La décentralisation au Cameroun consiste en la cession progressive par l'État aux collectivités territoriales décentralisées de compétences non exclusives accompagnées de ressources humaines, techniques, matérielles et financières adéquates[1]. Ce transfert de pouvoirs est régi par des textes réglementaires votés par l'Assemblée nationale et promulgués par le Président de la République. Et les compétences transférées sont exercées le plus près possible des populations cibles avec succès[2]. Elles permettent aux collectivités territoriales décentralisées (CTD) de promouvoir la démocratie participative[3], la gouvernance et le développement locaux sur les plans social, éducatif, sanitaire, sportif, culturel, économique, artisanal et touristique[4].
Au Cameroun la décentralisation ne date pas d'aujourd'hui[5]. Elle commence entre les deux guerres mondiales d'abord au Cameroun britannique avec le système de l'indirect rule pratiqué par le Royaume-Uni et impliquant les Chefs traditionnels dans l'administration et la gestion des affaires de la cité[6], enfin au Cameroun français dès 1941 avec la création des Communes mixtes urbaines (CMU) de Yaoundé et Douala[7]. Elle est constitutionnalisée par la constitution camerounaise du 2 juin 1972 qui confère aux communes un cadre juridique en faisant d'elles des personnes morales de droit public jouissant d'une autonomie financière, juridique et administrative[1],[3]. La loi no 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972 vient créer une deuxième catégorie de collectivité territoriale décentralisée : la région.
Les collectivités territoriales décentralisées du Cameroun ont deux statuts juridiques : celles qui bénéficient d'une constitutionnalité directe car créées par la constitution (commune et région) et celles dont la constitutionnalité est indirecte car créées par la loi. En effet, l'article 55, alinéa 1 de la constitution permet au législateur de créer "tout autre type de collectivité décentralisée[1]". La suppression des premières nécessite une révision de la constitution alors qu'un simple texte du législateur suffit pour mettre fin à l'existence des collectivités de type 2 sus-citées.
La décentralisation est institutionnalisée au Cameroun par la constitution du [1]. Plusieurs textes seront ensuite votés pour en donner plus de précisions. Voici quelques-uns de ces textes:
la loi no 92/002 du fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux[8] ;
la loi no 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation[9] ;
la loi no 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes[9] ;
la loi no 2004/019 du fixant les règles applicables aux régions[10] ;
la loi no 2006/010 du 29 décembre 2006 modifiant les complétant certaines dispositions de la loi no 92/002 du 14 août 1992 ;
la loi no 2006/005 du fixant les modalités d'élection des sénateurs[11] ;
la loi no 2006/004 du 14 juillet 2006 fixant le mode d'élection des conseillers régionaux[12] ;
la loi no 2006/011 du portant création, organisation et fonctionnement d'"Élections au Cameroun" (ELECAM)[13] ;
le décret no 2008/0752/PM du précisant certaines modalités d'organisation et de fonctionnement des organes délibérants et des exécutifs communaux ;
le décret no 2008/372 du 11 novembre 2008 fixant les modalités d'application de certaines dispositions de la loi no 2006/011 du 29 décembre 2006[14] ;
le décret no 2008/376 du portant organisation administrative de la République du Cameroun[15] ;
la loi no 2009/011 du portant régime financier des collectivités territoriales décentralisées ;
le décret no 2009/248 du portant sur les modalités d'évaluation et de répartition de la dotation générale de la décentralisation ;
Les collectivités territoriales décentralisées sont: la commune et la région[3].
La commune
La commune est la collectivité territoriale décentralisée de base[16]. Toutes les communes du Cameroun sont membres de l'association "communes et villes unies du Cameroun" (CVUC), une plateforme de développement locale créée en 2003[17]. Les différents types de communes sont:
La communauté urbaine n'a pas une assise constitutionnelle directe. Elle est créée par la loi no 87/15 du 15 juillet 1987.
Organisation
La commune est gérée par deux organes: le Conseil municipal et l'Exécutif communal.
Le conseil municipal
Le Conseil municipal est l'organe délibérant de la commune. Il siège à l'hôtel de ville et est constitué de l'ensemble des Conseillers municipaux. Le nombre de ceux-ci indique la taille de la commune[9]:
25 conseillers municipaux pour une commune de moins de 50 000 habitants ;
31 conseillers municipaux pour une commune dont le nombre d'habitants est compris entre 50 001 et 100 000 ;
35 conseillers municipaux pour la commune dont le nombre d'habitants est compris entre 100 001 et 200 000 ;
41 conseillers municipaux pour la commune ayant un nombre d'habitants compris entre 200 001 et 300 000 ;
61 conseillers municipaux pour les communes de plus de 300 000 habitants.
L'exécutif communal
L'Exécutif communal est l'ensemble formé du maire et de ses adjoints. C'est l'instance administrative de la commune. Le maire et ses adjoints sont élus par leurs pairs du conseil municipal; ils sont d'abord des conseillers municipaux. Le maire a[9]:
2 adjoints dans les communes ayant 25 ou 31 conseillers municipaux ;
4 adjoints dans les communes ayant 35 ou 41 conseillers municipaux ;
6 adjoints dans les communes dont le conseil municipal comprend 61 conseillers.
Élections
Les conseillers municipaux sont élus lors d'élections municipales au suffrage universel direct et secret par les populations du territoire circonscrit par leur commune pour un mandat de cinq ans renouvelable[8]. Ils élisent en leur sein les membres de l'exécutif communal[9].
La loi no 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions définit la région: "Une collectivité territoriale décentralisée constituée de plusieurs départements[10]".
Organisation de la région
Les organes dirigeants de la région sont: le conseil régional et le président du conseil régional[10].
Le conseil régional
Le conseil régional est l'organe délibérant de la région. Il est constitué de délégués départementaux et de chefs traditionnels du territoire circonscrit ladite collectivité territoriale décentralisée[10].
Le président du conseil régional
Le président du conseil régional est la personnalité publique autochtone et résidente de cette région exerçant le pouvoir exécutif sur celle-ci. Il est à la tête d'un bureau régional qui a pour mission de l'assister dans l'exercice de ses fonctions. Il est membre du conseil régional. Ce bureau comprend: deux vice-présidents, deux questeurs, deux secrétaires[10].
L'exécutif régional bénéficie de l'assistance d'un service déconcentré de l'État: le secrétaire général de la région, personnalité nommée par le président de la République sur proposition du ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINATD[10]).
Élections régionales
Chaque maillon du conseil régional (délégués départementaux et chefs traditionnels) est composé de membres élus par leurs pairs au suffrage universel indirect et secret pour un mandat de cinq ans renouvelable[12]. Ils sont élus lors d'élections régionales. Ils élisent en leur sein les membres de l'exécutif régional[10].
Le Centre de formation pour l'administration municipale (CEFAM) met à la disposition des communes un personnel qualifié ou recyclé.
Les services déconcentrés de l'État jouent le rôle d'accompagnateurs des collectivités territoriales décentralisées dans la réalisation de leurs objectifs de développement et de réduction de la pauvreté.
Les organisations de la société civile (OSC) comme les organisations non gouvernementales (ONG) et les autres associations sont des observateurs neutres pouvant influer dans la prise en compte des voix des minorités et des délaissés.
Deux organismes bénéficiant d'une base constitutionnelle solide car créés par la constitution sont chargés du suivi et de l'évaluation des activités des collectivités territoriales décentralisées et de l'usage qui est fait des ressources transférées. Ce sont: le Conseil national de la décentralisation (chapeauté par le Premier ministre) et le Comité Interministériel des Services Locaux (à la tête duquel se trouve le ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation: MINATD.)
La constitution ne fait pas état du suivi par les organisations de la société civile.
Les compétences transférées aux CTD
Les compétences transférées par l'État camerounais aux collectivités territoriales décentralisées se regroupent en trois grandes catégories ou secteurs[5]: le secteur économique, le secteur socio-sanitaire et le secteur couvrant l’éducation, la jeunesse, le sport et la culture[21].
Compétences éducatives, sportives, culturelles et jeunes
Promouvoir les activités agropastorales, piscicoles et artisanales
Apporter un appui à l'entretien et à la gestion des centres de promotion et de réinsertion sociale
Créer, équiper, gérer et entretenir des écoles maternelles, primaires et pré-scolaires.
Recruter du personnel pour ces écoles
Créer, aménager et entretenir des sites touristiques
Dresser les actes d'état civil (acte de naissance, copie et extrait de l'acte de naissance, acte de mariage, acte de décès)
Fournir du matériel et des fournitures scolaires aux établissements scolaires
construire, équiper, gérer et entretenir des marchés, des gares routières et des abattoirs
Créer, équiper, gérer et entretenir les centres de santé
Apporter un appui à la gestion et à l'administration des lycées et collèges publics
Planifier et exécuter les investissements communaux
Appuyer les formations sanitaires et sociales qui existent
En partenariat avec la Région, lutter contre l'analphabétisme
Suivre et contrôler la gestion des déchets industriels, ainsi que les ordures ménagères
Faire des contrôles de qualité dans les structures de production, de conditionnement, de stockage et de distribution des denrées entrant dans l'alimentation des populations
Appuyer la création et l'entretien des infrastructures éducatives
↑Alain Didier Olinga, Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections au Cameroun, Presses universitaires d'Afr, (ISBN978-9956-444-36-6, lire en ligne)
↑« CAMEROUN :: Communauté urbaine de Yaoundé (CUY) : 21 milliards 820 millions 370 mille FCFA de budget pour 2017 :: CAMEROON - Camer.be », camer.be, (lire en ligne, consulté le )
Loi no 2006/010 du 29 décembre 2006 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi no 92/002 du 14 août 1992
Loi no 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des Collectivités territoriales décentralisées.
Jean-Claude Eko'O Akouafane, La décentralisation administrative au Cameroun, L'Harmattan, 2009, 310 p. (ISBN9782296213203)
Hilaire Kouomegne Noubissi, Décentralisation et centralisation au Cameroun : la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales, L'Harmattan, 2013, 495 p. (ISBN9782336009469)
(en) Paul Ntungwe Ndue, Decentralization and local government in Cameroon, Friedrich-Ebert-Foundation, Yaoundé, 1994, 54 p.
Observatoire de la Décentralisation, État de la décentralisation en Afrique, Karthala, Paris, 2009, 168 p. (ISBN9782811130541)
Joseph Owona, La décentralisation camerounaise, L'Harmattan, 2011, 172 p. (ISBN9782296466623)
André Tassou, Urbanisation et décentralisation au Cameroun: essai d'analyse historique de la gestion urbaine : 1900-2012, L'Harmattan, 2013, 213 p. (ISBN9782343003658)