Elle rejeta par la suite son nom de scène pour ne plus utiliser que son nom réel en public. Elle devient une farouche militante anti-pornographie. C'est ainsi que, tout en continuant à utiliser son nom de scène, plus connu, dans un but commercial, elle fait commencer l’une de ses autobiographies, Ordeal, par cette déclaration qu'elle a dû ensuite répéter fréquemment : « Mon nom n’est pas Linda Lovelace. ». Son nom d'emprunt fait référence à la mathématicienne Ada Lovelace[2],[3].
Biographie
Débuts
L’enfance de Linda Boreman, pour ne pas dire sa vie tout entière, fut assez malheureuse. Née d’un père agent de police et d'une mère catholique puritaine, elle grandit dans la ville de Yonkers, dans le comté de Westchester, banlieue nord de New York, où sa famille s’était installée[4].
Elle rencontre, à l'âge de dix-neuf ans, son futur mari, Chuck Traynor, dans un bar dont il était le gérant à Fort Myers sur la côte de la Floride. Cet ancien marine peu scrupuleux, qui avait appris le métier en Extrême-Orient, se livrait alors occasionnellement au proxénétisme avec des jeunes filles rencontrées dans son bar. Sous sa férule, Boreman devient prostituée et pose parfois pour des photographies érotiques. Traynor l'épouse et l’emmène à New York pour la présenter à la célèbre Xaviera Hollander dans l’espoir qu’elle intègre son agence de call-girls. Mais cela échoue et Traynor, dépité, se tourne vers le cinéma pornographique alors en plein essor.[réf. nécessaire]
Gorge profonde
En 1972, Boreman entre dans l'histoire des États-Unis grâce au film de Gérard Damiano, Gorge profonde, dont la technique de fellation, inspirée de celle des avaleurs de sabres, la hisse jusqu'aux sommets. Son cachet de 1 250 dollars fut confisqué par Traynor. Deep Throat sera un succès commercial mondial bien que les recettes qu'il a générées — jusqu'à 600 millions de dollars dans le monde selon certains sources[5] — aient très probablement été largement surestimées[6].
Polémiques sur le tournage
Huit ans plus tard, dans son autobiographie Ordeal (Supplice), publiée en 1980[7], Boreman dénonce les maltraitances, les viols et les tortures que lui a fait subir Chuck Traynor. « Quand vous voyez le film Deep Throat, vous me voyez en plein viol » raconte-t-elle[8],[9].
Boreman affirme que son mari lui aurait fait jouer certaines scènes du film sous la menace d'une arme à feu et aurait usé de violences physiques et psychologiques pour la contraindre. Boreman témoigne ainsi avoir été battue et violée si brutalement et si souvent qu'elle souffrait d'atteinte rectale et de lésions permanentes des vaisseaux sanguins dans les jambes[10]. De nombreuses ecchymoses sur ses jambes sont d'ailleurs bien visibles dans le film. Par ailleurs, elle a rapporté ses années d'esclavage sexuel en passant un test de détection de mensonge administré par le polygraphiste en chef du bureau de New York[11].
Si certaines de ses affirmations ont été contestées par Traynor, ce dernier n'en a pas moins avoué dans un article paru dans Vanity Fair consacré à sa nouvelle épouse Marilyn Chambers qu'il trouvait normal de gifler sa femme si celle-ci avait un propos qui lui déplaisait. Néanmoins, dans le documentaire Inside Deep Throat, consacré au succès surprenant de Gorge profonde, le réalisateur Gerard Damiano et l'acteur Harry Reems, interviewés, affirment que Linda Boreman n'a pas été forcée à participer au film et qu'ils n'ont jamais vu d'armes à feu sur les lieux du tournage. Cependant, dans les commentaires du même documentaire, un membre de l'équipe de tournage affirme que sa chambre d'hôtel était voisine de celle de Traynor et Boreman et qu'il avait entendu Chuck frapper sa femme une nuit.[réf. nécessaire]
Militantisme anti-pornographie
Avec la publication d'Ordeal, en 1980, Linda Boreman rejoint les opposants à la pornographie, qui dénoncent les effets néfastes du porno. Lors d'une conférence de presse à l'occasion de la publication de son livre, elle dénonce pour la première fois haut et fort les abus sexuels et physiques dont elle a été victime. Elle est soutenue par Andrea Dworkin, Catharine MacKinnon, Gloria Steinem ainsi que des membres de Women Against Pornography(en).
Devenue une figure importante du mouvement féministe, elle est montrée du doigt par le scénariste et réalisateur porno Hart Williams, qui invente l'expression « Linda Syndrome » pour désigner les actrices porno repenties qui renient leur passé en accusant l'industrie pornographique de les avoir exploitées. Ainsi, Ordeal en dénonçant le mythe du masochisme féminin qui veut que toutes les femmes prennent plaisir à la domination sexuelle et à la souffrance s'attaque directement à la pornographie qui est un gros marché bâti sur ce mythe[12].
Un « après » difficile
Après Gorge profonde, on voit Linda Boreman dans différents films érotiques qui s'avèrent des échecs financiers de 1973 à 1974. Elle pose aussi dans des magazines érotiques tels que Playboy, Bachelor ou Esquire.
En 1976, elle est choisie pour jouer dans le film érotique Laure, mais elle refuse de se prêter à de nouvelles scènes de nu : elle est alors remplacée par Annie Belle[13].
Elle divorce de Chuck Traynor en 1973 et se remarie l’année suivante avec un réparateur de téléphones, Larry Marchiano, avec lequel elle a deux enfants : Dominic en 1977 et Lindsay en 1980. Elle est secrétaire le jour et femme de ménage la nuit afin de gagner sa vie.
Elle meurt dans un accident de voiture en 2002, à l'âge de cinquante-trois ans[14]
Filmographie sélective
Linda Lovelace n’a en fait tourné que dans huit « loops » entre 1969 et 1970, et pour le film Gorge profonde. Tous les autres sont soit des montages de rushes, soit réalisés avec des scènes inédites de Gorge Profonde, soit non pornographiques.
1989 : Gorge Profonde 3 de Jérôme Bronson (archives insérées)
Publications
Inside Linda Lovelace (1974), pro-porno
Avec Carl Wallin, The Intimate Diary of Linda Lovelace (1974), pro-porno
Ordeal (Épreuve), autobiographie (1980)
Out of Bondage (1986), anti-porno
Notes et références
↑Sidonie Sigrist, « Qui était vraiment “Gorge profonde” ? : Retour sur la vie de Linda Lovelace, la première icône porno des années 1970 », Madame Figaro, (lire en ligne).
↑Linda Lovelace, Ordeal, New York, Citadel Press, 1980.
↑Témoignage de Linda Boreman cité dans MacKinnon, Catharine A., & Dworkin, Andrea, In Harm’s Way: The Pornography Civil Rights Hearings, Boston: Harvard University Press, 1987.
↑Gloria Steinem (trad. de l'anglais), op. cit., p. 282.
↑Gloria Steinem (trad. de l'anglais), op. cit., p. 283.
↑Statement by producer Ovidio Assonitis in the featurette Emmanuelle Exposed on the 2007 DVD release of Laure (1976), Universal Product Code 891635001230.