Attirée par le piano dès ses 5 ans, elle n'en commence l'apprentissage en autodidacte qu'à 9 ans[2],[3]. Ses parents lui donnent quelques leçons, ainsi qu'à sa sœur de deux ans son ainée[4]. Si elle est d'abord influencée par le pianiste populaire Frankie Carle, dont elle reproduit les solos d'oreille à 11 ans[2],[5], la musique de Charlie Parker et de Bud Powell lui donne envie de faire carrière dans le jazz[1],[4]. À 12 ans, elle donne ses premiers concerts avec son amie Joanne Zerwig à l'accordéon et au chant[6].
Une bourse lui permet d'étudier au conservatoire de Los Angeles[5]. Elle quitte l'établissement au bout d'une semaine[7], considérant qu'on n'y pratique pas assez l'instrument[1],[2].
Elle commence à travailler avant d'arriver à la majorité, et modifie son permis de conduire, obtenu à 16 ans, pour faire croire qu'elle en a 21[5]. À la fin des années 1950, elle commence à travailler en Californie auprès de Teddy Edwards, Dexter Gordon, Charles Lloyd et Charles Brackeen, dont elle prendra le nom en l'épousant[3]. Elle découvre la musique d'Ornette Coleman (Something Else!!!!, 1958), qui est un grand choc pour elle[6].
Arrivée à New York
Elle s'installe avec Charles Brackeen à New York en 1965[1],[5]. Les époux finissent par divorcer, et elle élève seule ses quatre enfants, ce qui ne l'empêche pas de continuer à gagner en réputation[1].
Elle joue alors du piano et de l'orgue avec de nombreux musiciens : le vibraphoniste Freddie McCoy (1964), puis avec Woody Shaw (1969) et Dave Liebman (1969 et 1974)[3]. En 1969, elle apprend qu'Art Blakey joue à côté de chez elle. Elle va au concert, et se rend compte que le pianiste ne joue pas : elle propose alors à Blakey de s'installer sur le tabouret[8],[6]. Elle est embauchée après le premier morceau[8], et de 1969 et 1972, elle est la première et la seule[7] femme à faire partie du groupe d'Art Blakey, avec qui elle enregistre Catalyst[1]. Elle joue également avec Joe Henderson (1972-1975), Joe Farrell, Sonny Stitt, Stan Getz (1976-1977)[3].
En tant que leader
Alors qu'elle a divorcé il y a peu[5], elle publieSnooze, son premier album sous son nom en , à l'âge de 36 ans[9]. En 1982, elle devient son propre manager, ce qui lui assure un meilleur contrôle de sa carrière[1]. Elle se produit en tant que leader, en duo avec Clint Houston ou Red Mitchell[3].
Tring-A-Ling paraît en , avec Michael Brecker, Cecil McBee et Billy Hart[9]. C'est le premier album de Joanne Brackeen sur lequel ne figurent que ses compositions[9]. En paraît Aft, en trio avec le guitariste Ryō Kawasaki et le contrebassiste Clint Houston[9].
En paraît Mythical Magic, son premier album en piano solo[9].
Elle enregistre plusieurs albums avec Eddie Gómez et Jack DeJohnette, dont Keyed In (1979), l'aventureux Ancient Dynasty avec également Joe Henderson (1980) ou Special Identity (1981)[9].
Elle revient au trio avec Is It Really True (1991), avec quelques compositions remarquables (Haiti-B, Dr Chu Chow, Estilo Magnifico)[9]. La même année, elle retrouve Eddie Gómez et Jack DeJohnette pour Where Legends Dwell.
Dans les années 1990, elle s'intéresse à la musique brésilienne et publie Breath of Brazil (1991), Brasil from the Inside avec des musiciens brésiliens, membres du Trio da Paz (1992)[1]. En 1994, elle enregistre un hommage à Heitor Villa-Lobos avec le saxophoniste Ivo Perelman[1].
En 2001, elle enregistre Eyes of the Elders avec le saxophoniste Talib Qadir Kibwe, un disciple d'Abdullah Ibrahim. Elle participe à New Beginning, la dernière session de Makanda Ken McIntyre[1].
Compositrice
Joanne Brackeen a écrit de nombreuses pièces pour ses différents ensembles de jazz. Elle a également composé un quatuor à cordes et un quintette à cordes[2].
Dans ses premiers albums en leader, elle utilise des lignes de basse basées sur des rythmes impairs (à cinq temps, à sept temps…), à une époque où presque personne ne le faisait[6].
Joanne Brackeen est une pionnière, qui a suivi et participé à l'évolution du jazz au xxe siècle[4]. Elle est parfois surnommée la « Picasso du jazz »[12].
Sa musique, improvisée comme écrite, est souvent complexe, avec une grande richesse harmonique et liberté tonale, mais reste lyrique[3],[1]. Au fil du temps, ses différents trios ont participé à définir une tradition jazz moderne, toujours en évolution[1].
C'est une pianiste talentueuse[1], au « jeu puissant et percussif »[3], avec une main droite volubile et une main gauche « précise, dans la fermeté des lignes de basses comme dans les nuances des accords »[3].
Pour Piero Scaruffi, elle est au pic de sa créativité pendant les années 1970[9]. Dans les années 1990, elle s'intéresse à la musique brésilienne, et notamment à la musique d'Antônio Carlos Jobim, Milton Nascimento, Egberto Gismonti, Gilberto Gil ou encore Heitor Villa-Lobos[1]. Pour Piero Scaruffi, elle n'est plus très inventive à cette période, malgré quelques bons albums (Pink Elephant Magic, 1998)[9].
Discographie
En tant que leader
1975 : Snooze (Choice), réédité sous le titre Six Ate (Candid Records, 1996)[14]