Réalisé pour le marchand lyonnais Bernardin Reynon en 1650, le tableau a appartenu au duc de Richelieu, grand collectionneur de tableaux de Poussin, puis est entré dans la collection de Louis XIV en 1665[3].
Les dimensions du tableau sont de 1,19 × 1,76 m. Conservé au musée du Louvre avec les numéros d'inventaire INV 7281 et MR 2320, il est exposé dans la salle 826[3].
Sujet du tableau
Le titre traditionnel du tableau se réfère à l'épisode de la guérison des aveugles de Jéricho, décrit dans l'évangile selon Matthieu, chapitre XX[4] : alors que Jésus sort de la ville de Jéricho, suivi d'une grande foule, deux aveugles l'interpellent et lui demande de les guérir ; Jésus touche leurs yeux et ils recouvrent immédiatement la vue. Dans l'évangile selon Marc, chapitre X[5], un seul aveugle est mentionné, nommé Bartimée.
L'évangile selon Matthieu décrit toutefois, au chapitre IX, un épisode similaire survenu dans la ville de Capharnaüm[6] : alors que Jésus vient de ressusciter la fille de Jaïre, il est suivi par deux aveugles jusqu'à sa maison ; les aveugles s'approchent de Jésus, celui-ci touche leurs yeux et les deux aveugles sont guéris.
Le titre du tableau au musée du Louvre fait référence au premier épisode[3]. Il en était de même, peu après la mort de Poussin, de Bellori et de Félibien dans leurs biographies du peintre[7], ainsi que du peintre Sébastien Bourdon dans une conférence donnée le [8]. Toutefois, un autre intervenant, lors de la même conférence, considère que les détails du tableau font plutôt penser à la guérison réalisée à Capharnaüm, thèse reprise à l'époque moderne par Elizabeth Cropper(en)[9].
Analyse et postérité du tableau
Dès 1667, soit deux ans après la mort de Poussin, le peintre Sébastien Bourdon consacre à ce tableau une conférence devant l'Académie royale de peinture et de sculpture. Il analyse en détail les jeux de lumière et d'ombre, considérant que la scène est représentée le matin. Il rapproche la figure des deux aveugles de celles du Gladiateur blessé (aveugle de gauche) et de l'Apollon antique (aveugle de droite), la femme qui se retourne ressemblant pour sa part à la Vénus de Médicis[8].
En 1684, Félibien voit dans ce tableau de Poussin « un des plus beaux qui soient sortis de sa main, tant pour la belle disposition du sujet, et la force du dessin, que pour la couleur et les belles expressions des figures »[10].
Pour le groupe de bâtiment en arrière-plan, Poussin s'est inspiré d'églises chrétiennes primitives de Rome pour le basilique à large portique, le campanile sur la gauche ou le palais sur la droite et derrière. Le bâtiment à portiques superposés, au second plan tout à gauche, est repris de projets de Palladio[12].
↑Cropper 2016, p. 613 cite le projet de la villa Garzadore, publié par Palladio dans I Quattro libri dell'architettura (Venise, 1570), livre II, p. 77 (consulter en ligne). D'autres projets publiés dans le même ouvrage reprennent la même ordonnance de façade, par exemple le projet pour une villa d'Annibale Serego ((en) « Villa Sarego detta "La Miga" », sur palladiomuseum.org (consulté le ) ou lire sur Wikisource, p. 128-129).
Voir aussi
Bibliographie
Giovanni Pietro Bellori, « Vita di Nicolò Pussino », dans Vite di pittori, scultori, ed architetti moderni, , traduction en français dans Giovanni Pietro Bellori (trad. Georges Rémond), Vie de Nicolas Poussin d'Andeli, Paris, Bibliothèque de l'Occident, (BNF31790192)) ;
André Félibien, « Huitième entretien », dans Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, t. 4, Paris, A. Trévoux, (BNF30425290, lire en ligne) ;
Elizabeth Cropper, « Toucher le regard. Le Christ guérissant les aveugles et le discours de la peinture », dans Nicolas Poussin : Actes du colloque tenu au Louvre du 19 au 21 octobre 1994, t. 2, La Documentation française, , p. 603-626