'approvisionnement hydroélectrique pour la communauté d'Inukjuak avec co-entreprise formée du promoteur Innergex et de la Corporation foncière Pituvik, fiduciaire des terres inuites d'Inukjuak[8].

Projets de raccordement

Pour Hydro-Québec, le raccordement pur et simple au réseau principal d'Hydro-Québec constitue une alternative aux projets de micro-réseaux et d'intégration partielle des sources renouvelables dans l'approvisionnement des différents réseaux restants.

Par exemple, une ligne de distribution de 34,5 kV longue de 75 km a été mise en service au premier trimestre de 2022 pour relier les communautés de La Romaine et d'Unamen Shuipu au réseau principal d'Hydro-Québec. La ligne a la particularité d'avoir été construite sans accès à une route permanente, puisque la route 138 n'avait rejoint que la communauté de Kegaska au moment de la construction. Cette limitation, combiné aux conditions marines et aux épisodes de verglas fréquents en saison hivernale, a forcé les concepteurs à construire l'équivalent d'une ligne de transport, isolée à 161 kV, mais opérée à plus basse tension. La construction a également été compliquée par le franchissement des cours d'eau, possible uniquement lors de la période de gel.

En 2022, Hydro-Québec et le gouvernement du Québec sont convenus de prolonger le réseau de distribution pour desservir Lac-Rapide et Kitcisakik, deux communautés algonquines qui vivent sur le territoire de la Réserve faunique La Vérendrye.

Le raccordement des Iles de la Madeleine et du village innu de La Romaine au réseau électrique continental.

Exploitation

Évolution du coût directement lié à l'exploitation des réseaux autonomes 2005-2010[9]
2005 2006 2007 2008 2009 2010 Var. annuelle
Coût (en milliers $) 135 726 135 973 138 265 151 044 169 702 156 060 2,8 %
  Achat de combustibles 33 913 42 885 44 871 58 853 72 969 54 615 10,0 %
  Charges d'exploitation 28 569 31 507 37 171 35 266 36 225 37 020 5,3 %
  Amortissement et intérêts 57 859 47 299 39 140 38 706 39 585 44 122 -5,3 %
  Autres 15 385 14 282 17 083 18 219 20 923 20 303 5,7 %
Revenus (en milliers $) 23 747 24 362 27 739 30 194 30 211 30 136 4,9 %
Pertes d'exploitation (en milliers $) 111 979 111 611 110 526 120 850 139 491 125 924 2,4 %
Coût moyen en ¢/kWh 43,1 43,8 36,4 41,8 45,6 43,0
  Achat du carburant[note 1] 10,8 13,8 11,8 16,3 19,6 15,0 6,9 %
  Charges d'exploitation 9,1 10,1 9,8 9,8 9,7 10,2 2,4 %
  Amortissement et intérêts 18,4 15,2 10,3 10,7 10,6 12,1
  Autres 4,9 4,6 4,5 5,0 5,6 5,6 2,7 %

Liste des centrales

Liste des centrales des réseaux autonomes d'Hydro-Québec.

Nom Mise en service Puissance (MW) Lieu Type Références
Cap-aux-Meules 1991 67,2 47° 22′ 26″ N, 61° 53′ 07″ O Mazout lourd [10]
Île-d'Entrée 1991 1,2 Île d'Entrée Diesel [11]
Akulivik 2015 0,9 Akulivik Diesel [11]
Aupaluk 1986 0,8 Aupaluk Diesel [11]
Blanc-Sablon[note 2] 1961 4,9 Blanc-Sablon Diesel [11]
Clova 0,5 Clova Diesel [11]
Inukjuak 1986 3,0 Inukjuak Diesel [11]
Ivujivik 1986 1,0 Ivujivik Diesel [11]
Kangiqsualujjuaq 1987 2,0 Kangiqsualujjuaq Diesel [11]
Kangiqsujuaq 1979 1,5 Kangiqsujuaq Diesel [11]
Kangirsuk 1984 1,4 Kangirsuk Diesel [11]
Kuujjuaq 2010 6,6 Kuujjuaq Diesel [12]
Kuujjuarapik 1974 3,4 Kuujjuarapik Diesel [11]
La Romaine[13],[note 3] 5,8 La Romaine (village) et La Romaine (réserve indienne) Diesel [11]
La Tabatière[note 2] 1980 6.8 La Tabatière Diesel [11]
Lac-Robertson 1995 21,6 50° 59′ 56″ N, 59° 03′ 42″ O Hydro
Opitciwan 4,9 Opitciwan Diesel [11]
Port-Menier 1984 2,8 Port-Menier Diesel [11]
Puvirnituk 1977 2,9 Puvirnituq Diesel [11]
Quaqtaq 1988 1,1 Quaqtaq Diesel [11]
Salluit 1983 3,0 Salluit Diesel [11]
Schefferville[note 4] 6,8 Schefferville Diesel [11]
St-Augustin[note 2] 0,4 Saint-Augustin (Le Golfe-du-Saint-Laurent) Diesel [11]
Tasiujaq 1990 0,9 Tasiujaq Diesel [11]
Umiujaq 1,1 Umiujaq Diesel [11]
Wemotaci[13],[note 5] 2,2 Wemotaci Diesel [11]

Notes et références

Notes
  1. Coût moyen pour l'ensemble des réseaux. En excluant les réseaux alimentés par des centrales hydroélectriques, le coût augmente (il serait de 21,4 ¢/kWh en 2010).
  2. a b et c Génératrices d'urgence.
  3. Cette communauté sera reliée au réseau principal au cours des prochaines années. La centrale sera maintenue en réserve froide.
  4. La communauté et les villages naskapis de la région sont alimentés à partir de la centrale hydroélectrique de Mehinek au Labrador. Les génératrices sont disponibles en cas d'urgence.
  5. Cette communauté a été reliée au réseau électrique le 17 septembre 2008. La centrale diesel a été démantelée.
Références
  1. a et b (en) « Management of Hydro-Quebec's Off Grid Network », sur Canadian Off-Grid Utilities Association (consulté le )
  2. a et b Hydro-Québec Distribution 2010, p. 7-8
  3. Radio-Canada, « Îles-de-la-Madeleine : prolongement de la durée de vie de la centrale thermique », Radio-Canada Nouvelles,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Caterpillar Inc., « The engines of choice », (consulté le )
  5. Caterpillar Marine Power Systems, « Generator sets », (consulté le )
  6. Hydro-Québec Distribution 2010, p. 19-20
  7. Hydro-Québec, Plan stratégique 2016-2020 : Voir grand avec notre énergie propre, Montréal, Hydro-Québec, (ISBN 978-2-550-74823-6), p. 9
  8. Innergex énergie renouvelable, « Construction d’une centrale hydroélectrique pour la transition énergétique du réseau autonome d’Inukjuak », sur Innergex, (consulté le )
  9. Hydro-Québec Distribution 2011, p. 11
  10. Hydro-Québec, « Centrale des Îles-de-la-Madeleine », sur Hydro-Québec, (consulté le )
  11. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v et w Hydro-Québec Distribution, « Plan d'approvisionnement 2008-2017 des réseaux autonomes - Annexes (Dossier R-3648-2007, HQD-2, Document 2) », sur Régie de l'énergie du Québec, Montreal, (consulté le )
  12. (en) Jane George, « Kuujjuaq’s new diesel power plant officially opens Dec. 14 », Nunatsiaq Online,‎ (lire en ligne)
  13. a et b Hydro-Québec Distribution, « État d'avancement du plan d'approvisionnement 2008-2019 », Montreal, Régie de l'énergie du Québec, (consulté le ), p. 37

Voir aussi


Bibliographie

  • Hydro-Québec Distribution, Plan d'approvisionnement 2011-2020 des réseaux autonomes : Demande R3748-2010, HQD-2, document 1, , 43 p., PDF (lire en ligne)
  • Hydro-Québec Distribution, Réseaux autonomes, portrait d'ensemble et perspectives d'avenir : Demande R3776-2011, HQD-13, document 1, , 35 p. (lire en ligne)

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