Les distributions tempérées ont été introduites par Laurent Schwartz, mais initialement sous l'appellation « distributions sphériques »[1], ce qui explique l'emploi de la lettre S par Schwartz lui-même.
Définition
Une distribution tempérée sur est une forme linéaire continue sur La continuité d'une forme linéaire sur peut s'exprimer de deux façons équivalentes :
Toute distribution tempérée se restreint donc en une distribution d'ordre fini et par densité de dans , une distribution T se prolonge en une (unique) distribution tempérée si et seulement si elle vérifie une telle inégalité pour tout
Caractérisation des distributions tempérées[2],[3] — Les distributions tempérées de sont exactement les distributions de la forme :
Pour que cette distribution soit tempérée, il suffit que la mesure μ le soit, c'est-à-dire vérifie les conditions équivalentes suivantes, où la mesure positive |μ| est la variation de μ :
il existe un entier naturel p tel que la mesure à densité (1 + ║x║2)–p|μ| soit finie ;
il existe un entier naturel p tel que |μ|(B(0, R)) = O(Rp) (quand le rayon R de la bouleB(0, R) tend vers l'infini).
Démonstration
Les deux définitions de « mesure tempérée » sont équivalentes : soit p un entier naturel.
Si la mesure (1 + ║x║2)–p|μ| est finie, c'est-à-dire sialors
Si |μ|(B(0, R)) = O(Rp), c'est-à-dire s'il existe une constante C telle que pour tout R,alors
Si μ est une mesure tempérée alors Tμ est une distribution tempérée : si, pour un certain entier naturel p,alors
Remarque : cette condition suffisante n'est pas nécessaire. Par exemple sur ℝ, la fonction x ↦ sin(ex) est la densité, par rapport à la mesure de Lebesgueλ, d'une mesure tempérée, qui définit donc une distribution tempérée, donc sa dérivée x ↦ excos(ex) définit aussi une distribution tempérée, bien qu'elle soit à croissance exponentielle.
Plus précisément, Lp(ℝN) s'injecte continûment dans
Distributions tempérées à support dans ℤN
Les considérations précédentes s'appliquent également à toute mesure μ à support dans ℤN, canoniquement associée à une suitemulti-indexéea = (ak)k∈ℤN de complexes par la relation ak = μ({k}). La distribution Tμ associée, qui s'écrit alors
est donc tempérée dès que la suite a est à croissance polynomiale.
Distributions périodiques
Une distribution sur est dite périodique de période si
où désigne la translation de
Sur ℝN, toute distribution périodique est tempérée.
Les exemples les plus simples sont le peigne de Dirac Ш1 — qui est à la fois périodique et à support dans ℤ — et les distributions régulières périodiques, c'est-à-dire associées à des fonctions localement intégrables périodiques.
Si alors, pour tous multi-indices le produit (avec un abus de langage) et la dérivée appartiennent à . De plus, la multiplication et la dérivation sont des applications linéaires continues de dans
Note : on retrouve la transformée de Fourier usuelle si T s'identifie à une fonction de L1 ou L2, ou à une fonction localement intégrable périodique (cf. article détaillé).
Inversion de Fourier
On définit de même l'opérateur sur comme le transposé de celui sur :
On déduit des propriétés des opérateurs sur les propriétés analogues pour leurs transposés :
Formule d'inversion de Fourier sur —
La transformée de Fourier est un automorphisme du -espace vectoriel des distributions tempérées, dont l'automorphisme réciproque est
où l'opérateur antipodie est défini pour toute distribution S sur par
Remarque : cette formule dépend de la convention choisie pour la transformation de Fourier dans l'espace des fonctions. Elle est valide pour une transformation de Fourier exprimée dans l'espace des fréquences, dont la définition utilise
Autres propriétés
La transformée de Fourier dans hérite de ses propriétés dans
est un automorphisme de période 4 (i.e. 4 est le plus petit entier strictement positif k tel que ), bicontinu ( est aussi continue).
En particulier hérite de la continuité séquentielle. Pour toute suite de distributions tempérées,
Exemples de transformées de Fourier de distributions
Les formules dépendent de la convention choisie pour la transformation de Fourier dans l'espace des fonctions. Elles sont valides pour une transformation de Fourier exprimée dans l'espace des fréquences, dont la définition utilise
Opérations usuelles
Soit T une distribution tempérée sur Les opérations alors utilisées dans les cas des fonctions sont maintenant valides sans hypothèse supplémentaire.
Dérivation : pour tout ,
Multiplication par un polynôme : pour tout ,
Translation : pour tout
Modulation : pour tout
Transformées usuelles
Transformées des sinusoïdes
Transformées des masses de Dirac. Pour tout et tout multi-indice
Transformées des polynômes : pour tout multi-indice
Distributions périodiques
La transformée de Fourier d'une distribution UT-périodique sur est la distribution en somme de Diracs
c'est-à-dire un signal, échantillonné à la fréquence , dont les échantillons sont données par
pour toute fonction test vérifiant
Cas des distributions à support compact
Dans cette section, T est supposée à support compact.
Transformée de Fourier
On démontre que l'application f définie sur ℝN par
est de classe C∞, avec donc (en utilisant la continuité de T en termes de semi-normes et la compacité de son support) à croissance polynomiale. Elle définit donc une distribution tempérée régulièreTf, et l'on vérifie que
Transformée de Fourier-Laplace
Donnons maintenant la définition de la transformée de Fourier-Laplace de T, extension à ℂn de sa transformée de Fourier :
Ainsi, la transformée de Fourier d'une distribution à support compact est analytique.
Cette remarque est cohérente avec la propriété d'échange entre décroissance à l'infini et régularité. Comme la compacité du support est la plus grande vitesse de décroissance à l'infini, il est prévisible que cette propriété s'échange avec celle de régularité extrême, c'est-à-dire la propriété d'être une fonction entière.
Notes et références
↑L. Schwartz, « Théorie des distributions et transformation de Fourier », Annales de l'université de Grenoble, vol. 23, 1947-1948, p. 7-24 (lire en ligne).
↑L. Schwartz, Théorie des distributions, Hermann, (1re éd. 1950-1951), chap. VII, § 4, p. 239-241.
↑(en) G. Friedlander et M. Joshi, Introduction to the Theory of Distributions, CUP, (lire en ligne), p. 97-98.