Mentionné sous le nom de « Hatita » par la Table de Peutinger, le site était une étape de la voie romaine dite Via Nova Traiana construite sous Trajan entre la Syrie et la Mer Rouge. Une mansio, relais de poste romaine, permettait aux voyageurs du IIIe siècle de faire une halte entre Philadelphie (Amman) et Bostra, capitale de la province d'Arabie. À la fin du IVe siècle le site fut partiellement détruit et un fortin y fut construit, sans doute sous les empereurs Valentinien Ier, Valens et Gratien. La Notitia Dignitatum en indique la garnison : la Première Cohorte Milliaire des Thraces, et la Deuxième Aile Heureuse Valentinienne.
Au VIe siècle le site perd sa fonction militaire et devient un village chrétien. 11 petites églises y ont été retrouvées, certaines ornées de mosaïques représentant des motifs géométriques, des animaux, des villes avec leurs remparts et leurs églises, et des inscriptions en grec[1]. Il y avait aussi un cimetière dont les stèles funéraires étaient ornées de croix et comportaient parfois le nom du défunt écrit en grec ou en araméen. La prospérité de ce village semble avoir culminé au début du VIIe siècle, à la veille de la conquête musulmane.
Au VIIe et au VIIIe siècle, sous les Omeyyades, le village était toujours chrétien. Il décline par la suite. Les restes d'une petite mosquée, datant probablement de l'époque ayyoubide ou mamelouk (du XIIIe siècle au XVe siècle), aménagée dans les ruines d'une église byzantine, y ont été retrouvés. Le site a sans doute été complètement abandonné au XVe siècle, et resta désert jusqu'au XXe siècle. On ne l'appelait plus que Khirbet es-Samra, « les ruines sombres ».
À partir de 1900 l'Empire ottoman fit passer au pied des ruines le Chemin de fer du Hedjaz, et une petite gare fut construite à cet endroit[2]. Des éléments de la tribu bédouine des Beni Hassan installaient leurs tentes à proximité. À partir des années 1960 des familles de cette tribu se sont sédentarisées à côté des ruines, à l'emplacement de l'ancien cimetière. Le chemin de fer est aujourd'hui désaffecté mais dans les dernières années du XXe siècle des routes goudronnées sont venues désenclaver le village. Une importante station d'épuration[2] retraitant les eaux usées d'Amman a été construite au sud du village en 2002.
↑Ces mosaïques ne sont pas visibles sur le site car elles ont été réenterrées par mesure de protection après avoir été photographiées et relevées. Les parties qui représentent des villes ont été déposées et sont exposées au Mont Nébo.
Alain Desreumaux, « Les recherches à Khirbet es-Samra (Jordanie) et la question du syro-palestinien », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 127ᵉ année, no 2, , p. 316-329 (lire en ligne)
Ernest Will, « Rapport sur l'état et les activités de l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem pendant l'année 1991-1992 ; lu dans la séance du 20 novembre 1992 », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 136ᵉ année, no 4, , p. 766 (lire en ligne).
Gérard Thébault, « Sur les pas des arpenteurs romains, La via nova de la Provincia arabia entre Bosra et Philadelphia », Cahiers de la Revue biblique, Series archaeologica 5, 103, Khirbet es-Samra, vol. 2, Peeters 2022, p. 215.