Assemblée constituante islandaise de 2011

L'Assemblée constituante islandaise de 2011 est une assemblée élue en Islande le , chargée d'apporter des modifications à la Constitution islandaise du 17 juin 1944.

Contexte

La Constitution islandaise adoptée en 1944 sur le modèle de la Constitution danoise n'a pas connu de grandes révisions. Les faiblesses de ce texte apparaissent au grand jour au moment de la crise financière islandaise qui déclenche à l'automne 2008 un mouvement révolutionnaire non violent, la révolution islandaise, dite aussi révolution des casseroles, entraînant la chute du gouvernement dirigé par le Parti de l'indépendance (droite). L'Alliance sociale-démocrate et le Mouvement des verts et de gauche forment un gouvernement de coalition intérimaire, avant de remporter une victoire historique lors des élections législatives d'avril 2009. Dans leur programme, figure entre autres l'élection d'une assemblée constituante.

Loi constitutionnelle

La loi constitutionnelle adoptée le [1] par l'Althing prévoit l'élection d'une Assemblée constituante Ce lien renvoie vers une page d'homonymie (en islandais : Stjórnlagaþing) de 25 représentants, qui a pour mission de proposer des amendements à la Constitution du 17 juin 1944.

Selon l'article 3 de la loi constitutionnelle, elle a, entre autres devoirs (Viðfangsefni), de définir ou fixer :

  1. Les bases de la constitution islandaise et ses concepts fondamentaux.
  2. L'organisation des branches législatives et exécutives et les limites de leurs pouvoirs.
  3. Le rôle et le statut du président de la République.
  4. L'indépendance de la justice et la surveillance des autres détenteurs de pouvoirs étatiques.
  5. L'organisation des élections et les circonscriptions électorales.
  6. La participation des citoyens au processus démocratique, le calendrier et les modalités référendaires, y compris de celui du projet de loi constitutionnel.
  7. Le transfert des pouvoirs souverains aux organisations internationales et la conduite des affaires étrangères.
  8. Les affaires environnementales, y compris la propriété et la gestion des ressources naturelles.

Travaux préparatoires

En novembre 2010, elle est précédée par la désignation d'une Assemblée nationale de 1 000 personnes tirées au sort qui produit un cahier des charges précisant les points qui doivent être traités par la nouvelle Constitution.

Un Comité constitutionnel de sept personnes réalise ensuite une étude de 700 pages pour préparer le travail de l'Assemblée constituante.

Élection

Le 27 novembre 2010, 522 candidats se présentent aux suffrages suivant un scrutin à vote unique transférable, qui voit l'élection de quinze hommes et dix femmes. La participation n'est cependant que de 35,95 % [2].

Membres élus de l'Assemblée constituante[3]
Nom Profession Nombre de voix
Þorvaldur Gylfason Professeur d'économie à l'université 7 192
Salvör Nordal Directeur de l'Institut d'éthique à l'université d'Islande 2 842
Ómar Þorfinnur Ragnarsson Présentateur 2 440
Andrés Magnússon Médecin 2 175
Pétur Gunnlaugsson Avocat et présentateur de radio 1 989
Þorkell Helgason Mathématicien 1 930
Ari Teitsson Agriculteur 1 686
Illugi Jökulsson Journaliste 1 593
Freyja Haraldsdóttir Directrice d'entreprise 1 089
Silja Bára Ómarsdóttir Maître de conférence en politique internationale 1 054
Örn Bárður Jónsson Pasteur 806
Eiríkur Bergmann Einarsson Maître de conférence en science politique 753
Dögg Harðardóttir Directrice du département de l'architecture au musée d'art de Reykjavik 674
Vilhjálmur Þorsteinsson Président de CCP 672
Þórhildur Þorleifsdóttir Directrice de théâtre 584
Pawel Bartoszek Mathématicien 584
Arnfríður Guðmundsdóttir Professeur d'université 531
Erlingur Sigurdarson Ancien directeur de musée et enseignant 526
Inga Lind Karlsdóttir Présentatrice et étudiante 493
Katrín Oddsdóttir Avocate 479
Guðmundur Gunnarsson Dirigeant syndical 432
Katrín Fjelsted Médecin 418
Ástrós Gunnlaugsdóttir Étudiante en science politique 396
Gísli Tryggvason Porte-parole des consommateurs 348
Lýður Árnason Cinéaste et médecin 347

Il est alors prévu que l'Assemblée se réunisse à partir du pour commencer ses travaux qui doivent se prolonger entre deux et quatre mois.

Invalidation

Le , sur une plainte de trois membres du Parti de l'indépendance, opposé au processus et le plus impliqué dans les malversations à l'origine de la révolution des casseroles, la Cour suprême d'Islande invalide l'élection des constituants, en raison de plusieurs incertitudes concernant l'organisation et la confidentialité des votes[4]. La Première ministre, Jóhanna Sigurðardóttir, déclare que de nouvelles élections auront certainement lieu, selon de nouvelles modalités à définir.

Poursuite du processus

Le 24 mars suivant, le Parlement décide de confier à un Conseil constitutionnel constitué des personnes élues le 27 novembre la mission de discuter le rapport du Comité constitutionnel et de produire des recommandations pour une nouvelle constitution[5]. Pendant quatre mois, ce conseil travaille sur un projet de nouvelle constitution. Via les réseaux sociaux et un site, le peuple est invité à contribuer à la rédaction du texte. Le préambule commence ainsi : « Nous, peuple d’Islande, souhaitons créer une société juste offrant les mêmes opportunités à tous. Nos origines différentes sont une richesse commune, et ensemble nous sommes responsables de l’héritage des générations : la terre, l’histoire, la nature, la langue et la culture. L’Islande est un État libre et souverain, dont la liberté, l’égalité, la démocratie et les droits humains sont les piliers. »[6]. La proposition de constitution comporte 114 articles. Elle prévoit notamment que :

  • la réforme électorale garantira le « une personne, une voix » ; les députés sont élus pour quatre ans.
  • L'Assemblée élit le premier ministre sur proposition du président d'Islande tandis que celui-ci est élu au suffrage universel. Le président a le droit de dissoudre l'Assemblée.
  • Les ressources naturelles sont détenues par le peuple islandais ;
  • la démocratie directe par le biais de référendums nationaux ; il suffit de 10 % des électeurs islandais pour qu'un référendum soit organisé sur une loi votée par le parlement. Il faut la même proportion pour qu'un projet de loi soit présenté à l'assemblée par les Islandais.
  • la liberté d’information : toute personne doit être libre de collecter et de diffuser l'information. Les informations et les documents tenus par les autorités publiques doivent être accessibles sans exception.
  • la protection de l’environnement,
  • des garde-fous et des contre-pouvoirs face au gouvernement parlementaire semi-présidentiel, le système actuel. Toute modification constitutionnelle par le Parlement doit par exemple être soumise à référendum[7].

Le 29 juillet, le Conseil constitutionnel remet ces recommandations à la présidente de l'Althing sous la forme d'un projet de constitution à soumettre au référendum populaire[8].

Le projet est mal reçu par la classe politique, en particulier le président et les deux principaux partis, qui ont perdu les dernières élections en raison de leur implication dans la crise financière et auxquels les dispositions proposées sont beaucoup moins favorables que le statu quo.[non neutre] Une consultation populaire est prévue mais sa forme et son contenu font l'objet de vifs débats. La date du 30 juin 2012, correspondant à l'élection présidentielle, est initialement prévue mais les partis n'arrivent à se mettre d'accord ni sur le fond ni sur la forme des questions.

Le 20 octobre suivant, le référendum constitutionnel se déroule finalement[9] ; le projet de constitution reçoit le soutien de 57 à 82 % des votants selon la question, mais le taux de participation s'établit à 49 %[10].

En novembre 2012, le projet de loi pour le changement de Constitution est soumis pour avis à la Commission de Venise[11],[12].

Suspension du processus

Le gouvernement espère obtenir un vote de l'Althing avant les élections du printemps 2013, sans quoi l'adoption de la nouvelle Constitution, qui doit être approuvée par deux législatures successives, serait retardée de quatre ans. Mais, en raison de l'obstruction des partis d'opposition, qui veulent faire adopter une règle nécessitant les deux tiers des votes des députés et 40 % du vote populaire pour toute modification de la Constitution, le projet ne peut être soumis au vote du Parlement[13]. Les élections législatives du 27 avril 2013 sont remportées par les deux partis d'opposition de centre-droit, le Parti de l'indépendance et le Parti du progrès, ce qui entraîne la suspension pour une durée indéterminée de la tentative de réforme constitutionnelle.

Notes et références

  1. (is) Lög um stjórnlagaþing (Loi sur l'Assemblée constitutionnelle), Lög nr. 90 25. júní 2010 (en ligne).
  2. Islande. Assemblée constituante élue. 25 citoyens, Droitpublic.net, 1er décembre 2010
  3. (en) "Iceland Election Results Announced", Icelandreview.com, 1er décembre 2010
  4. (en) « Voting to Iceland’s constitutional assembly voided by court », sur Ice News,
  5. (en) Stjórnlagaráð 2011 - English, chapitre 'More information'
  6. Une Constitution pour changer d’Islande ? par Silla Sigurgeirsdóttir et Robert Wade (Monde Diplomatique)
  7. Lire la totalité du projet de constitution (en)
  8. (en) Texte intégral du projet
  9. Charlotte Chabas, « Les Islandais se prononcent sur une nouvelle Constitution écrite par "des gens ordinaires" », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. « Plus de 66 % des Islandais disent oui à une nouvelle Constitution », sur lapresse.ca,
  11. Iceland Review Iceland Constitution Draft to Go Before Venice Commission
  12. European commission for democracy through law, Constitutional bill for a new constitution for the Republic of Iceland and excerpts from the notes to the constitutional bill, (January 2013), Opinion no 702/2012
  13. Thorvaldur Gylfason, « Putsch : la Constitution Islandaise a été assassinée par le Parlement », Vivre en Islande,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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