Mao : l'histoire inconnue est une biographie publiée en 2005 du chef de file communiste chinois Mao Zedong (1893-1976), écrite par Jung Chang, écrivaine d’origine chinoise installée au Royaume-Uni, et l'historien Jon Halliday. Mao y est dépeint comme étant responsable de plus de morts qu'Adolf Hitler ou Joseph Staline[1].
Dans le cadre de leurs travaux de recherche pour le livre au cours d'une décennie, les auteurs ont interrogé des centaines de personnes qui étaient proches de Mao Zedong à un certain moment de sa vie, utilisé des mémoires récemment publiés de personnalités politiques chinoises, et exploré les archives nouvellement ouvertes en Chine et en Russie. Chang elle-même a vécu la tourmente de la révolution culturelle, qu'elle a décrit dans son livre précédent, Les Cygnes sauvages.
Si le livre devint rapidement un succès de librairie en Europe et en Amérique du Nord, les comptes rendus émanant de sinologues professionnels furent, dans l'ensemble, plus critiques.
Synopsis
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La Longue Marche
Production d'opium
Campagnes contre des adversaires de Mao
Guerre sino-japonaise
« Taupes » communistes
Guerre de Corée
Nombre de morts
Accueil critique
Le professeur sino-australien Mobo Gao a mis en doute le chiffre, avancé par Jung et Halliday, de 38 millions de personnes mortes de faim pendant le Grand Bond en avant. Dans son compte rendu du livre The Battle for China's Past: Mao and the Cultural Revolution, Jason Lee résume ainsi les différents arguments présentés par Mobo Gao :
il n’y a jamais eu de recensement assez fiable pour permettre d’obtenir des chiffres exacts ;
il est difficile de savoir si certaines victimes pendant le Grand Bond en avant sont mortes de faim ou prématurément des suites des épreuves subies ;
certaines estimations tentant d’établir le chiffre de la population « disparue » sur la base des taux normaux de mortalité et de natalité, ont très probablement incorporé des millions de gens qui ne sont même pas nés ; en employant des méthodes douteuses, on produit des chiffres « irréalistes et gonflés » ;
les catastrophes naturelles (inondations – les pires du siècle – et sécheresses) qui ont frappé la Chine n’ont pas été prises en considération comme facteur ayant causé la famine.
Si le chiffre de Jung et Halliday était exact, un Chinois sur 20 serait mort de faim pendant cette période, une mortalité telle que les autorités n’auraient pas pu la dissimuler[2].
La critique du livre de Chang et Halliday a donné lieu en 2010 à la publication d'un ouvrage collectif rassemblant, sous le titre Was Mao Really a Monster? The Academic Response to Chang and Halliday's Mao: The Unknown Story, 14 critiques publiées par des universitaires dans diverses revues[3]. Selon le compte rendu de Was Mao Really a Monster?, publié dans la revue Pacific Affairs en 2011 sous la plume de Charles W. Hayford, le directeur de l'ouvrage collectif, dans son introduction, relate tout d'abord la genèse du livre de Chang et Halliday et l'accueil favorable qu'il reçut au départ. Il note ensuite que la plupart des commentaires émanant de professionnels ont été négatifs et mettent en doute l'affirmation que Mao est responsable de la mort de plus de 70 millions de morts en temps de paix, l'origine de ce chiffre étant vague et les preuves justificatives peu solides[4].
Dans Jade and Plastic, paru initialement dans la revue London Review of Books, Andrew J. Nathan déclare que nombre des « histoires inconnues » sur Mao sont suspectes, que certaines proviennent de « sources qu'on ne peut vérifier », que d'autres « relèvent de la spéculation pure et simple », d'autres encore « reposent sur des présomptions » et que certaines enfin sont « fausses ». Pour Nathan, Chang et Halliday sont comme des pies, tout élément un peu clinquant est bon à prendre, quelle qu'en soit l'origine et la fiabilité, le jade comme le plastique se combinent pour former un portrait possible mais non plausible de Mao[5].
Dans Mao and The Da Vinci Code: Conspiracy, Narrative and History, paru tout d'abord dans la revue Pacific Review, David S. G. Goodman(en) explique que le livre Mao: The Unknown Story est de l'histoire pour le grand public, qu'il appartient à un genre qui ne suit pas les règles normales de l'engagement universitaire, qu'il ne possède pas d'introduction ni de conclusion où discuter de point de vue, de théorie et de méthodologie. La narration prime l'argumentation et exclut le désaccord ou les explications autres, la supposition remplace la preuve, les références isolées se substituent au dialogue soutenu avec les chercheurs[6].
Le professeur Thomas Bernstein de l'université Columbia à New York qualifie le livre de « catastrophe insigne pour le domaine des études sur la Chine contemporaine » car « la recherche y est mise au service de l'assassinat de la réputation de Mao, aboutissant à un extraordinaire foisonnement de citations hors de contexte, à la déformation des faits et à la mise sous le boisseau d'une bonne part de ce qui fait de Mao un dirigeant complexe, tiraillé de contradictions et aux multiples facettes »[7].
Le sinologue Philippe Paquet considère que le portrait de Mao Zedong comme monstre sanguinaire attira sur ses auteurs « les foudres non seulement des nostalgiques du maoïsme, mais aussi d’une partie de l’establishment universitaire qu’indigna un procès instruit exclusivement à charge »[8].
↑(en) Jason Lee, compte rendu de The Battle for China's Past: Mao and the Cultural Revolution, CR Studies, sur le site wengewang.org, 8 septembre 2008 : « For example, Gao convincingly challenges the Jung/Halliday claim that 38 million people starved to death during the Great Leap Forward, noting that (1) there were never any reliable demographic censuses to make possible an accurate figure, (2) it is hard to know whether some casualties during the great Leap Forward were deaths by hunger or premature deaths due to hardship, and (3) some estimates try to assess the 'missing' population on the basis of normal death and birth rates and therefore most likely would have included millions who might not have even been born. The result of using dubious methods produces "unrealistic and inflated" figures. (p.85) A fourth problem is that natural disasters such as floods and droughts were not considered as a factor in causing the famine. Some parts of China during this period were hit with "the worst floods in a century". For Jung and Halliday's 38 million death figure to be accurate, it would have meant that one in every twenty Chinese had died during this period - which clearly couldn't have been the case, and would have been "something the authorities could not have hidden away no matter how hard they tried." (p.86). »
↑(en) Jing Li, Was Mao Really a Monster? The Academic Response to Chang and Halliday's Mao The Unknown Story (review), in China Review International, vol. 17, No 4, 2010, pp. 408-412 : « As the subtitle of the volume indicates, the essays in the collection, penned by scholars known for their knowledge on China and Mao, constitute an “academic” response to Mao: The Unknown Story (henceforth The Unknown Story). The editors put forward this book as an “antidote” to Chang and Halliday’s popularly acclaimed book, one that, in a way, serves as a reality check (p. 3). Of the fourteen reviews in the collection, one is clearly laudatory, a couple or so are mildly positive on some points while unfavorable on some others, and the remaining essays turn out to be overwhelmingly critical of The Unknown Story. »
↑(en) Charles W. Hayford, « review of Was Mao Really a Monster? The Academic Response to Chang and Halliday's Mao: The Unknown Story », Pacific Affairs, vol. 84, no 2, , p. 32-33 (lire en ligne) : « The editors’ introduction sets out the book’s history and initial positive reception, and then notes that most professional commentary has been “disapproving”. They challenge the assertion in the book’s opening sentence that Mao was “responsible for well over 70 million deaths in peacetime,” saying that the number’s origin is vague and substantiation shaky ».
↑Hayford 2011, p. 32-33 : « Andrew Nathan’s “Jade and Plastic” (London Review of Books) [...] concedes that obstructions to research in China make documentation difficult but that, in the end, many of Mao’s “unknown stories” are suspect, some come from “sources that cannot be checked,” others are “openly speculative or are based on circumstantial evidence,” and some are “untrue.” Chang and Halliday are “magpies”: every “bright piece of evidence goes in, no matter where it comes from or how reliable it is.” “Jade and plastic” are arranged in a mosaic to “portray a possible but not a plausible Mao”(28). »
↑Hayford 2011, p. 32-33 : « David Goodman’s full length article “Mao and The Da Vinci Code: Conspiracy, Narrative and History” (Pacific Review) is a highlight. Goodman explains that Mao, like Dan Brown’s thriller, is popular history, a genre which does not follow the “normal academic rules of engagement.” Neither book has an introduction or conclusion to discuss point of view, theory or methodology. Both simply assume that history is “the past waiting to be discovered rather than murky ambiguities to be interpreted, synthesized, or debated” (88). In both works, narrative replaces argument and excludes disagreement or alternative explanations; conjecture replaces evidence; and isolated references (“jade and plastic”?) replace sustained dialogue with the scholarly field. »
↑(en) Hamish McDonald, A swan's little book of ire, The Sydney Morning Herald, 2005-10-08 :« a major disaster for the contemporary China field... [because] the scholarship is put at the service of thoroughly destroying Mao's reputation. The result is an equally stupendous number of quotations out of context, distortion of facts and omission of much of what makes Mao a complex, contradictory, and multi-sided leader ».