Le bâtiment est transformé par François de Caumont pour son épouse, qui souhaite habiter un lieu moins austère et plus lumineux. Des fenêtres à meneaux couvertes de vitraux sont percées mais les tourelles, les escaliers à vis et les gargouilles, éléments architecturaux du Moyen Âge, sont conservés.
Après un incendie dû au manque d'entretien, en 1900 Charles-Auguste Delbret-Claverie, industriel ayant fait fortune avec les corsets orthopédiques (qui employa 500 ouvriers), le rachète et commence à le restaurer[2].
Sous la direction de l'architecte en chef des Monuments historiques Henri Lafillée (1859-1947), de nouveaux éléments de style néo-gothique et néo-Renaissance sont ajoutés, comme des tours, des logis, des balcons, des balustrades agrémentées de sculptures allégoriques, et un jardin à la française est créé en 1908 par Jules Vacherot [3]. L'ensemble est complété par un chai et une ferme.
Après sa mort en 1914, sa veuve vend le château à un particulier ; à la suite d'une erreur du service du cadastre, la chapelle bâtie en 1503[4], qui devint temple du fait que les seigneurs se sont convertis au protestantisme (exercice dit « de fief »), et où en 1947 se maria — pour la quatrième fois — la nouvelle propriétaire Joséphine Baker avec le chef d'orchestre Jo Bouillon[2], est exclue du domaine et classée bien vacant et sans maître par l'administration fiscale après avoir été indûment attribuée à la commune ; ce n'est qu'en 2018-2019 qu'elle a réintégré le domaine du château, dont elle est une dépendance depuis son édification. Inscrite au titre des monuments historiques le [5], une crypte a été découverte sous cette chapelle ainsi que des fresques du XVIe siècle dont un saint Christophe haut de quatre mètres[6].
Joséphine Baker
Le château constitue la résidence de la chanteuse et meneuse de revueJoséphine Baker, qui le loue à partir de 1937 et l'achète, dix ans plus tard, avec son nouveau mari Jo Bouillon[7]. Elle avait découvert la bâtisse après avoir fait connaissance de son propriétaire, le médecin du paquebot Normandie, lors d'une traversée entre Le Havre et New York en 1935[2].
C'est à cette époque que sont installés l'eau courante, l'électricité et un système de chauffage central. Encore fortunée, Joséphine Baker embellit par ailleurs la demeure (sol en mosaïque, salle de bains noire et or inspirée du flacon du parfum Arpège, etc.) et collectionne les animaux exotiques dans son parc. Elle développera aussi un complexe touristique avant-gardiste (hôtel, bar-restaurant-salle de spectacle, musée de cire, boulodrome, minigolf, courts de tennis, piscine, etc.), baptisé « Village du Monde », où n'hésitent pas à se produire plusieurs artistes (Gilbert Bécaud, Hervé Vilard, Luis Mariano ou encore Dalida). Le couple Bouillon-Baker est en effet propriétaire de la quasi-totalité des maisons du bourg autour du château et de 300hectares de terres. Elle vivra dans cette propriété avec ses douze enfants adoptés de neuf nationalités différentes, qu'elle surnomme sa « tribu arc-en-ciel »[8]. Ils sont l'objet de reportages photo de Paris Match ou de Jours de France. La chanteuse évoque ces années heureuses dans sa chanson Dans mon village et dans le conte La Tribu Arc-en-ciel (1957), même si elle s'absente souvent pour des tournées musicales ou pour donner des conférences contre le racisme[2].
Un épisode évoquant sa présence est raconté dans le roman de Johannes Mario SimmelOn n’a pas toujours du caviar (1963).
En 1964, à la suite de problèmes financiers lancinants (dès 1957, la famille accuse une dette de 85 millions d'anciens francs) dus à une baisse de fréquentation du complexe, de dépenses trop élevées et de factures gonflées par des artisans de la région, la mise en vente aux enchères du château est annoncée. Grâce à l'intervention de l'actrice Brigitte Bardot, qui lance un appel aux Français, la constitution d'un comité autour de l'écrivain François Mauriac et l'aide financière du roi du Maroc Hassan II, du leader cubain Fidel Castro ou encore du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, un répit s'installe provisoirement. Joséphine Baker refuse l'offre pourtant apparemment avantageuse de Gilbert Trigano, qui souhaitait reprendre l'exploitation du complexe touristique en lui laissant l'usufruit du château. Il est finalement vendu pour un dixième de sa valeur en 1968[2].
Faisant jouer la loi française, elle obtient un sursis qui lui permet de rester sur place jusqu'au . Cependant, alors qu'elle est en tournée, elle apprend que le nouveau propriétaire a investi les lieux. Elle s'y oppose et investit seule la cuisine dans laquelle elle se barricade, ses enfants étant confiés à sa sœur et placés dans des établissements scolaires parisiens.
Profitant d'une de ses sorties de la pièce pour aller chercher de l'eau, les ouvriers ou employés du nouveau propriétaire, qui ont pour consigne de lui faire quitter le château, referment la porte derrière elle. Elle passe la nuit sur les marches du perron et doit être transportée à l'hôpital le lendemain ; cet événement tourne en sa faveur et elle obtient finalement une autorisation judiciaire de réintégration dans la cuisine.
Avec ses enfants, Joséphine Baker finit par déménager à Paris puis à Monaco (elle était séparée de Jo Bouillon depuis 1963)[2].
L'« après » Joséphine Baker
Depuis Joséphine Baker, quatre familles se sont succédé au château.
Les terrasses, façades et toitures du château sont inscrites au titre des monuments historiques le [9]. Depuis 2001, le château accueille une exposition sur Joséphine Baker et des travaux de restauration sont effectués[10].
En 2001, Henry et Claude de Labarre, qui avaient une maison sur la rive opposée de la Dordogne, en face du château, l'achètent et en commencent la restauration, avant d'en confier la gestion en 2006 à leur fille, Angélique de Saint-Exupéry[11],[12].
Le , le château, son chai, son jardin à la française et les anciennes écuries sont inscrits en totalité au titre des monuments historiques[13]. Chaque année, des spectacles de rapaces sont présentés de juillet à la mi-octobre[14].
↑Agnès Chauvin, "Auguste Claverie, le parcours remarquable du propriétaire du château des Milandes en 1900", Bulletin de la S.H.A.P., 2e semestre 2013, p. 361
↑Franck Delage, « A-t-on découvert les restes de la première châtelaine ? », Sud Ouest édition Dordogne, 22 juillet 2021, p. 19.
↑Franck Delage, « Des fresques révélées à la chapelle des Milandes », Sud Ouest édition Dordogne, 11 décembre 2019, p. 11.
↑Claire Bommelaer, « Des trésors patrimoniaux aux allures de carte postale », Le Figaro, encart « Le Figaro et vous », samedi 6 / dimanche 7 mai 2017, p. 28.
Agnès Chauvin, « Auguste Claverie, le parcours remarquable du propriétaire du château des Milandes », Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, tome CXL, 3e livraison, 2e semestre 2013, p. 357-362
Sarah Demay, Les jardins des Milandes, le troisième amour de Joséphine Baker, Arcades - Créations culturelles et patrimoines en Nouvelle-Aquitaine, p. 58-61, photos coul. de Jean-Michel Le Saux
Gérard Bonal, Joséphine Baker, du music-hall au Panthéon, Tallandier, 2021, 336 p.
Brian Bouillon-Baker, Joséphine Baker, l'universelle, éditions du Rocher, 2021, 234 p.
Emmanuel Bonini, La Véritable Joséphine Baker, Pygmalion, 2000.