Dvâravatî est une civilisation Môn qui se développa du VIe au XIe siècle dans le centre et nord de la Thaïlande[1] et le sud de la Birmanie. Il est encore incertain si le terme de Dvâravatî fait référence à une cité, un royaume, une entité géopolitique, une culture ou tout cela[2].
La période de Dvâravatî correspond à l'introduction du bouddhisme depuis l'Inde dans cette région de l'Asie du Sud-Est, suivant les routes commerciales établies dès les premiers siècles de notre ère pour les bois précieux, les métaux et les denrées rares. La diffusion de la culture indienne a suivi les mêmes voies pour les langues (pāli, sanskrit) et les religions (hindouisme, bouddhisme - hīnayāna puis mahāyāna).
Le royaume de Dvâravatî devint vassal de l'Empire khmer à partir du Xe siècle. Émietté politiquement, il ne survécut pas à la triple pression birmane, khmère et thaïe et disparut, selon les auteurs, entre 1050 et 1200.
Les populations môns émigrèrent vers le nord de l'actuelle Thaïlande, dans la région de Chiang Mai pour y fonder un royaume (Haripunchai). Les manifestations culturelles de Dvâravatî disparurent du centre de la Thaïlande pour se prolonger dans les zones septentrionales jusqu'aux environs du XIIIe siècle.
La culture de Dvâravatî eut une grande influence, aussi bien sur celle de la Thaïlande que celle du sud de la Birmanie jusqu'au XVe siècle.
La redécouverte de Dvâravatî
Cette redécouverte remonte au milieu du XIXe siècle : dans des textes de récits de voyageurs et pèlerins chinois, on releva le nom d'un royaume parmi beaucoup d'autres, celui de Duoluobodi, que des études philologiques complexes ont fait correspondre à Dvâravatî, une entité géopolitique située dans la partie centrale de l'Asie du Sud-Est.
Ce n'est que dans les années 1960 que l'on a découvert des témoignages archéologiques. On a pu traduire des légendes en langue môn sur de petites monnaies votives mentionnant le nom de Dvâravatî[4].
Culture
En Thaïlande, la culture de Dvâravatî est connue essentiellement par des sculptures religieuses. Il en reste peu de traces architecturales (vestiges de stûpas à Nakhon Pathom, Si Thep et Lamphun). Il s'agissait de stupas élancés, sur une base carrée, avec une partie centrale hémisphérique surmontée d'un pinacle annelé figurant des parasols (on peut en voir des représentations sur des bas reliefs et des sculptures). Il s'agissait aussi de grand bâtiments rectangulaires en brique dont ne subsistent aujourd'hui que les soubassements; ils supportaient probablement des sanctuaires.
Les Môns étaient des artistes qui excellaient dans la sculpture de la pierre, le stuc et la terre cuite, et dans une moindre mesure, dans le travail du bronze[5]. Leur style étaient essentiellement influencé par les styles Gupta et post-Gupta, qui étaient florissants en Inde centrale et de l'ouest du IVe siècle au VIIIe siècle. Une des techniques très utilisée par les Môns est le moulage, pour répéter des images du Bouddha en terre cuite ou en stuc. Ces images étaient ensuite installées dans des niches pour décorer les bâtiments. On trouve également sur les soubassements de ces bâtiments des plaques narratives.
Le Bouddha classique du style de Dvâravatî présente une ligne de sourcils sinueuse, des yeux mi-clos et proéminents, un nez fort, des lèvres épaisses et bien dessinées. La chevelure est faite de grosses boucles en spirale accompagnées d'un ushnisha[6] cylindrique. Il se tient le plus souvent debout, en position frontale, en Vitarka-Mudrâ, souvent des deux mains : l'index replié le long du pouce, il fait le geste de l'argumentation. La prédominance de ce Mudrā dans l'iconographie de Dvâravatî n'est pas clairement expliquée. Il est également fréquemment représenté en position assise dite "à l'européenne", c'est-à-dire les jambes pendantes. Au début de la période Dvâravatî, les statues montrent une triple courbure ou tribhanga, selon l'influence Gupta, contrairement aux sculptures plus tardives dont la posture est rigide et symétrique.
Le manteau, très près du corps, collant, couvre en général les deux épaules, donnant l'impression d'une nudité asexuée.
Le Dharmachakra, la roue du Dharma[7], est également un motif particulièrement important. Ces roues de la loi, originaires de l'Inde, où on les trouve dès le IIIe siècle avant notre ère, étaient placées au sommet de piliers. Elles étaient décorées de motifs floraux (influence Gupta) et flanquées de représentations de gazelles placées sur la base de ces piliers, symbole aniconique du premier discours du Bouddha[8] dans le parc aux gazelles de Sârnâth. Une particularité de ces roues de la loi dans l'art de Dvâravatî est que de petites sculptures étaient insérées, probablement dans le moyeu. Celles-ci représentaient le Bouddha et deux assistants surmontant un volatile extraordinaire.
↑Le premier sermon du Bouddha est souvent assimilé à la mise en branle de la roue de la loi (dharmacakrapravartana).
Louis Frédéric, L'Art de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est, Flammarion, 1994, p. 289-290.
Thierry Zéphir, Diffusion des influences indiennes en Thaïlande, conférence donnée au Musée Guimet (grand salon du Panthéon Bouddhique) le 20 février 2009
Claude Jacques, À la recherche de Dvâravatî , conférence donnée au Musée Guimet (auditorium) le 19 mars 2009 en l'honneur de S.A.R. la princesse Maha ChakriSirindhorn de Thaïlande
Sagesses bouddhistes, dans Les chemins de la foi, France 2, 12 avril 2009, Interviews de Thierry Zéphir et Pierre Baptiste, commissaires de l'exposition Dvâravatî au Musée Guimet
The National Museum Volunteers group, Treasures from THE NATIONAL MUSEUM, BANGKOK, (ISBN974-07-1428-5)