Hydrogen Jukebox est un opĂ©ra de chambre (qualifiĂ© aussi de poĂšme-opĂ©ra) pour solistes et ensemble en deux parties et 20 scĂšnes (ou chants), composĂ© en 1990 par Philip Glass, sur un livret de Allen Ginsberg extrait, d'une part, de ses Collected poems 1947-1980, textes choisis ensemble par le compositeur et lâĂ©crivain, et de l'autre de textes Ă©crits lors de la guerre du Golfe.
Commande du Spoleto Music Festival (en) de Charleston pour sa quatorziĂšme Ă©dition[1] et de l'American Music Theater Festival de Philadelphie, la premiĂšre mondiale de l'Ćuvre a eu lieu le sous la direction musicale de Martin Goldray Ă Charleston [2] (Le Festival du ThĂ©Ăątre Musical AmĂ©ricain de Philadelphie organisa une version concert le [3]) et la premiĂšre française le , sous la direction musicale de Philippe Nahon, au ThĂ©Ăątre Graslin de Nantes (Angers-Nantes OpĂ©ra)[4].
Conception
La genĂšse dâHydrogen Jukebox commence lorsquâen 1988 le ThĂ©Ăątre des anciens du ViĂȘt-nam commande Ă Philip Glass une Ćuvre qui serait donnĂ©e au bĂ©nĂ©fice de cette compagnie :
« Je suis alors allĂ© dans la librairie de Allen Ginsberg, Ă Saint Mark â New York, pour lui demander de participer au projet. Nous Ă©tions dans le rayon PoĂ©sies et il prit un des livres sur lâĂ©tagĂšre et me montra Wichita Vortex Sutra. Ce poĂšme, Ă©crit en 1966 dans le style pacifiste de lâĂ©poque, nous semblait parfait pour ce que nous cherchions. Jâai donc composĂ© une partie de piano pour accompagner la lecture dâAllen et nous lâavons prĂ©sentĂ© au ThĂ©Ăątre Schubert sur Broadway. Allen et moi avons tellement apprĂ©ciĂ© cette collaboration que nous avons rapidement envisagĂ© de lâĂ©tendre Ă la rĂ©alisation dâun spectacle entier de thĂ©Ăątre musical. »
â Philip Glass, Livret du disque Hydrogen Jukebox, Elektra Nonesuch, 1992-1993[5]
Ginsberg et Glass composent ainsi le texte nourri des poĂšmes beatnik qui est Ă la source dâ Hydrogen Jukebox. Il s'agit d'un vaste tableau en 20 scĂšnes, foisonnant et kalĂ©idoscopique, dont la charge critique, ironique et lyrique fustige les travers de l'AmĂ©rique du Nord des annĂ©es 1950 Ă 1980.
« Avec Jukebox, jâai travaillĂ© avec le langage vernaculaire que nous pratiquons tous. Et la poĂ©sie dâAllen semble faite pour cela, car il puise dans les sons et les rythmes qui nous entourent pour façonner son langage poĂ©tique, un langage amĂ©ricain qui est logique, sensuel parfois abstrait mais toujours expressif. Fondre langage et musique ensemble apporte un sentiment de puissance, de plĂ©nitude sensorielle au sens propre, comme seul lâopĂ©ra en procure. »
â Philip Glass, Livret du disque Hydrogen Jukebox, Elektra Nonesuch, 1992-1993
Pour Allen Ginsberg, l'ouvrage pointe du doigt les Ă©lĂ©ments qui menacent notre civilisation. En dĂ©crivant tout ce qui complote contre la survie de notre monde, l'opĂ©ra dĂ©livre en effet un oxygĂšne salvateur. Pour Allen Ginsberg, il sâagissait de « soulager la souffrance humaine par une prise de conscience aiguĂ« des obsessions, nĂ©vroses et problĂšmes que nous rencontrons en cette fin de millĂ©naire »[6].
Le titre Hydrogen Jukebox vient dâun vers du poĂšme Howl : [âŠ] listening to the crack of doom on the hydrogen jukebox⊠([âŠ] tout en Ă©coutant le crash apocalyptique d'un jukebox Ă hydrogĂšneâŠ). « Cela renvoie Ă un Ă©tat de technologie hypertrophiĂ©e, un Ă©tat psychologique dans lequel les gens sont Ă la limite de leur apport sensoriel face Ă la civilisation de jukeboxes militaires, face au puissant grondement industriel ou face Ă une musique qui vous secoue les os et pĂ©nĂštre votre systĂšme nerveux, comme le ferait un jour un bombe Ă hydrogĂšne, en annonçant lâapocalypse », annonce Allen Ginsberg[7].
Argument
Il nây a pas dâhistoire, seulement lâHistoire et ses convulsions. Six personnages, conçus comme des archĂ©types de l'AmĂ©ricain moyen (une serveuse, un policier, un prĂȘtre, un homme dâaffaires, une pom-pom girl et un mĂ©canicien), traversent les temps et les paysages : des plaines dâOklahoma aux rives du Gange, de Chicago Ă Calcutta, quand « le cheval de guerre fonce vers la guerre », que meurent « les soldats venus de nulle part pour aller oĂč on les envoie » et que dans ce marasme il faut invoquer YahvĂ©, Allah et Bouddha. Aux Ă©pisodes trĂšs prĂ©cis de l'actualitĂ© politique et sociale Ă l'Ă©poque de Ginsberg (1960-1990) correspondent dans la trame littĂ©raire, les tableaux de sa vie intime (la mort de tante Rose, ses hallucinations dĂ©lirantes sous l'influence des drogues, ses hymnes lyriques au Kansas ou Ă l'Arizona, son anniversaireâŠ)[8].
DâEisenhower Ă Bush pĂšre, les prĂ©sidents et les Ă©vĂ©nements liĂ©s Ă leurs mandats dĂ©filent par flashs, par fragments, par Ă©tats de nĂ©vroses.
Le choix des thĂšmes abordĂ©s, le mouvement pacifiste (et anti-guerre du Vietnam), la rĂ©volution sexuelle, les drogues, la philosophie et la mĂ©ditation propres aux pays de lâAsie (le bouddhisme), et les questions dâenvironnement, dâĂ©cologie, rĂ©vĂšle le peu de conscience de la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine sur lâavenir de lâhumanitĂ© et de la planĂšte.
Personnages
Casting de la premiĂšre mondiale[2]:
Structure
Traduction française entre parenthÚses (Pierre Joris, , pour Angers-Nantes Opéra).
- PremiĂšre partie
- Chant n°1: Lightningâs blue glare from Iron Horse (LâĂ©blouissement bleu de lâĂ©clair, extrait de Le Cheval de Fer)
- Chant n°2: Whoâs the enemy from Iron Horse (Câest qui, lâennemi, extrait de Le Cheval De Fer)
- Chant n°3: Jahweh and Allah Battle (extrait de Bataille De YavhĂ© et dâAllah)
- Chant n°4: Consulting I Ching (Consultant le Yi Jing)
- Chant n°5: Marijuana Notation (Notes Marijuana)
- Chant n°6: Patna â Benares Express and from Last Night in Calcutta (Sur LâExpress Patna â BĂ©narĂšs et extrait de DerniĂšre Nuit Ă Calcutta)
- Chant n°7: To P.O (à P.O)
- Chant n°8: from Last Night in Calcutta (extrait de DerniÚre Nuit à Calcutta)
- Chant n°9: Under silver wing from Crossing Nation Over Denver Again ; from Going to Chicago; from To Poe: Over the Planet, Air Albany-Baltimore ; Blasts Rip Newspaper Gray from Friday The Thirteen (Sous lâaile argentĂ©e, extrait de TraversĂ©e De La Nation Survolant Denver Une Fois De Plus; extrait de En Route Pour Chicago; extrait de Ă Poe: Survolant La PlanĂšte, Air Albany Baltimore ; Explosions DĂ©chirent Journal Cimes, extrait de Vendredi Treize)
- Chant n°10: from Wichita Vortex Sutra (extrait de Wichita Vortex Sutra)
- DeuxiĂšme partie
- Chant n°11: from Howl (extrait du poÚme Howl)
- Chant n°12: Manhattan Thirties Flash (Flash Manhattan Trente)
- Chant n°13: from Cabin in the Woods (extrait de Cabane Dans Les Bois)
- Chant n°14: Numbers in Red Notebook; Aunt Rose (Notes dans mon carnet rouge; à Tante Rose)
- Chant n°15: from The Green Automobile (extrait de LâAutomobile Verte)
- Chant n°16: from Violence and C.I.A. Dope Calypso (extrait de Violence et de CIA Dope Calypso)
- Chant n°17: Everybody's Fantasy from Nagasaki Days (Fantasme Généralisé, extrait de Jours De Nagasaki)
- Chant n°18: Ayers Rock/Uluru Song
- Chant n°19: Out! Out! into the Buddhafields from Write Shroud (Out! Out! into the Buddhafields, extrait de Write Shroud)
- Chant n°20: Father Death Blues (Blues Du PÚre-La-Mort)
Discographie
- Elizabeth Futral,(soprano), Michele Eaton (soprano), Mary Ann Hart (mezzo-soprano), Richard Fracker (ténor), Gregory Purnhagen (baryton), Nathiel Watson (baryton), Allen Ginsberg (narrateur), Phillip Glass (piano) dirigé par Martin Goldray, enregistré en 1992-1993 à New York. Nonesuch Records (1993).
Références
Voir aussi
Article connexe
Liens externes