Le Dictionnaire comparatif dans toutes les langues et dialectes, rédigé par Peter Simon Pallas, est un des premiers glossaires multilingues publiés au monde. Son titre original est en deux langues : en russe Сравнительные словари всех языков и наречий, собранные десницею всевысочайшей особы, en latin Linguarum totius orbis vocabularia comparativa[1],[N 1]. Il comprend deux volumes, imprimés à Saint-Pétersbourg en 1787-1789. L'ouvrage est considéré comme une des premières bases pour l'étude comparative des langues et du développement des études linguistiques.
Histoire
L'impératrice Catherine II est la commanditaire de cet ouvrage. Dans les années 1780, elle demande à son ami Peter Simon Pallas, membre de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, botaniste, géographe et zoologiste, de réunir en un ouvrage un glossaire d'environ deux cents langues[2]. Dans sa préface, Pallas explique que l'impératrice elle-même a fourni une première liste de mots russes « pour être traduits et comparés dans toutes les langues connues »[3]. La deuxième partie du titre complet remercie l'impératrice sans la nommer : (...) collectés par une illustre personne.
Le Dictionnaire de Pallas s'inscrit dans une suite de publications dans le même domaine. En Russie, il fait suite à une précédente compilation des langues connues réalisée par Friedrich Nicolai à la demande de l’impératrice[4], à laquelle il remet le manuscrit de ses recherches rédigé en français en 1785[N 2]. En Italie, Lorenzo Hervás y Panduro publie en 1787 un vocabulaire polyglotte (Vocabolario, Poliglotto, con prolegomeni sopra più de CL lingue).
Plusieurs raisons expliquent le soutien de Catherine II au projet. L'impératrice s'intéresse aux langues, en particulier à la question d'une origine commune de toutes les langues, abordée par exemple par Antoine Court de Gébelin, dont elle a lu les travaux. Il s'agit également d'établir que c'est la langue russe qui est à l'origine de nombreuses autres langues[5].
Description et importance
La première édition (1787-1789) consiste en deux volumes. En 1791, une seconde édition, revue et corrigée, est publiée en quatre volumes sous la direction de Theodor Jankowitsch de Miriewo(de)[6].
La préface de la première édition est écrite en russe et en latin, et les pages présentent la traduction de cent trente mots russes (de Dieu, le premier mot, à verdure, le dernier), numérotés et repris dans le même ordre pour chaque langue. La première liste concerne le slave-russe, la dernière le sandavitche (sic)[3].
Toutes les entrées du dictionnaire, quelle que soit la langue de traduction, sont transcrites en alphabet cyrillique. Volney note que le choix de l'alphabet cyrillique en rend la lecture ardue pour les habitués de l'alphabet latin et que se pose la question de la transcription de la prononciation[3].
Les problèmes de transcription et de lecture de l'alphabet cyrillique, et le manque d'homogénéité de l'ensemble, ont limité le retentissement de cet ouvrage[7]. Cependant, ce dictionnaire représente une étape importante dans le développement de la méthode comparatiste des langues. En 1851. le philologue Jacob Grimm notait : « Il ne fait pas de doute que la parution du dictionnaire de Saint-Péterbourg de 1788 à 1790 (sic) sur ordre de Catherine II, même s'il fut composé à partir de principes imparfaits, a dans l'ensemble favorisé le développement ultérieur de la comparaison des langues »[8].
Notes et références
Notes
↑Plusieurs titres sont utilisés en français pour cet ouvrage : Dictionnaire au singulier ou au pluriel (Dictionnaires comparatifs dans toutes les langues et dialectes), Vocabulaires (Vocabulaires comparés des langues de toute la terre), Dictionnaire de l’impératrice Catherine II, Dictionnaire de Pallas.
↑Titre complet : Tableau général de toutes les Langues du Monde avec un catalogue préliminaire des principaux dictionnaires dans toutes les langues, et des principaux livres qui traitent de l’origine de toutes les Langues, de leur Etymologie et de leur affinité, fait par ordre de S.M.I. l’Impératrice de toutes les Russies.
↑ ab et cComte Volney, Rapport fait à l'Académie celtique sur l'ouvrage russe de M. le professeur Pallas, intitulé Vocabulaires comparés des langues de toute la terre, p.2-17. (Le rapport d'une vingtaine de pages est suivi de la reproduction du volume 1 de l'ouvrage original.)
Sylvie Archaimbault, « Peter Simon Pallas (1741-1811), un naturaliste parmi les mots », Histoire Épistémologie Langage, vol. 32, no 1, , p. 69-91 (lire en ligne, consulté le ).
Roger Comtet, « Le russe comme métalangage : transcription et translittération en alphabet cyrillique dans le Linguarum totius orbis vocabularia comparativa », Histoire Épistémologie Langage, vol. 32, no 1, , p. 93-114 (lire en ligne, consulté le ).
Comte Volney, Rapport fait à l'Académie celtique sur l'ouvrage russe de M. le professeur Pallas, intitulé Vocabulaires comparés des langues de toute la terre, vol. 1 [texte intégral]
(de) Folkwart Wendland, « Peter Simon Pallas – eine Zentralfigur in den deutsch-russischen Wissenschaftsbeziehungen im ausgehenden 18. Jahrhundert », dans Ludmila Thomas & Dietmar Wulff, Deutsch-russische Beziehungen. Ihre welthistorischen Dimensionen vom 18. Jahrhundert bis 1917, Berlin, Akademie Verlag, , , 138-159.