Le marquis de Wellington, commandant en chef des forces alliées, voulait empêcher le corps de Suchet de venir renforcer les autres armées françaises en Espagne. Dans ce but, il ordonna au général Murray de se porter à la rencontre de l'armée d'Aragon avec 18 000 hommes. Cependant, Murray manœuvra maladroitement, ce qui incita Suchet à passer à l'attaque. Le maréchal battit un détachement espagnol à Yecla, puis marcha contre Murray ; sa progression fut néanmoins retardée le à Biar par la brigade Adam, permettant au gros de l'armée alliée de se retrancher sur une position défensive près de Castalla. Le 13, les attaques françaises furent repoussées avec de lourdes pertes par les troupes britanniques d'Adam et de Mackenzie, ainsi que par les Espagnols de Whittingham. Suchet se retira du champ de bataille, sans que Murray ne se lance à sa poursuite.
Contexte
Depuis 1809, l'Aragon était occupé par l'armée française du maréchal Louis-Gabriel Suchet. Celui-ci administrait la province de manière indépendante et ne coopérait que très peu avec les autres commandants français. Cependant, le marquis de Wellington, commandant en chef des armées alliées, craignait que sa position ne devienne délicate en cas d'intervention des troupes de Suchet dans le Centre et le Nord de l'Espagne. Pour éviter cette situation, Wellington ordonna que des opérations de débarquement soient effectuées sur la côte est de l'Espagne afin d'occuper les forces de Suchet[1].
Depuis l'été 1812, une armée anglo-sicilienne forte de 8 000 hommes, renforcée par environ 6 000 soldats espagnols venus de Minorque, occupa le port d'Alicante sur la côte est de l'Espagne[2]. Plusieurs généraux se succédèrent à la tête des troupes sans que ces dernières ne prennent pour autant une part active aux affrontements. En février 1813, le général John Murray prit le commandement de l'armée d'Alicante qui alignait à ce moment 18 000 hommes[1].
Prélude
Au début du mois d'avril, après quelques manœuvres indécises, Murray positionna sa petite armée à Villena, au nord-ouest d'Alicante. Simultanément, Suchet avait décidé de surprendre le général britannique et ses alliés espagnols et il divisa ses forces en deux colonnes : la première, sous les ordres du général de division Harispe, se dirigea sur Yecla qu'occupait un détachement espagnol, tandis que la deuxième, commandée par Suchet en personne, s'avança sur Villena à la rencontre de Murray[3]. Le 11 avril 1813, à Yecla, Harispe se heurta aux 3 000 soldats espagnols du général Mijares. Le 4e régiment de hussards et le 24e régiment de dragons prirent leurs adversaires par surprise et les mirent en déroute, leur infligeant une perte de 400 tués et 1 000 prisonniers. Deux bataillons d'infanterie espagnols furent pratiquement anéantis. Les Français eurent 18 tués et 61 blessés dans leurs rangs[4].
Le général Murray fut informé de ce revers dans la journée et il ordonna immédiatement le repli sur Alicante, laissant la brigade du colonel Frederick Adam au col de Biar pour couvrir sa retraite. Dans la matinée du 12 avril, la colonne de Suchet captura un bataillon espagnol à Villena avant de se lancer à la poursuite de Murray. À Biar, les Français engagèrent la brigade Adam sans parvenir à la faire reculer. Adam réussit à tenir les fantassins français à distance pendant cinq heures ce qui permit à Murray de concentrer son armée à Castalla[3]. La cavalerie de Suchet intervint et contraignit Adam à évacuer Biar, mais cette tentative de transformer la retraite anglo-espagnole en déroute échoua lorsque les cavaliers français tombèrent dans une embuscade tendue par trois compagnies du 2e bataillon du 27e régiment[5]. Les Français perdirent 300 hommes au cours de l'action alors que la brigade Adam laissa sur le terrain 260 tués ou blessés et 41 disparus. Le colonel britannique se vit également contraint d'abandonner deux de ses quatre canons[6].
L'armée de Murray se composait de 18 716 hommes organisés en une avant-garde, deux divisions anglo-italiennes, deux divisions espagnoles, de la cavalerie et de l'artillerie. L'avant-garde commandée par Adam comprenait 1 179 hommes organisés en trois bataillons et divers détachements. La 1re division du lieutenant-général Clinton comptait 4 036 hommes en cinq bataillons. La 2e division britannique sous les ordres du général Mackenzie alignait cinq bataillons pour un total de 4 045 soldats. La 1re division espagnole du colonel Whittingham présentait à l'effectif 3 901 hommes de troupe en six bataillons, tandis que la 2e division espagnole du général Roche incluait 4 019 hommes en cinq bataillons. Murray put aussi s'appuyer sur une cavalerie forte de 1 036 soldats répartis en neuf escadrons ainsi que sur une artillerie de 30 pièces servies par 500 artilleurs environ[7].
L'armée française d'Aragon commandée par le maréchal Suchet était formée d'une division de cavalerie et de trois divisions d'infanterie. Le général André Joseph Boussart avait sous ses ordres huit escadrons de cavalerie soit un total de 1 424 sabres. En l'absence du général Musnier, la 1re division était commandée provisoirement par le général de brigade Robert et était forte de huit bataillons totalisant 5 084 hommes ; la 2e division, dirigée par le général Harispe, comptait 4 052 soldats en six bataillons ; enfin, la 3e division du général Habert, la plus faible, comprenait 2 722 hommes en quatre bataillons. L'artillerie française se composait de 24 canons servis par 282 artilleurs[8].
Déroulement de la bataille
Suchet décida d'envoyer les divisions Robert et Habert au centre du dispositif de Murray et cinq compagnies de voltigeurs sur son flanc gauche, pendant que la cavalerie de Boussart était chargée d'envelopper le flanc droit adverse. La division Harispe serait tenue en réserve. Les Français étaient confiants et estimaient qu'un feu nourri serait suffisant pour mettre en fuite l'infanterie hispano-sicilienne[9]. Avant le début des combats, Murray ordonna au colonel Whittingham de poster sa division en face de l'aile droite française. Whittingham, se conformant à ces instructions, mit ses troupes en mouvement, créant ainsi une brèche au centre de la ligne de bataille[5].
Le , à midi, les troupes françaises passèrent à l'attaque. La division Robert, formée en cinq colonnes, se porta sur le centre anglo-espagnol[9]. De sa propre initiative, Whittingham outrepassa alors ses ordres et réoccupa son emplacement initial au centre du dispositif, détachant un bataillon pour contrer les voltigeurs français[5]. Les trois colonnes de droite de la division Robert et les tirailleurs furent repoussés par les Espagnols de Whittingham. Les deux colonnes de gauche se heurtèrent quant à elles à la brigade Adam et un bref duel de mousqueterie opposa le 2e bataillon du 27e régiment britannique, déployé en ligne, au 121e de ligne français, rangé en colonne ; celui-ci se replia en désordre après avoir perdu 369 hommes[6]. La division Habert fut également stoppée par les fantassins de Mackenzie alors que la cavalerie de Boussart était bloquée par un ruisseau en crue en avant de l'aile droite britannique[9].
Repoussé de toutes parts, Suchet, inférieur en nombre, était dans une situation critique, mais Murray hésita à tirer parti de son succès et le maréchal put se retirer du champ de bataille sans être inquiété. La défense de la passe de Biar par l'arrière-garde française permit au reste de l'armée de s'en tirer sans grandes pertes[10].
Pertes et conséquences
L'armée anglo-espagnole perdit 440 tués ou blessés[10]. La division Whittingham comptait 233 hommes hors de combat, celle de Mackenzie en perdit 47 et la brigade Adam 70. Suchet admit 800 tués ou blessés pour l'ensemble des combats de Yecla, Biar et Castalla mais ce chiffre est probablement en dessous de la réalité. Le général Murray déclara avoir infligé une perte de 2 500 hommes
aux Français ; cependant, un chiffre de 1 300 tués ou blessés français à Castalla est plus réaliste. En dépit de sa victoire, Murray poursuivit sa retraite sur Alicante[6].
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
(en) Michael Glover, The Peninsular War 1807-1814, Londres, Penguin, , 431 p. (ISBN0-14-139041-7).
(en) Jonathan P. Riley, Napoleon and the World War of 1813 : Lessons in Coalition Warfighting, Portland, Frank Cass Publishers, , 480 p. (ISBN0-7146-4893-0).
(en) Digby Smith, The Greenhill Napoleonic Wars Data Book : Actions and Losses in Personnel, Colours, Standards and Artillery, 1792-1815, Londres, Greenhill Books, , 582 p. (ISBN1-85367-276-9, BNF38973152).
(en) David Gates, The Spanish Ulcer : A History of the Peninsular War, Londres, Pimlico, , 557 p. (ISBN0-7126-9730-6).