Si l'on se réfère au Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme ancien[1], l'histoire de Marie l'Égyptienne se serait transmise oralement parmi les moines de Palestine aux environs du VIe siècle. Il s'agissait de la vie d'une femme, appelée Marie, qui vécut de nombreuses années en Palestine, au désert, pour y expier les péchés de sa vie passée. Des anachorètes la trouvèrent un jour, morte, et l'ensevelirent.
Il y eut plusieurs rédactions ultérieures de ce récit. L'une fait partie de la Vie de Cyriaque l'Anachorète. L'autre est insérée dans le Pré spirituel de Jean Moschus.
Sophrone de Jérusalem en fit aussi un récit[2], dans lequel la sainte devient Égyptienne. Ce texte eut beaucoup de succès. Il y eut de nombreuses traductions et adaptations dans diverses langues :
À partir de là, le culte ayant suivi la légende, de nombreuses églises furent dédiées à cette sainte.
Hagiographie
Conversion
Marie, née en Égypte dans les premiers siècles de la chrétienté, vécut à Alexandrie où elle arriva alors qu'elle avait 12 ans. Elle vivait dans la luxure, se prostituant dans tous les lieux de débauche de la ville.
Un jour, alors qu'elle allait avoir 29 ans, elle rencontra des pèlerins qui partaient pour Jérusalem sur un bateau. Elle décida de les suivre en payant son passage de ses charmes. Ils arrivèrent tous devant la basilique de la Résurrection, le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix[3]. Tous y entrèrent pour faire leurs dévotions. Mais Marie ne put en franchir le seuil, une force la repoussait chaque fois qu'elle voulait passer. Désespérée, elle se tourna vers l'icône de la Vierge Marie et la supplia d'intercéder en sa faveur.
« Moi, je suis dans la fange du péché et vous êtes la plus pure des vierges. Prenez pitié d'une malheureuse et faites pour mon salut, que je puisse adorer la croix de votre divin fils. » Aussitôt, mon cœur fut apaisé et, aucune force ne me retenant plus, j'entrai dans le sanctuaire comme portée sur les flots. »
Elle put ainsi enfin entrer dans la basilique, tandis qu'une voix lui disait : « Si tu passes le Jourdain, tu y trouveras le repos ». Elle communia saintement et partit au-delà du Jourdain, dans le désert. Elle vécut là 47 ans, sans rencontrer âme qui vive, n'ayant pour seule ressource que quelques pains rapportés de Jérusalem, aux prises à de pénibles et intenses tentations.
L'intervention de saint Zosime
Un jour, vint à passer l'anachorète Zosime de Palestine[4] qui, après avoir entendu son récit, lui donna la Communion. Marie lui demanda de revenir l'année suivante, au même endroit, afin de lui apporter de nouveau ce sacrement. Zosime revint et découvrit la sainte couchée sur le sol, morte, la tête tournée vers Jérusalem. Près d'elle se trouvait un message lui demandant de l'ensevelir à la place où elle était. Mais le sol du désert était trop sec et trop dur, et Zosime ne put creuser la tombe. Un lion s'approcha, le saint lui demanda de l'aide. Le lion creusa la fosse avec ses pattes, et Zosime put enterrer Marie. Ensuite le lion s'éloigna, et Zosime rentra dans son cloître où il vécut encore de nombreuses années.
Elles sont nombreuses : on la représente le visage émacié, habillée de haillons, ou nue recouverte d'une longue et épaisse chevelure, elle a tantôt la peau noire, tantôt la peau claire. Elle est parfois accompagnée d'anges ou de démons.
De nombreuses statues la représentent, ainsi que des icônes et des tableaux :
« Illuminée divinement par la grâce de la Croix, tu devins un brillant flambeau de conversion en renonçant aux ténèbres des passions. C’est pourquoi saint Zosime t’a vue, vénérable Mère Marie, dans le désert comme un ange de Dieu. Puisqu’avec lui tu habites les cieux, intercède auprès du Christ en faveur de nous tous ! »
« Fuyant les ténèbres du péché et faisant briller sur ton cœur la lumière du repentir, tu t’avanças vers le Christ, choisissant, pour intercéder auprès de lui, sa sainte Mère immaculée. C’est pourquoi tu as trouvé la rémission de tes fautes, vénérable Marie, et sans cesse avec les anges tu exultes de joie. Et maintenant et toujours et dans les siècles des siècles : Amen ! »
Certains auteurs se sont demandé si Marie-Madeleine et Marie l'Égyptienne n'étaient pas une seule et même personne, et si La vie érémitique de Marie Madeleine (récit du IXe siècle) n'était pas directement inspirée de celle de la pénitente du désert[9], eu égard aux nombreux points communs que l'on retrouve dans leur hagiographie :
elles portent le même prénom ;
elles sont toutes les deux pécheresses repenties ;
toutes deux ont reçu la communion des mains d'un ermite ;
leur représentation iconographique est très semblable : nudité, longs cheveux en guise de vêtement.
Mais d'autres détails comme les trois pains et le visage émacié sont propres à Marie l'Égyptienne souvent représentée comme une vieille femme (tableaux de Ribera).
Dans la culture populaire
Dans le Faust de Goethe, Marie l’Égyptienne est l'un des trois saints qui demandent à la Vierge le pardon de Faust. Les paroles ont été reprises par Mahler dans le final de sa 8e Symphonie.
Dans la pièce de Ben JonsonVolpone (1606) un des personnages utilise l'expression "Marry Gip". Des commentateurs ont avancé qu'il fallait comprendre "Mary of Egypt."
Le Chef-d'œuvre inconnu (1831), une nouvelle de Balzac, contient une longue description d'un portrait de Marie l’Égyptienne « se disposant à payer le passage du bateau ».
Jacques Lacarrière publie en 1983 le roman "Marie d'Égypte", fondé sur une connaissance profonde de l'Antiquité grecque.
Dans le livre de poésie de John Berryman, vainqueur de Prix Pulitzer , The Dream Songs(en), le poème 47, sous-titré « April Fool's Day, or, St. Mary of Egypt », raconte la traversée du Jourdain par Marie l’Égyptienne.
Notes et références
↑Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, Angelo du Bernardino et François Vial, Paris, Cerf, 1990.
↑Dans le rite byzantin, ce nom désigne tout chant liturgique poétique, de structure simple, à cadence rythmée ; plus particulièrement strophe poétique (...) qui est répétée entre chaque verset d'une série de versets psalmiques.
↑Un Kodakion (du grec Kontos = court, abrégé), dans le rite byzantin, tropaire qui contient en abrégé le thème de la fête du jour. Le mot peut aussi s'employer pour désigner un genre d'homélie en vers.
↑Élisabeth Pinto-Mathieu, Marie-Madeleine dans la littérature du moyen-âge, Beauchesne, Paris, 1997, p. 90 et suiv.
↑Joinville, Vie de Saint Louis, Jean de Bonnot, Paris, 1997, CXXXIV, 663, p. 365.
Source
Rosa Giorgi, Le Petit Livre des saints, Larousse, 2006, p. 202 (ISBN2-03-582665-9).
Annexes
Bibliographie
La vie de sainte Marie l'Égyptienne - Rutebeuf - Traduction de M. Glomeau - 1925