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L'affaire Lucien-Gilles de Vallière est une affaire criminelle française dans laquelle Lucien-Gilles de Vallière a tué Sophie Bouvier, 10 ans, le , à Annemasse. Il est également l'auteur de dix attaques, perpétrées à Annemasse et Genève, entre 1985 et 1991.
Confondu par la police en mars 1991, Vallière fut surnommé le Monstre d'Annemasse par la presse, puis l'Assassin aux cordelettes par des documentaires judiciaires[1],[2].
Lucien-Gilles de Vallière est né le à Hésingue[7],[8]. Son père est un professeur de mathématiques brillant, mais « froid de caractère », tandis que sa mère le couve. Il est fils unique.
En 1976, à l'âge de 9 ans, il est violé par un inconnu, qui l'entraîne dans une cave le force à lui pratiquer une fellation. Vallière est traumatisé par l'agression ainsi que l’indifférence de ses parents, vis-à-vis des faits, et commence à se brosser les dents excessivement[8],[9],[10],[11].
Il quitte le Haut-Rhin, en 1979, pour déménager à Annemasse. C'est à cette période qu'il commence à se grimer en fille, puis à se bâillonner lui-même. Ce fantasme, réitéré par dégoût de la femme, le poursuit plusieurs années durant. Lorsque ses parents se séparent, en 1982, Vallière décide de rester chez sa mère[8],[9],[10],[11],[12].
En 1984, sa mère tombe sur ses habits féminins et décide de les jeter. N'ayant plus de repères, Vallière décide de reproduire son « scénario » sur des fillettes[8],[9],[10],[11],[12].
Il obtient son baccalauréat, en juillet 1986, puis part à Genève pour commencer des études de chimie. Il abandonne cette formation, en 1987, et retourne vivre chez sa mère pour se consacrer à des Études d'informatique, qu'il exercera jusqu'à son arrestation, en 1991[8],[9],[11].
Affaire
Début de l'enquête
Le , vers 16h30, Vallière s'introduit chez Sophie Bouvier, 10 ans, alors que celle-ci est seule dans l'appartement de ses parents à Annemasse. Il l'emmène dans la chambre parentale où il la déshabille et lui fait subir des attouchements. Vallière accède à la salle d'eau, fait couler un bain et plonge la tête de Sophie dans la baignoire. Elle meurt noyée. Dans le même temps, la mère de Sophie, qui est à son travail, tente d’appeler sa fille au téléphone et s'inquiète de ne pas pouvoir la joindre. Vers 17h, Guillaume Bouvier, le frère de la fillette, et son ami Jérôme, âgés de 13 ans, rentrent de l'école. Surpris de voir la porte fermée à clé, Guillaume ouvre l'appartement avec sa propre clé. Ils croisent Vallière, qui leur demande si Sophie est rentrée. Vallière quitte l'appartement alors que le téléphone retentit de nouveau. C'est encore la mère des deux enfants, inquiète de ne pas avoir de nouvelles de Sophie. Guillaume, qui décroche, lui demande qui est ce jeune homme qui se trouvait chez eux. Mme Bouvier, alarmée par la présence d'un inconnu à son domicile, quitte alors précipitamment son travail pour rentrer à l'appartement familial. Pendant ce temps, Guillaume et Jérôme cherchent Sophie et la retrouvent bâillonnée et noyée dans la baignoire. Les deux adolescents la libèrent de ses liens et appellent les urgences, mais on ne parvient pas à réanimer Sophie[1],[2],[8],[9],[10],[11].
Guillaume et Jérôme aident à dresser un portrait-robot de l'assassin. Une enquête pour assassinat et abus sexuel sur mineure de moins de 15 ans est ouverte le lendemain. La presse s'empare de l'affaire et surnomme l'assassin « le monstre d'Annemasse ». Le portrait-robot est diffusé et débouche sur des centaines de dénonciations[9].
Début , Jean-Luc Clouard, jeune journaliste, est placé en garde à vue. Il reconnaît être allé à Annemasse le jour du crime, dans le cadre de ses déplacements professionnels, mais nie avoir tué Sophie. Après plusieurs heures d'interrogatoires, il est finalement mis hors cause et relâché, après que son emploi du temps a été confirmé[8],[9],[10].
Mi-, un homme ressemblant au portrait-robot est surpris alors qu'il épiait l'école où était scolarisée Sophie. Placé en garde à vue, il s'effondre en comprenant qu'il est suspect d'assassinat et d'abus sexuel sur mineure de moins de 15 ans. Il explique sa présence devant l'école en avouant être tombé amoureux d'une mère d'élève. Concernant le crime, il affirme avoir travaillé dans la banque qui l'emploie au moment des faits. Son alibi est vérifié puis confirmé par les enquêteurs, qui le libèrent[9],[10],[11].
Rapprochement avec d'autres affaires
Les enquêteurs, chargés de l'assassinat de Sophie, font un rapprochement avec deux attaques antérieures commises dans des immeubles d'Annemasse :
Angélique, 8 ans, rentre à pied de l'école, le , lorsqu'elle est attirée par son assaillant dans le sous sol de son immeuble. Lorsqu'ils arrivent en bas, l'assaillant l'attache à l'aide d'une cordelette. Elle profite du fait qu'il lui tourne le dos pour courir vers l'ascenseur. La cordelette qui lui serre le cou se coince dans la porte et bloque l’ascenseur. Angélique s'en sort indemne, échappant de peu à la strangulation, et l'assaillant s’enfuit[8],[9],[10],[11].
Stéphanie, 12 ans, rentre des cours, le , lorsqu'elle est entraînée dans le sous-sol de son immeuble. Son assaillant tente de l’étouffer et menace de la tuer si elle refuse de se taire. La fillette se mettant à crier, l'assaillant entreprend de l'étrangler. Stéphanie feint d'être morte et s’évanouit. À son réveil quelques minutes plus tard, son assaillant a pris la fuite. Après avoir déposé plainte, Stéphanie dresse un portrait-robot, mais l'enquête n'avance pas. En , le portrait-robot de l'assassin de Sophie est montré à Stéphanie, qui l’identifie comme son agresseur[8],[9],[10],[11],[13].
Attaques postérieures
Trois années passent avant que le « monstre d'Annemasse » ne commette de nouvelles attaques :
Sylvie, 15 ans, rentre des cours, un après-midi de janvier 1989, lorsqu'elle est attaquée par derrière à l'entrée de son appartement. Son assaillant tente de la violer, mais l'adolescente se débat. Dans la lutte, une vase se brise, faisant ainsi fuir l'assaillant. Du chloroforme est retrouvé sur la scène de crime mais sans que l'on puisse remonter jusqu'à l'acheteur[8],[9],[10],[11].
Nathalie, 21 ans, rentre d'une soirée en discothèque, dans la nuit du 19 au , lorsqu'elle est attaquée par derrière, près d'un pont d'Annemasse. Son assaillant tente de la violer mais renonce, dès lors que la jeune femme semble consentir. Souffrant d'un léger retard mental, Nathalie s'était perdue dans les rues d'Annemasse. Elle dira aux policiers que son agresseur portait un sac à dos[8],[9],[10],[11].
Arrestation et incarcération
Dans la nuit du 24 au , vers 3h du matin, les policiers sont appelés pour un cambriolage. Parvenus sur place, ils croisent Vallière, qui prend la fuite en les voyant. Vallière est rattrapé et interpellé après quelques mètres de poursuite. La fouille de son sac à dos permet la découverte de sparadrap, de cordelettes et d'une bombe lacrymogène. Questionné sur sa présence dans la rue à cette heure-ci, Vallière déclare être à la recherche des personnes l'ayant agressé quelque temps auparavant. Convaincus que l'attirail du suspect est celui du meurtrier et agresseur que l'on recherche, les gendarmes perquisitionnent l'appartement de sa mère. Dans sa chambre, sont découverts plusieurs coupures de presse concernant le « monstre d'Annemasse », ainsi que 4 200 clichés de jeunes femmes que Vallière prenait depuis la fenêtre de sa chambre. De retour au commissariat, les gendarmes affirment à Vallière avoir assez d'éléments contre lui. Ils l'accusent d'être l'auteur de l'assassinat de Sophie et Vallière reconnaît sa culpabilité ainsi que les cinq attaques dont les policiers le soupçonnent. Dans la foulée de ses aveux, il admet aussi avoir commis six autres attaques, commises à Annemasse et à Genève, entre la fin des années 1980 et janvier 1991[8],[9],[10],[11],[12].
L'arrestation de l'étudiant suscite l'incompréhension chez ses proches : sa mère et ses deux anciennes petites-amies sont consternées. L'avocate qu'il choisit, Me Jane Canet-Fischer, est également surprise de voir un tueur en ce « garçon au visage d'ange ». Son père, quant à lui, reste indifférent à l'arrestation et, déclare Me Canet-Fischer, coupe tout lien avec lui[8].
« Je ne veux plus jamais entendre parler de mon fils. D'ailleurs, ce n'est plus mon fils. Il a déshonoré mon nom. »
— M. de Vallière
La défense de Vallière s'appuie sur le fait que ses passages à l'acte son liés à un dédoublement de la personnalité, qui entraîne une irresponsabilité pénale et une impossibilité à être jugé. Les experts psychiatres réfutent toutefois cet argument, estimant que la préparation des faits et l'attitude de Vallière vont à l'encontre d'une abolition du discernement[9],[10].
Le , s'ouvre son procès, devant la cour d'assises d'Annecy, pour l'assassinat de Sophie Bouvier, la tentative de meurtre de Stéphanie et la tentative de viol de Nathalie. Il est alors âgé de de 26 ans[8],[11],[12].
À son entrée devant la cour, le physique de Vallière surprend par sa maigreur : il mesure 1,83 m pour 60 kg. Lorsque Guillaume lui demande pour quelle raison il a noyé Sophie, l'accusé répond que l'eau est un fantasme. Après avoir expliqué avoir fait couler de l'eau froide, pour noyer la fillette, Vallière modifie sa version, en disant avoir fait couler de l'eau tiède, pour faire attention à ses derniers instants. Au moment du procès, les débats contre les assassins et violeurs d'enfants sont au plus haut, après les arrestations successives de Michel Sydor et Patrick Tissier, déjà condamnés pour meurtre(s) par le passé. Il est également évoqué la future mise en application de la perpétuité incompressible en France pour ce genre de criminels. Lors des réquisitions, l'avocat général requiert la peine maximale encourue pour Vallière : réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 30 ans. L'avocate de l'accusé, Maître Jane Canet-Fischer, demande des circonstances atténuantes, en raison du viol subi dans son enfance et de l'indifférence de ses parents à l'agression[8],[9],[10],[11],[12].
La Cour de cassation annule le verdict, le , sous le motif que la période de sûreté de 30 ans ne peut s'appliquer pour les crimes antérieurs à la Décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986. La Chambre criminelle réduit la période de sûreté à 22 ans, celle-ci étant la peine maximale prévue lors de la commission des faits. Vallière ne sera cependant pas rejugé pour ces faits, la Cour estimant que seule la peine nécessite d'être revue : on parle alors de cassation sans renvoi[3],[4],[5].
Mme Bouvier et Stéphanie contestent cette décision mais, le , les oppositions sont déclarées irrecevables par la Cour de cassation[6].
Le Dr Jean-Bernard Lemmel, l'un des psychiatres chargés de l'évaluer déclare dans une interview au Dauphiné libéré : « Sans être délirant ni hallucinatoire, il révélait une perversion de structure profonde, c’est d’ailleurs le seul homme que j’ai rencontré que j’ai qualifié de pervers incurable, un trouble de la personnalité assez fort qui est difficile à soigner ». Les expertises le qualifièrent de « pervers incurable »[9].
↑ abcdef et g« Aux assises de Haute-Savoie Un homme de vingt-six ans est condamné à la prison à perpétuité pour des agressions à caractère sexuel », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Vincent Bouvet-Gerbettaz, « La libération des meurtriers et violeurs d'enfants en question », Le Dauphiné libéré, (lire en ligne)
« Affaire Lucien-Gilles de Vallière : qui est vraiment le « monstre d'Annemasse » ? » le dans L'Heure du crime présenté par Jean-Alphonse Richard sur RTL.