Au lendemain de la victoire contre les insurgés vendéens (), la solidarité née à cette occasion parmi la population s'effrite devant le chômage qui frappe les classes populaires, également menacées par la disette. Devant les dénonciations du club populaire de Saint-Vincent, qui attaque « ces messieurs du commerce », le représentant en missionPhilippeaux destitue la municipalité, remplacée par des hommes de la société populaire, en . De même, il décide la création d'un comité révolutionnaire et d'un tribunal révolutionnaire, recruté parmi le même personnel sans-culotte[1].
Le , le comité crée par arrêté une armée révolutionnaire[2] qui prend d'abord le nom de « compagnie Brutus ». Elle prend son nom définitif lors de son installation par le comité révolutionnaire de Nantes, le [3]. Composée de 60 hommes[2]recrutés sur le port, à 10 livres par jour[1], elle est placée sous le commandement de Louis Fleury, élu capitaine.
La compagnie Marat fait partie des 56 armées révolutionnaires recensées par Richard Cobb dans les départements[2] et considérées par lui comme un rouage essentiel du système de la Terreur. Composées d'artisans plutôt que de véritables prolétaires, ces armées « représentent la Terreur ambulante, la Terreur au village, elles font peur, et c'est bien le but de leurs créateurs : ce sont les instruments de vigilance et de vengeance, chargés de châtier les coupables, de frapper de terreur les tièdes et les indifférents, de régénérer l'esprit public par la force, de ravitailler les marchés urbains par la force... La création de ces armées représentent le triomphe de la violence érigée en méthode politique et parfois, un but en elle-même »[4]. Pour Richard Cobb, « plutôt que des brutes sanguinaires », les membres des armées révolutionnaires « sont des prédicateurs civiques, conscients de leur importance, animés surtout d'une grande volonté punitive, doublée parfois de quelques vagues idées de niveleurs primitifs »[5].
Déjà en place lors de l'arrivée à Nantes de Jean-Baptiste Carrier à Nantes, elle agit pour le comité révolutionnaire et entre bientôt en concurrence avec la police secrète créée par le représentant. Cette querelle de compétences crée un conflit entre les sans-culottes locaux et le député, qui aboutira au rappel de Carrier[6]« à sa demande » le [7].
Le 8 frimaire (28 novembre), un arrêté de Carrier « subordonne entièrement les opérations de la compagnie Marat » à la surveillance du comité, interdisant « aucune arrestation, aucune descente sans en avoir prévenu le comité de surveillance, et sans en avoir obtenu un réquisitoire de trois membres au moins du comité. » Le 2 nivôse (22 décembre), il écrit au comité pour lui ordonner d'exiger des membres de la compagnie la restitution de tous les brevets qui leur avaient confié des pouvoirs[8].
Le , le comité révolutionnaire de Nantes nomme huit commissaires en remplacement de la compagnie ; 7 d'entre eux sont d'anciens « Marat »[3].
Identification de quelques « Marat »
Une trentaine de « Marat » ont pu être identifiés, parmi lesquels:
René Naud, dit Naud l'aîné, âgé de 43 ans, négociant en armes avant la Révolution, qualifié aussi d'« armateur » (il aurait armé un bâtiment de 18 canons avant la Révolution), quartier-maître de la compagnie nommé par Carrier, demeurant sur le quai des Gardes-françaises et frère de Louis Naud, membre du comité nantais;
Julien Petit, 32 ans, tonnelier;
Joseph Pinatel, 41 ans, perruquier ou ex-perruquier;
Joseph Poulet, cordonnier;
Jean Prou, 39 ans, cloutier, membre du comité révolutionnaire de Nantes, qualifié également de membre de la compagnie, sans que la chose soit sûre;
Jean-Claude Richard, 33 ans, marchand chapelier, né à Dijon, adjudant de la compagnie;
Plusieurs anciens « Marat » ont été jugés avec le comité révolutionnaire de Nantes (16 octobre-), mais ont tous été acquittés[10].
Selon Alain Gérard, la compagnie se compose d'« artisans plus ou moins déclassés » et de « marginaux »[11]. Pour Richard Cobb, en revanche, elle « est composée comme la Société Vincent-la-Montagne elle-même, d'artisans, de petits boutiquiers »[12], « les Marat ne sont pas des gens riches. Certains l'ont été, mais ont perdu leur fortune à la suite de la Révolution, d'autres semblent avoir fait de mauvaises affaires »[9]. De son côté, Jean-Clément Martin juge que « l'ensemble est un mélange de négociants, d'artisans, de petits boutiquiers et de prolétaires des métiers de luxe. Les Marat ne sont pas riches, mais certains l'ont été et ont perdu leur fortune. Quelques-uns ne sont que des éléments de droit commun, tous n'en sont pas »[13].
Notes et références
↑ a et bRoger Dupuy, La République jacobine: terreur, guerre et gouvernement révolutionnaire, 1792-1794, tome 2 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, Le Seuil, coll. Points/Histoire, 2005, 366 pages, p. 169.
↑ a et bAlfred Lallié, « Le Bouffay de Nantes », Revue de Bretagne et de Vendée, Nantes, Société des bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne, deuxième série, tome VIII, 1865, p. 150-156.
↑Richard Cobb, Les armées révolutionnaires: instrument de la Terreur dans les départements, avril 1793 (floréal an II), vol. 1, p. 1-2 et 69.
↑Jean-Clément Martin, La Vendée et la France, Le Seuil, 1987, 403 pages, p. 217 (ISBN2020095513).
Bibliographie
Richard Cobb, Les armées révolutionnaires: instrument de la Terreur dans les départements, (floréal an II), Paris, Mouton & Cie, 1961-1963, 2 volumes, VIII-1019 p.