Le corps est le tombeau de l'âme

« Le corps est le tombeau de l'âme » est une citation issue de la philosophie platonicienne. Elle est soutenue par Socrate dans le Gorgias, et prononcée avant cela dans le Cratyle. Il s'agit d'un jeu de mots basé sur une prosonomasie.

Histoire

Origine

L'origine de l'expression est débattue. Pour l'historien de la philosophie Pierre Courcelle, l'image du corps comme tombeau serait d'origine pythagoricienne et non orphique[1]. Platon rapporte en effet dans ses écrits que le poète Philolaos, de l'école pythagoricienne, serait à l'origine de cette expression. Il existe pourtant d'anciennes traces orphiques du terme[2]. L'expression est reprise par les disciples pythagoriciens, que Platon a rencontrés[3].

Utilisation platonicienne

Le personnage de Socrate, tel qu'écrit par Platon, soutient un dualisme entre le monde sensible et le monde intelligible[4]. Cela lui permet de construire la théorie des Idées. Dans son discours sur la nature de l'âme, Socrate avance qu'elle est constituée d'une partie intelligible, le noûs (l'intellect), et qu'elle est corrompue par le contact avec le monde sensible[5].

En tombant ainsi dans le corps, siège du monde sensible, l'âme tombe dans un tombeau qui obscurcit sa vision. Le corps (sôma) est donc le tombeau (sêma) de l'âme[6]. La vie terrestre est par conséquent la véritable mort[7]. Pierre Courcelle fait cependant remarquer que le terme de sêma est équivoque, car il désigne également la marque, le signe, ou le gardien. Le corps est donc la geôle où l'âme est gardée[8].

Avec cette phrase, Platon s'oppose résolument à la conception qui prédominait chez Homère, selon laquelle le corps et l'âme ne faisaient qu'un[7].

Postérité

Platon popularise l'expression et la pensée qui lui est associée. Plotin la reprend et essaie de prouver l'existence de l'âme[9]. Avicenne reprend plus tard encore cette pensée platonicienne et l'approuve. Il se montre cependant en désaccord avec sa théorie de la damnation des damnés[10].

Michel Foucault renverse la proposition dans Surveiller et punir, dans le chapitre 1. Il écrit que l'âme (l'esprit) est à la fois « effet et instrument d'une anatomie politique », et qu'ainsi, « l'âme [est la] prison du corps »[11].

Références

  1. François-Xavier Druet, Langage, images et visages de la mort chez Jean Chrysostome, Presses universitaires de Namur, (ISBN 978-2-87037-170-1, lire en ligne)
  2. (en) Judith Yarnall, Transformations of Circe: The History of an Enchantress, University of Illinois Press, (ISBN 978-0-252-06356-5, lire en ligne)
  3. Dictionnaire Des Sciences Philosophiques, L. Hachette, (lire en ligne)
  4. Platon, Bernard Piettre et Pierre Aubenque, Intégrales de Philo - PLATON, République (Livre VII), Nathan, (ISBN 978-2-09-814016-5, lire en ligne)
  5. Platon, Gorgias, Paris, Flammarion, , p. 492e-494a
  6. Catherine Joubaud, Le corps humain dans la philosophie platonicienne: étude à partir du "Timée", Vrin, (ISBN 978-2-7116-1053-2, lire en ligne)
  7. a et b (de) U. Bianchi, Le origini dello gnosticismo: colloquio di Messina 13-18 aprile 1966 ; testi e discussioni, BRILL, (ISBN 978-90-04-01613-2, lire en ligne)
  8. (en) Cahiers Élisabéthains, Centre d'études et de recherches élisabéthaines de l'Université Paul Valéry, (lire en ligne)
  9. Jules Simon, Histoire de l'école d'Alexandrie, Joubert, (lire en ligne)
  10. Pierre Le Loyer, IIII. livres des spectres ou apparitions et visions d'esprits, anges et demons se monstrans sensiblement aux hommes Par Pierre le Loyer..., pour Georges Neveu, (lire en ligne)
  11. Michel Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Gallimard, (ISBN 2-07-029179-0 et 978-2-07-029179-3, OCLC 1504053, lire en ligne), p. 34

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