Mikio Naruse est le dernier enfant d'une famille modeste. Son père, artisan brodeur, meurt en 1920[2]. Il découvre dès son plus jeune âge la littérature japonaise. Il entre dans les studios de la Shōchiku à 15 ans comme accessoiriste, et y est six ans plus tard assistant réalisateur, notamment pour Yoshinobu Ikeda et Heinosuke Gosho[3]. À partir de 1930, il devient réalisateur en tournant Un couple de Chanbara (Chanbara fūfu, 1930), une comédieburlesque aujourd'hui perdue. Même si les années suivantes, il mélange le rire et les larmes dans Bon courage, larbin ! (Koshiben ganbare, 1931), Après notre séparation (Kimi to wakarete, 1933), Rêves de chaque nuit (Yogoto no yume, 1933), le meilleur film de cette période, ou Toute la famille travaille (Hataraku ikka, 1939), son travail reste peu valorisé au sein de la Shōchiku, compagnie dirigée, à ce moment-là, par Shirō Kido. Celui-ci défend une vision du cinéma qu'il décrit ainsi : « Il existe deux façons de voir l'humanité (...) avec joie ou avec tristesse. Cette dernière n'est pas recommandée : nous, à la Shochiku, préférons considérer l'existence d'une manière chaleureuse et optimiste. (...) Notre ligne est que le fondement des films doit être le salut »[4]. Une telle optique se situe aux antipodes du cinéma de Naruse, et Shirō Kido ne cache pas, alors, son antipathie à l'égard des films du réalisateur. Remarquant des affinités entre Yasujirō Ozu et Naruse, il dira plus tard : « La Shochiku n'avait pas besoin de deux Ozu. »
En 1934, Naruse quitte donc la Shōchiku pour les studios de la P.C.L. (Photo Chemical Laboratories, en françaisLaboratoire photochimique de Tokyo) qui deviendront la Tōhō en 1937[3]. Il y sera plus à son aise, et dira plus tard : « À la Shōchiku, on m'autorisait à mettre en scène ; chez P.C.L., on me demandait de mettre en scène. Une différence significative. » (M. Naruse, Kinema Junpō, déc. 1960, cité par Leonard Schrader). Son succès commercial et critique culmine, d'ailleurs, dans son premier grand film Ma femme, sois comme une rose (Tsuma yo bara no yo ni, 1935), qui gagne le prix Kinema Junpō et est le premier film japonais parlant à être distribué aux États-Unis. C'est à cette époque qu'il épouse l'actrice Sachiko Chiba, avec laquelle il tourne régulièrement. Ils divorcent trois ans après leur union[5].
Après la guerre, il décrit avec un certain pessimisme des histoires de familles déchirées, comme dans La Mère (Okaasan, 1952), L'Éclair (Inazuma, 1954), ou dans son chef-d'œuvre Nuages flottants (Ukigumo, 1955). Passionné de littérature, il adapte à l'écran de grandes œuvres littéraires de Yasunari Kawabata avec La Danseuse (Maihime, 1951) et Le Grondement de la montagne (Yama no oto, 1954), mais surtout de Fumiko Hayashi dont il adapte six œuvres, notamment le roman Le Repas (Meshi, 1951) et son autobiographie Chronique de mon vagabondage (Hōrōki, 1962).
Dans ses mélodrames d'après-guerre transparaît sa compassion pour ses héroïnes (souvent jouées par son actrice fétiche Hideko Takamine ou par Setsuko Hara), face à des hommes pleutres (incarnés par Ken Uehara ou Masayuki Mori).
Dans les années 1960, son thème de prédilection reste le portrait de femmes, comme dans l'un de ses chefs-d'oeuvre, Quand une femme monte l'escalier (Onna ga kaidan wo agaru toki, 1960), l'histoire d'une hôtesse de bar, ou dans Nuages épars (Midaregumo, 1967), son dernier film.
Style
Son cinéma est marqué par une économie d'effet, et néanmoins une grande efficacité dramatique. Donnant peu d'instructions à ses comédiens, faisant très peu de commentaires, laissant tourner la caméra, l'essentiel de son travail se faisait au montage, où, par des inserts ou des coupes, il corrigeait et arrangeait les séquences à sa convenance. Il était capable d'estimer la longueur d'un plan grâce à la longueur de la bobine et créait ainsi le rythme d'une scène.
Postérité
Longtemps ignoré par la critique occidentale, de larges rétrospectives depuis les années 1980 (notamment aux festivals de Locarno, Hong-Kong et San Sebastian) ont permis de redécouvrir son œuvre, et il est finalement reconnu comme l'un des plus grands réalisateurs japonais du « second âge d'or » du cinéma japonais dans les années 1950, aux côtés de Kurosawa, Ozu, Mizoguchi et Kinoshita.
Il est également une référence majeure pour des réalisateurs tels que Hou Hsiao-hsien.
↑(en) Stuart Galbraith, Japanese Filmography : A Complete Reference to 209 Filmmakers and the Over 1250 Films Released in the United States, 1900 Through 1994, Mcfarland, , 509 p. (ISBN978-0-7864-0032-4), p. 480.
↑(en) Stuart Galbraith, Japanese Filmography : A Complete Reference to 209 Filmmakers and the Over 1250 Films Released in the United States, 1900 Through 1994, Mcfarland, , 509 p. (ISBN978-0-7864-0032-4), p. 475.
Audie Bock, Mikio Naruse : un maître du cinéma japonais - introduction à l'œuvre et filmographie commentée, préface de Max Tessier, traduit de l'américain par Roland Cosandey et André Kaenel, Locarno, Éditions du Festival international du film de Locarno, 1983 (BNF39777847)